Des scientifiques ont réussi à faire repousser les pattes amputées de grenouilles

Des scientifiques ont réussi à faire repousser les pattes amputées de grenouilles

Faire repousser des membres humains, un miracle bientôt possible ? Des scientifiques ont  réussi à faire repousser les jambes de grenouilles, selon une étude parue mercredi 26 janvier sur Science Advances. Une nouvelle qui donne de l’espoir, alors que 65 millions de personnes vivent actuellement avec une amputation.

Des scientifiques sont parvenus à régénérer les jambes de grenouilles amputées, afin qu’elles puissent à nouveau se tenir debout et nager, en combinant plusieurs médicaments avec un bioréacteur portable en silicone appelé BioDome, selon une étude parue mercredi 26 janvier sur Science Advances. Les chercheurs ont appliqué pendant 24 heures un traitement composé de cinq médicaments sur les plaies des grenouilles en les enfermant dans un capuchon en silicone. 

Ce cocktail médicamenteux permet notamment d’inhiber la production de collagène, qui engendredes cicatrices, de stimuler la croissance des fibres nerveuses, des vaisseaux sanguins et des muscles, et d’atténuer les inflammations. Quant au bioréacteur, il a été utilisé pour appliquer les cinq médicaments dans un milieu sain et propice à la guérison. 

Résultat : leurs pattes supérieures ont repoussé en l’espace de 18 mois. L’équipe de chercheurs assure que les nouveaux membres étaient bien composés d’os, de muscles et des nerfs, et qu’ils étaient totalement fonctionnels, permettant aux grenouilles anciennement amputées de nager à nouveau comme les autres. « L’animal avait un mouvement délibéré et, surtout, était réceptif à la stimulation tactile la plus légère, explique Nirosha Murugan au Parisien. Les animaux non traités n’ont répondu à aucun niveau de stimulation tactile, ce qui suggère que les animaux traités avec le médicament ont rétabli leur croissance nerveuse et leurs connexions motrices. »

Si l’étude est déjà porteuse d’espoir en l’état, elle n’en est qu’au début de ses prouesses puisque le cocktail médicamenteux utilisé par les chercheurs est seulement le premier d’une longue série à venir. « Cela me rend très heureux parce que si c’est notre première estimation et qu’elle est aussi bonne, imaginez à quoi ressemblera la version optimisée à l’avenir », s’est réjoui Michael Levin, auprès de NBCnews. Par ailleurs, cette étude donne de l’espoir quant à une possible application humaine. « Absolument ! Ce bioréacteur, le BioDome, est évolutif pour être utilisé sur l’homme », ajoute Nirosha Murugan, sur le Parisien, précisant toutefois que les expériences à venir auront d’abord lieu sur des mammifères plus petits. « Nous ne sommes certainement pas prêts pour les tests sur les humains, corrobore Michael Levin, mais je pense que c’est une étape importante sur la voie d’une éventuelle application clinique ».

La demande, elle, est déjà là. Dans le monde, environ 1,5 million de personnes sont amputées chaque année et doivent avoir accès à des prothèses, selon une étude du Clinton Health Access Initiative, publié en avril 2020 par ATscale. Par ailleurs, 65 millions de personnes vivent actuellement avec une amputation et 64 % d’entre elles habitent dans des pays en développement. 

Michael Levin, l’un des auteurs de l’étude, a vu passer de nombreux patients amputés lui demandant quand une régénération d’un membre humain serait possible. Rien qu’aux États-Unis, les scientifiques prévoient que d’ici 2050, environ 3,6 millions d’Américains vivront avec la perte d’un membre. Et bien que des technologies comme les prothèses aient été améliorées, les médecins sont toujours incapables de provoquer la régénération d’un membre humain.

115 grenouilles africaines pour trois programmes de traitements différents

Au cours de l’expérience, 115 grenouilles africaines femelles amputées d’une patte arrière ont été affectées à l’un des trois programmes de traitement. Le premier groupe-test a à la fois bénéficié du traitement médicamenteux et du bioréacteur. Pour le second groupe, seul le bioréacteur a été utilisé. Enfin, le troisième a servi de groupe de contrôle. Si de nouveaux membres ont poussé au bout de 18 mois pour le premier groupe, les pattes n’avaient cependant pas la même palmure et les mêmes longs orteils que d’habitude. « Elles n’étaient pas parfaites d’un point de vue esthétique, mais c’étaient de très bonnes jambes », a avancé Michael Levin. Et de préciser : « Certains animaux ont très bien réagi, d’autres moins bien, mais tout le monde s’est amélioré ». Même le BioDome sans médicaments a eu un effet positif sur certaines grenouilles, facilitant la repousse partielle de leurs membres, probablement parce qu’il offrait un environnement protégé en continu.

« [Les grenouilles] passent d’un état entièrement régénératif, lorsquelles sont au stade de têtard, à complètement non régénératif à l’âge adulte. Une situation similaire aux humains. »
Nirosha Murugan, actrice principale du rapport et professeure adjointe à l'université d'Algoma en Ontario

Par ailleurs, le choix des grenouilles n’est pas dû au hasard. « Comme les mammifères [nldr : et donc les humains], les Xenopus laevis adultes présentent un renouvellement tissulaire modeste, peu de réserves de cellules souches pluripotentes et un déclin de la capacité de régénération en fonction de l’âge, similaire à celui des amputations de doigts chez l’homme », détaillent les auteurs du rapport. Le xénope lisse, une grenouille africaine à griffes, perd sa capacité de régénération en grandissant. « Elles passent d’un état entièrement régénératif, lorsqu’elles sont au stade de têtard, à complètement non régénératif à l’âge adulte, explique Nirosha Murugan. Ceci est similaire aux humains en ce sens qu’au début de notre processus de développement, au stade embryonnaire et dans les premières années postnatales, les humains ont une certaine capacité de régénération mais la perdent complètement à l’âge adulte ».

Des projets non-concluants déjà menés par le passé

Des recherches antérieures avaient déjà tenté d’induire la régénération des membres sur des animaux à l’aide de la stimulation électrique, de biomatériaux guidant les tissus, de la transplantation de cellules progénitrices et de la régulation directe à la hausse de voies moléculaires clés. Mais, « des succès limités ont été rapportés dans le rétablissement d’une croissance substantielle et de la structuration de nouveaux membres fonctionnels chez des adultes non régénérables », estiment les auteurs du rapport. Et de conclure : « Pour mettre au point un traitement multimodal efficace, il est essentiel de développer des modèles de vertébrés traçables présentant des capacités de régénération des membres similaires à celles des humains ».

et aussi, tout frais...