Par sudouest.fr avec AFP
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Plus de 300 plaintes pour « menace de mort » ont été déposées par des élus depuis juillet, dont 60 sur les dix premiers jours de 2022, sur fond de fronde anti-passe et d’élections capitales

Le député de la majorité Pascal Bois dormait chez lui fin décembre lorsque des pompiers l’ont réveillé pour lui annoncer que son garage brûlait. En France, les violences contre les élus ont fortement augmenté ces dernières années, notamment à quelques mois de la présidentielle.

« Il y a eu naturellement un moment de sidération, que j’ai assez vite dépassé. J’ai essayé de garder mon sang-froid », raconte-t-il. Le garage étant situé dans une dépendance, son domicile n’a heureusement pas été touché. « Très vite, j’ai compris que c’était un acte délibéré. »

Sur le muret de sa maison, à une trentaine de kilomètres de Paris, deux tags : « Ça va péter » et « Votez non » au passe vaccinal, un projet de loi alors en discussion, depuis lors validé par l’Assemblée nationale, où siège Pascal Bois, et le Sénat.

Le député de La République en marche, le parti du président Emmanuel Macron, a soutenu ce dispositif détesté de non vaccinés, qui leur interdit l’accès aux activités de loisir, restaurants, bars, et autres transports interrégionaux.

Ce n’était pas sa première alerte. En novembre, il avait déjà reçu des menaces de mort dans un courrier accompagné d’une balle. Biens incendiés, dégradations, jets de pierre, courriels ou tweets d’intimidation ou d’insulte… « Nous constatons une augmentation extrêmement forte des menaces, et donc des violences contre les élus », regrettait le 11 janvier le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

« Je vais te décapiter »

Samedi, un autre député de la majorité, Romain Grau, affirme avoir reçu à Perpignan « un coup de poing sur le menton » d’une foule ayant ciblé sa permanence. Dans une vidéo postée sur Twitter, on voit des hommes crier « à mort » et « tu l’as voté le passe ? ».

Plus de 300 plaintes pour « menace de mort » ont été déposées par des élus depuis juillet, dont 60 sur les dix premiers jours de 2022, selon M. Darmanin. Selon le ministère de l’Intérieur, 1 186 élus ont été pris pour cible en 2021, dont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints victimes d’agressions physiques, soit une hausse de 47 % par rapport à 2020. 419 outrages ont aussi été recensés (+30%).

À quatre mois de la présidentielle et six des législatives, la défiance envers le personnel politique semble atteindre un paroxysme, entretenu par un mouvement anti-vaccin qui lui aussi se radicalise.

En novembre, 60 % des personnes interrogées pour un sondage sur la perception de l’Assemblée nationale disaient comprendre les comportements violents à l’endroit des députés, et 13 % les approuvaient.

Début janvier, les chefs des principaux partis politiques sont entrés ensemble dans l’hémicycle pour dénoncer à l’unisson « la montée de la haine » à leur encontre, une démonstration d’unité rare.

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« Des députés reçoivent des messages, où il est écrit : “Je vais te décapiter”, “Je vais te poignarder +. Des mots qui veulent inspirer le crime », s’est inquiété le président de l’Assemblée Richard Ferrand, dans un entretien au quotidien Le Monde.

Ces citoyens « finissent par adopter parfois la violence pour tenter de se faire entendre », a-t-il analysé. « On a longtemps parlé d’exclusion sociale, je crois qu’aujourd’hui un certain nombre de Français se vivent en exclusion politique ».

Intensification sous l’ère Macron

Un sentiment qui semble s’être fortement intensifié depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017, les épisodes de violence s’étant encore « accélérés ces derniers mois et semaines », selon Isabelle Sommier, spécialiste de la violence politique à l’université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Les « gilets jaunes », un mouvement de contestation des élites et notamment du président sortant, incarnent ce phénomène, partis des zones rurales et des petites villes

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Les anti-vaccins paraissent recouper géographiquement et socio-économiquement les « gilets jaunes », juge Mme Sommier, pour qui la manière très centralisée de gouverner de M. Macron, parfois perçue comme pro riches et provocatrice, a pu attiser les flammes.

Le chef de l’État, giflé dans le sud-est de la France en juin, a ainsi déclaré début janvier qu’il voulait « emmerder » les non-vaccinés.

Le pays reste toutefois moins violent qu’après-guerre, relève Isabelle Sommier. Mais après les meurtres de deux députés en Grande-Bretagne depuis 2016, ces attaques inquiètent les élus français.

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« Je fais plus attention à ce qui se passe autour de moi », résume Pascal Bois. « Je regarde si je ne suis pas suivi en voiture. Tous mes collègues ont pris l’habitude de faire la même chose ».