"Mon ex a tenté de me tuer et il recommencera": après avoir survécu à 59 coups de couteau à Toulon, elle raconte

Alors que le procès en appel de son ancien conjoint s’ouvre ce jeudi à Aix-en-Provence, Aurélie, lardée de 59 coups de couteau en 2018 à Toulon, revient sur son parcours.

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Eric Marmottans Publié le 26/01/2022 à 19:56, mis à jour le 26/01/2022 à 20:11
La Seyne-sur-Mer, le 25 janvier 2022. Aurélie reçue par ses avocats Mes Laurent Gavarri et Laurie Franchitto. (Photo Valérie Le Parc)

"Il veut me tuer." Aurélie (1) a survécu à des dizaines de coups de couteau, assénés en pleine journée près d’une école maternelle à Toulon. Emmitouflée dans un pull à col roulé, cette infirmière reste sur ses gardes alors que son ex-conjoint est emprisonné depuis trois ans.

Elle est hantée par l’idée que son ancien compagnon puisse localiser son nouveau domicile, ou identifier les établissements dans lesquels leurs trois enfants sont scolarisés. "Je tape le nom de mes enfants sur Google..."

"Syndrome post-traumatique", résument ses avocats, Mes Laurie Franchitto et Laurent Gavarri, qui accompagnent Aurélie dans la nouvelle épreuve qui s’ouvre ce jeudi à Aix-en-Provence. Son "ex" a fait appel d’une condamnation à 25 ans de réclusion criminelle pour "tentative d’assassinat".

"Son visage déformé par la haine"

De quoi revivre l’épisode du 13 décembre 2018, sur le parking de la maternelle des Œillets. "La directrice m’a appelée pour me dire que je devais venir chercher mon fils de 3 ans qui est malade. Je le clipse dans le siège-auto et quand je me retourne, [mon ex-conjoint] est là. Il me crie dessus: “Pourquoi tu l’as mis à l’école?!"»

"Je me place devant son mètre quatre-vingt-six et je lui dis: “Je fais ce que je veux". Je vois que son visage est déformé par la haine." Aurélie se précipite au volant de son véhicule. "Il me rattrape, je n’ai pas le temps de fermer la portière, il me saute dessus."

"Je ne le vois pas, je sens qu’il me pique. Je crois que c’est avec sa clé de voiture", poursuit-elle. Un poumon est perforé. "Je sens l’air qui passe, en dessous de mon soutien-gorge." Aurélie comprend. Une zone du cœur est aussi transpercée, son bras est lacéré. "Il a essayé de m’égorger, de me décapiter", dit-elle en réajustant l’écharpe qui cache son col roulé.

La médecine de guerre m’a sauvé la vie

"Je me suis dit que j’allais mourir, je me suis dit que s’il voyait que je ne luttais plus, il allait peut-être s’arrêter. J’ai relâché tous mes muscles." Aurélie a reçu au moins 59 coups de couteau. "J’arrive à ouvrir une portière, je crie mais je ne m’entends pas ou à peine. Il a refermé la portière sur ma tête et c’est là que j’ai perdu connaissance."

Quand elle retrouve ses esprits, "je suis assise sur le parking, je sens le sang chaud qui coule. Je vois un jeune, je lui demande de l’aide. J’ai demandé si mon fils était toujours dans la voiture..." Aurélie a été transportée à l’hôpital militaire Sainte-Anne, à Toulon. "Ils ont fait de la médecine de guerre, ils m’ont sauvé la vie."

Cette terrible scène est l’épilogue du parcours d’une combattante. Aurélie avait quitté le domicile familial en mars 2018. "J’ai pris quelques affaires. Je suis partie sans mes enfants, pour sauver ma vie. Ça faisait plus d’un an qu’il était violent avec moi. Depuis quelque temps, il ne me tapait plus mais il ne faisait que me regarder d’une façon qui me glaçait le sang. Comme s’il montait en pression."

Un conjoint paranoïaque

Les experts ont diagnostiqué une personnalité paranoïaque. "Il était un coureur de jupons et il s’est dit que je pouvais faire de même. Il a mis des mouchards dans l’appartement, une caméra dans la chambre, il a installé un logiciel sur mon téléphone qui lui permettait d’écouter mes conversations et de contrôler mon activité sur Internet. Il n’en dormait pas de la nuit – et moi non plus – et interprétait mes propos [les plus anodins]."

La question de l’altération de son discernement, susceptible de réduire la peine encourue sera posée à Aix-en-Provence. "Il n’est quand même pas coupé de la réalité, il est considéré comme malade mais il sait faire la différence entre le bien et le mal", plaide Me Gavarri.

Après avoir composé le 115, Aurélie a été prise en charge dans un foyer de l’agglomération toulonnaise. "Ça a été très dur pour moi, c’est rempli de femmes abîmées et il n’y avait pas d’assistantes sociales. Alcool, drogue, agressivité: il y a tout ça. C’est très difficile d’être une femme battue sans être aiguillée, si je n’avais pas mon travail je n’en serais pas là."

La quadragénaire, munie d’un certificat médical établi quelques mois avant la séparation, s’est aussi décidée à porter plainte (et à entamer des démarches pour la garde des enfants). "Je suis allée dans un commissariat à Nice mais on m’a dit que je devais déposer plainte à Toulon..."

"On a relevé mes empreintes digitales"

À Toulon, "on est passé en confrontation mais [l’enquêtrice] a fait comme s’il avait raison (...) J’avais reconnu que l’on s’était battu quand j’avais découvert qu’il avait une maîtresse (j’avais déposé une main courante à l’époque). On m’a dit de mettre de l’eau dans mon vin, que c’était du fifty-fifty. J’étais la victime et on a relevé mes empreintes digitales! J’ai été convoquée pour un rappel à la loi. Lui aussi, mais il n’y est pas allé".

Une semaine plus tard, Aurélie était lardée de coups de couteau. Ses enfants ont été placés dans une famille d’accueil, selon elle maltraitante, jusqu’en août 2019. Et le bailleur du logement qu’elle a occupé avec son ex-conjoint lui a réclamé 32.000 euros d’impayés – une ardoise gracieusement effacée à l’automne 2021.

Mes Gavarri et Franchitto déplorent "un truchement de dysfonctionnements", tout en reconnaissant que des progrès ont été faits depuis 2019 (accueil des victimes, formation des enquêteurs, assouplissement des conditions de désolidarisation d’un bail de location...).

Qu’attend Aurélie du procès en appel qui se tient devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône? "Que l’on mette tout en œuvre pour que ma vie ne s’arrête pas le jour où il sortira. Parce que lui, ce qu’il veut, c’est me tuer."

(1) Son prénom a été modifié

Repères

-2006 : Le couple se forme en Isère et aura trois enfants aujourd’hui âgés de 6 à 14 ans.
-Octobre 2017 : Aurélie fait établir un certificat médical (cinq jours d’ITT).
-Mars 2018 : Aurélie quitte le domicile familial.
-Novembre 2018 : Après plusieurs mois dans un foyer, elle trouve un logement.
-Décembre 2018 : Aurélie survit à au moins 59 coups de couteau à Toulon.
-Février 2019 : Début de la rééducation.
-Mars 2019 : Elle reprend son travail d’infirmière.
-Septembre 2021 : Son ancien conjoint est condamné à 25 ans de réclusion par la cour d’assises du Var.

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Var-Matin

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