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Cette exoplanète extrême possède une atmosphère similaire à la Terre

Publié le 01 Fév 2022 à 13H02 Modifié le 30 décembre 2022
Vue d’artiste de WASP-189b.
C’est l’étonnante découverte que vient de publier une équipe de chercheurs dirigée par l’université de Lund en Suède dans le magazine Nature Astronomy. Ils sont arrivés à ce résultat en analysant en détail l’atmosphère de l’une des exoplanètes les plus extrêmes connues à ce jour, WASP-189b. Ce « Jupiter ultra-chaude » découvert pour la première fois en 2018 par le télescope terrestre WASP-South affiche une température de surface estimée à 3200 °C, soit plus élevée que la température de surface de notre soleil qui est de 2000 °C !

WASP-189b : une exoplanète géante gazeuse

WASP-189b est un « Jupiter ultra-chaud », c’est-à-dire une exoplanète géante gazeuse dont la température est d’au moins 2200 K soit plus ou moins 1925 °C à au moins un endroit de la planète. Après une première découverte en 2018, c’est au tour du télescope CHEOPS (CHaracterising ExOPlanet Satellite) lancé en 2019 par l’ESA de braquer son objectif vers la géante bleue HD133112 et l’exoplanète WASP-189b.

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Cette exoplanète se trouve à 322 années-lumière de la terre dans la constellation de la Balance. Elle se situe à 7,5 millions de kilomètres de son étoile et en fait le tour en presque trois jours. Autant dire qu’à l’échelle de l’univers, cette exoplanète est très proche de son étoile. Cette proximité n’est pas sans conséquence puisque cette planète, qui ne montre jamais que la même face à son étoile, affiche des températures de surface proches de 3200 °C. Il s’agit de l’une des planètes géantes gazeuses les plus chaudes que l’on connaisse jusqu’à présent. Cette température, supérieure à celle de certaines étoiles naines rouges, est tellement élevée que le fer solide se transformerait immédiatement en gaz à son contact.

La géante gazeuse WASP-189b suit une orbite inclinée. Elle n’est donc pas alignée avec le plan équatorial de son étoile, ce qui permet aux chercheurs de suggérer qu’elle devait se trouver beaucoup plus loin à un moment donné de son histoire. Son rapprochement avec son étoile est peut-être dû à l’effet gravitationnel d’autres planètes ou par la présence d’une seconde étoile.

Une atmosphère composée de différentes couches

L’atmosphère de la Terre n’est pas uniforme, mais est constituée de différentes couches qui possèdent chacune des caractéristiques précises. La troposphère qui commence au niveau du sol jusqu’aux plus hauts sommets montagneux contient beaucoup de vapeur d’eau. La seconde couche, juste au-dessus, est la stratosphère qui contient l’ozone et nous protège des rayonnements nocifs du soleil.

Les chercheurs de l’université de Lund en Suède viennent de démontrer que l’atmosphère de l’exoplanète WASP-189b est également formée de différentes couches. Pour cette découverte, ils ont utilisé un outil étonnant, le spectrographe HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) situé à l’observatoire de La Silla au Chili. Cet instrument est destiné à la recherche des exoplanètes par la méthode des vitesses radiales.

Les astronomes norvégiens ont mesuré la lumière émise par la géante bleue HD133112 et traversant l’atmosphère de l’exoplanète. À la manière de l’ozone, les gaz atmosphériques de WASP-189b absorbent une partie de la lumière de l’étoile caractérisée par une « empreinte » bien spécifique sur le spectrographe HARPS. Ils ont donc déterminé que l’atmosphère de cette exoplanète ultra chaude contient du fer, du manganèse, du vanadium, du magnésium et du chrome ainsi que de l’oxyde de titane que l’on trouve aussi sur notre planète.

Sur Terre, le titane existe entre autres sous la forme d’oxydes. Il peut se trouver sous différents états d’oxydation comme la plupart des métaux de transition dont il fait partie. Il existe donc différents oxydes de titane tels que le monoxyde de titane, le trioxyde de dititane, le dioxyde de titane et le trioxyde de titane. Le dioxyde de titane est connu pour ses qualités réfléchissantes ainsi que pour ses facultés à diffuser et à absorber les rayons UV. Ces qualités en font un composant important dans certains produits industriels tels que les peintures, les plastiques, les produits pharmaceutiques et les crèmes solaires.

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Un rôle similaire à celui de l’ozone de l’atmosphère terrestre

L’oxyde de titane découvert dans l’atmosphère de WASP-189b est très intéressant. En effet, il pourrait bien jouer le même rôle que celui de l’ozone dans l’atmosphère de notre belle planète bleue. Dans l’atmosphère de l’exoplanète WASP-189b, le dioxyde de titane pourrait absorber de nombreux types de rayonnements comme ceux à ondes courtes et les rayonnements ultraviolets. Le dioxyde de titane à l’état gazeux devrait donc se situer dans une couche de l’atmosphère de l’exoplanète qui lui permet d’interagir avec le rayonnement de son étoile.

Les chercheurs ont découvert certains indices permettant d’affirmer qu’une telle couche existe sur cette planète. Et si elle existe sur le « Jupiter ultra-chaud » WASP-189b elle pourrait bien exister sur d’autres exoplanètes ultras chaudes. En analysant les données, les chercheurs ont remarqué des différences entre ce qu’ils attendaient et les « signatures » réelles des différents gaz atmosphériques. Ces disparités pourraient être dues à la présence de vents forts sur la planète. Ces « signatures » ont été altérées de différentes façons, ce qui laisse envisager la présence de différentes couches atmosphériques.

Cette découverte est fondamentale pour l’étude de l’atmosphère des exoplanètes. Pendant longtemps, les astronomes ont supposé qu’elle existait de manière uniforme. La découverte de l’équipe suédoise confirme la nature bien plus complexe de l’atmosphère de ces planètes extrasolaires située à des milliers d’années-lumière de notre système solaire.

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Source : Prinoth, B., Hoeijmakers, H.J., Kitzmann, D. et al., « Titanium oxide and chemical inhomogeneity in the atmosphere of the exoplanet WASP-189 b », Nature Astronomy (2022), https://doi.org/10.1038/s41550-021-01581-z

À propos de l’auteur
Ives Etienne
Ives Etienne
Journaliste scientifique passionné, j’ai travaillé auparavant pendant près de vingt ans dans des laboratoires de recherche en chimie et biotechnologie. En 2017, je me suis lancé dans la rédaction d’articles scientifiques afin de rendre les sciences accessibles au plus grand nombre.
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