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Au Soudan, "les manifestants sont traqués jusque dans les hôpitaux"

Tirs à balles réelles, véhicules blindés fonçant sur les manifestants, passages à tabac : au Soudan, la répression meurtrière se poursuit contre les manifestants opposés au coup d’État qu’a mené le 25 octobre 2021, le chef de l'armée Abdel Fattah al-Burhane contre les autorités de la transition. Lundi 24 janvier, trois manifestants ont été tués par balles lors d’une nouvelle journée de mobilisation. Un journaliste soudanais détaille les méthodes violentes utilisées par les forces de l’ordre pour faire taire la contestation.

Des manifestants en train de se diriger vers le palais présidentiel à Khartoum, sous les jets des canons à eau, , lundi 24 janvier.
Des manifestants en train de se diriger vers le palais présidentiel à Khartoum, sous les jets des canons à eau, , lundi 24 janvier. © @Alsyed33
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Comme à chaque mobilisation, les manifestants ont tenté lundi 24 janvier de rallier le palais présidentiel où siège le chef de l’armée. Pour les en empêcher, les forces de sécurité ont fait usage de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes.

La répression a pris une tournure extrêmement violente, avec notamment des tentatives d’écraser les manifestants et l’usage de balles réelles, comme l’explique un  journaliste qui a couvert les manifestations.

"Les forces dé sécurité n’hésitent pas à foncer avec leurs véhicules blindés sur les manifestants."

Mohamed est journaliste à Khartoum. Pour des raisons de sécurité, nous ne donnons ni son nom complet ni les médias auxquels il collabore.

Que ce soit la police, les unités des Forces de soutien rapide (force paramilitaire sous le commandement des services de renseignements) ou l’armée, toutes les forces de sécurité sont susceptibles de tirer sur les manifestants.

Hier [lundi 24 janvier], des tirs nourris ont été entendus près de l’hôpital Royal Care, où les manifestants blessés sont évacués. Les forces de sécurité font régulièrement incursion dans les hôpitaux pour frapper et arrêter les manifestants, bien qu’ils soient blessés. Les manifestants sont traqués jusque dans les hôpitaux. ’

Sur cette vidéo, tournée dans la soirée de lundi 24 janvier, devant l’hôpital Royal Caire à Khartoum, où de nombreux manifestants blessés ont été évacués, on entend des tirs nourris effectués par les éléments des forces de sécurité. Facebook / @Burricommittee

 

 Les forces chargées du maintien de l’ordre ne font pas de quartier. Par exemple, quand elles chargent les manifestants avec les grenades lacrymogènes, elles ne tirent pas en cloche comme le veut la réglementation, mais directement sur les manifestants. Ce qui a provoqué des décès. Depuis le début des manifestations en octobre, trois manifestants sont morts tués par des tirs de grenades lacrymogènes.

Depuis le début des manifestations, les forces dé sécurité n’hésitent pas à foncer avec leurs véhicules blindés sur les manifestants. Hier [lundi 24 janvier] dans la soirée, un véhicule de la police a été aperçu fonçant sur un groupe de manifestants, et la scène a été filmée.

Sur cette vidéo, postée lundi 24 janvier sur Facebook, un véhicule blindé de la police fonce sur un petit groupe de manifestants. Un des manifestants s’effondre après avoir été percuté, mais parvient finalement à se relever et s’enfuir avec l’aide de ses compagnons.

 

Lors d’une mobilisation début janvier, un manifestant avait été grièvement blessé après avoir été écrasé par un blindé de l’armée. La scène a été également filmée.

Sur sa page Facebook, il explique avoir subi une blessure profonde au niveau de la hanche et que les artères de sa jambe droite ont été sectionnées notamment. Le véhicule lui était passé deux fois dessus, en marche avant et en marche arrière. 

En outre, les leaders dans les groupes de manifestants sont régulièrement traqués par les forces de sécurité. Ces derniers mois, des caméras de surveillance ont été installées dans les rues principales de Khartoum pour les identifier et les arrêter. Et hier, des policiers en tenue civile ont été vus en train de filmer des manifestants. Sur cette capture d’écran par exemple, un homme au visage couvert, posté aux côtés des forces de maintien de l’ordre, a été repéré par un militant alors qu’il était en train de filmer les manifestants avec un téléphone portable (image ci-dessous), dans le quartier de Sherwani, à Khartoum. 

Un homme en civil, visage couvert, filme les manifestants avec un téléphone portable, dans la station de bus de Sherwani, à Khartoum, lundi 24 janvier.
Un homme en civil, visage couvert, filme les manifestants avec un téléphone portable, dans la station de bus de Sherwani, à Khartoum, lundi 24 janvier. © Twitter / @BashySays
Un homme en civil, visage couvert, filme les manifestants avec un téléphone portable, dans la station de bus de Sherwani, à Khartoum, lundi 24 janvier. Twitter  / @BashySays.

 

Lors des journées de mobilisation, les habitants restent en général cloîtrés chez eux par crainte des violences. Car en marge des manifestations, de nombreux citoyens ont affirmé que des éléments des forces de l’ordre les ont agressés et leur ont dérobé leurs affaires personnelles, notamment les téléphones portables. Hier [lundi 24 janvier], Hussam Abdelfattah, un militant qui circulait en voiture avec une amie dans le quartier de Khartoum 2, à été arrêté par un groupe de policiers. Il l’ont fait sortir du véhicule et l’ont tabassé à coups de bâton, puis lui ont lancé une grenade lacrymogène. Par chance, il est parvenu à s’échapper avec sa voiture. Il s’est rendu depuis à l’hôpital car il souffre d’une fracture au bras. 

Les forces de l’ordre s’en prennent à Hussam Abdelfattah, un activiste  qui circulait en voiture dans le quartier de Khartoum 2, lundi 24 janvier. Il est roué de coups par les policiers mais parvient finalement à prendre la fuite à bord de sa voiture. Twitter / @QasimMAbbas2. 

 

Les passages à tabac des militants, mais également des journalistes, sont très fréquents. En novembre dernier notamment, les forces de l’ordre avaient violemment tabassé en marge d’une manifestation un  journaliste et ami, Ali Farsab, avant de l’arrêter. Son agression a été documentée en images.

Vidéo montrant des éléments des forces de sécurité rouer de coups le journaliste Ali Farsab, lors d'une manifestation à Khartoum, le 19 novembre 2021. Facebook / Hamad Suleyman. 

 

Avec son coup de force, le général Burhane a mis un coup d'arrêt à la transition vers un pouvoir entièrement civil, promise il y a plus de deux ans après la chute du dictateur Omar el-Béchir. 

Alors que les exactions se poursuivent, le général Burhane a récemment annoncé la nomination d’un gouvernement "chargé des affaires courantes". Il y a nommé des hauts fonctionnaires en remplacement des ministres civils, dont la plupart ont été arrêtés au moment du putsch. 

Depuis le coup d'État militaire du 25 octobre, 75 manifestants ont été tués, a indiqué le Comité central des médecins soudanais

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