42% des Français pensent qu'une victime de viol peut l'avoir "bien cherché"

Publié le Jeudi 20 Juin 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Les préjugés à l'encontre des victimes de violences sexuelles perdurent - Image Adobe -
Les préjugés à l'encontre des victimes de violences sexuelles perdurent - Image Adobe -
La fin de la culture du viol en France, ce n'est pas pour aujourd'hui. C'est un récent et édifiant sondage Ipsos qui nous le démontre.
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42 %. C'est le taux de Français qui considèrent que la responsabilité d'un agresseur sexuel est ­moindre si l'attitude de la victime est "provocante". Le fameux argument de la "jupe trop courte". Révélé ce mercredi par un sondage Ipsos réalisé sur un échantillon national représentatif de mille personnes, ce chiffre lourd de sens fait froid dans le dos.

Il tend à raviver une certaine forme d'oppression : le victim blaming, cette culpabilité que l'on fait peser sur les épaules de toutes celles qui ont (eu) à subir des violences sexuelles, et qui contribue volontiers à déresponsabiliser l'agresseur. L'on se souvient que l'an passé, en Irlande, un violeur se retrouvait acquitté sous le simple prétexte que la victime...portait un string.

En 2016, selon la même enquête - en collaboration avec l'association de sensibilisation et de formation Mémoire traumatique et victimologie - ils étaient déjà 40 % à penser ainsi. Et ce n'est pas tout : en 2019, 28 % des Français jugent que le témoignage de la victime ne peut être qu'une façon "d'attirer l'attention". Des préjugés à l'envolée qui démontrent que le viol constitue bel et bien une culture : un éventail de croyances populaires inscrites et répandues au sein d'une société qui tend à le minimiser.

Mythes et fantasmes

L'une des révélations les plus édifiantes de cette nouvelle enquête est encore celle-ci : 31 % des personnes interrogées considèrent que la gravité de l'acte est atténuée si la victime a déjà entretenu un rapport sexuel avec son agresseur. Un fait qui fait mal à l'heure où le hashtag #JeLeConnaissais s'évertue justement à briser les fantasmes accolés au viol en nous rappelant que, bien plus souvent qu'on ne l'imagine, celui-ci a lieu dans un contexte familier - témoignages à l'appui. "Comment on peut encore penser que les violeurs sont uniquement des mecs bourrées voyant une mini-jupe à 2h du mat'?" une internaute.

Il n'y a pas si longtemps, une campagne de sensibilisation imaginée par le RATP nous présentait le harceleur du métro comme un requin de film d'horreur. Difficile de plus "mystifier" la réalité des agressions sexuelles. Rien d'étonnant alors que de constater que 22 % des individus interrogés par l'Ipsos ne voient en les violeurs que "des malades mentaux ou des marginaux" - sans se dire que cela pourrait très bien être un ami, un voisin, un mari. Qu'importe que l'espace domestique soit un lieu de violences, 51 % des sondés perçoivent en l'espace public le lieu où les éventuelles victimes courent le plus de risques. Ou comment ignorer les cas de viol conjugal.

Mais il ne faut pas pour autant voir en ce nouveau sondage un foudroyant aveu d'échec. Après tout, 57 % des Français considèrent que le mouvement #MeToo contribue à améliorer les relations entre hommes et femmes. Encore mieux, ils sont 83 % à concevoir en cet élan social une façon pour les femmes de briser le silence. Or, prendre conscience de l'importance de la pensée féministe c'est, petit à petit et avec un brin d'espoir, envisager celle du consentement, repenser la dominance du désir masculin - et de sa "maîtrise" - et avoir à l'esprit l'existence de la "sidération", cette paralysie de la victime lors de son agression. Et, pourquoi pas, participer à briser pour de bon "le mythe du viol dans une ruelle étroite le soir". On croise les doigts.