Le marché immobilier résidentiel se porte comme un charme. On sent bien des signes d’essoufflement, mais comment les interpréter en ce début d’année bizarre ? Rien de bien alarmant. Entre les inquiétudes liées à la covid et la campagne électorale, avec les incertitudes qu’elle porte sur la conduite future du pays, tout cela sur fond d’inflation et de durcissement d’accès au crédit, on a bien du mal à dire s’il s’agit de ralentissement provisoire ou plus durable. Il reste que le moral des professionnels immobiliers est au beau fixe. Certes, il faut distinguer entre les agents immobiliers, spécialistes du logement existant, dont le volume de revente atteint des records - 1,2 million d’opérations ces douze mois glissants -, et les promoteurs et constructeurs, qui produisent un tiers de moins que ce qu’il faudrait. Pour autant, la demande de neuf n’est pas en cause : elle culmine, face à une offre en retard pour mille raisons, à commencer par un rythme indigent de délivrance des permis de construire par les maires.

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Bref, on entend que les Français sont obsédés par le logement et que la frénésie immobilière s’est emparée de la nation. Dans ce contexte, comment s’étonner que la classe politique ne parle pratiquement pas du logement dans cette campagne pour les élections présidentielles, et bientôt pour les législatives qui vont suivre. Le discours dominant est enthousiaste, jusqu’à occulter les problèmes. Pis : jusqu’à donner le sentiment sans doute aux candidats, qui ne sont pas des experts du logement, qu’on est en situation de surchauffe. En tout cas, les discours donnent l’impression que les indicateurs sont au vert : une demande exprimée élevée, des prix qui montent partout, signe de bonne santé du marché, et un nombre de revente ou d’achats de logements neufs aussi élevé que l’offre le permet. Au demeurant, le marché de la location est analysé de la même manière.

De qui parle-t-on ? Des ménages qui peuvent devenir propriétaires. On s’abstient volontiers de regarder de près qui achète. Les classes moyennes, et en leur sein les ouvriers ou les salariés des services les moins rétribués, jeunes en particulier, sont de plus en plus sous-représentés. Century 21 est l’une des seules enseignes qui nous fournissent régulièrement cette typologie… Les autres informations, plus heureuses, finissent par occulter ces preuves inquiétantes d’un marché qui exclut de plus en plus. Alors pour attirer l’attention et incliner même à la compassion, il y a les sans-abris, les privés de logement. En fait, on se rassure à bon compte : ce sont des pauvres, des gens éprouvés par la vie, des malchanceux. Ils ne relèvent pas de la politique du logement, mais d’un traitement social. Un peu comme si l’on disait, et l’on ne le dit pas, que les enfants moins bien nourris, les chétifs, ceux dont les parents n’ont pas eu les moyens de faire détecter une vue défaillante ou une mauvaise dentition, ne relevaient pas de la politique de santé. Tant pis pour eux en quelque sorte.

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C’est oublier que le basculement du confort d’un logement au sans-abrisme n’a jamais été aussi facile. Cadre un jour, dans le ruisseau le lendemain, parce qu’une rupture est venue vous précipiter du côté obscur de la société. Un divorce, ou un licenciement, les deux en général d’ailleurs, ou des délais de paiement qui asphyxient votre activité libérale, ou une maladie invalidante, ou la faiblesse d’un moment, face à l’alcool ou à la drogue ou au jeu. Bref, la vie paisible dans un logement peut plus vite que jamais devenir l’enfer de la privation de toit et de tout. Cette semaine est celle de ces anonymes : la Fondation Abbé Pierre va révéler mercredi son rapport annuel sur le mal logement. On va entendre des notes dissonantes dans la petite musique sur la vigueur du marché du logement et l’engouement de ceux qui peuvent s’engouer. En plus, la FAP va dire la vérité devant les candidats à l’élection présidentielle. Œuvre utile. Ce faisant, elle va aussi parler du marché qui va bien, mais en identifiant les dérives et les effets pervers. Par exemple, ce nouvel aménagement du territoire qui réévalue les villes moyennes et les communes rurales, s’il entraîne des hausses de prix insupportables aux ménages autochtones, va dégrader leur situation. Là où l’impression prévalait que les HLM étaient moins utiles qu’en zones tendues, on va voir les demandeurs se multiplier et les files d’attente s’allonger.

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En 2021 déjà, les chiffres avaient de quoi faire pâlir un Président de la République, surtout s’il s’était engagé à éradiquer le mal logement : 300.000 individus sans domicile, un million sans logement personnel et plongés dans la précarité, 4 millions de mal logés, 12 millions de personnes ayant un rapport au logement difficile, notamment pour des raisons financières. La pandémie avait sa responsabilité, mais ces maux sont structurels et depuis 27 ans maintenant la Fondation, à la suite de celui qui lui a donné son nom, les quantifie et les qualifie. Il se trouve bien des détracteurs, qui soutiennent qu’elle force le trait, avec des arrière-pensées politiques : à supposer que cela soit vrai, qu’elle ait la main lourde ou peut-être les idées noires, il reste que la situation est grave et inacceptable dans un pays comme le nôtre, qui a prouvé qu’il savait mobiliser sa richesse et ses énergies pour les grandes causes. Il doit démontrer qu’il sait voir derrière les arbres bien portants des vernis de l’habitat la forêt des fragiles et des malingres du logement. Ils se comptent par millions.

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