Justice

Dubaï, Eldorado des narcotrafiquants recherchés par la Belgique. Stop ou encore ?

La justice belge estime qu’une grosse dizaine de suspects importants dans des affaires de trafic international de cocaïne se trouverait à Dubaï.

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Par Sébastien Georis

Ce samedi, le couple royal belge visitera l’Expo universelle de Dubaï, à l’occasion de la " journée belge ". Dubaï (Emirats arabes unis) et son tourisme haut de gamme, son architecture, sa modernité ; pour le côté face et doré de la pièce.

Le côté pile, celui qui s’expose aux autorités judiciaires et policières belges, est beaucoup moins reluisant car souillé d’argent sale. Lors d’un procès sur une filière de blanchiment de revenus criminels dont le jugement sera rendu à Bruxelles début mars, voici comment le procureur qualifiait l’Emirat : " Dubaï est un centre névralgique pour les criminels. Depuis Dubaï sont commandités des assassinats. À Molenbeek, une personne a été abattue en novembre 2020, l’argent qui a payé les tueurs vient de Dubaï. " Dans son réquisitoire, le magistrat pointait aussi Dubaï comme maillon du financement de la corruption dans certains pays. " On constate des achats de magistrats, de policiers, de ministres, à tous les niveaux. "

Dubaï comme plaque tournante pour l’argent du crime ? Ce n’est pas neuf. Une blanchisserie " spectaculaire " des gains illégaux appuie une source judiciaire belge. Et d’énumérer quelques raisons à cela : " d’abord, dans cette partie du monde, les transferts d’argent par hawala restent très en vogue. L’hawala est un système de paiement traditionnel et informel. Pas de passage par les banques. Aucune trace ". Cet expert en matières financières poursuit en soulignant que, " même quand les flux passent par le système bancaire officiel, les contrôles sur l’origine de l’argent sont extrêmement légers. " D’autre part, Dubaï accueille " une multitude de sociétés qui permettent d’échafauder toutes sortes de constructions financières ".

Blanchir l’argent du crime et échapper aux demandes d’extradition

Cacher ses avoirs criminels est une chose. Se cacher soi-même en est une autre. Plusieurs narcotrafiquants font " d’une pierre deux coups " sur le sable de Dubaï. Cocktail dans une main, téléphone équipé d’applications de messagerie cryptées dans l’autre, certains ont même continué à organiser à distance le retrait de cargaison de drogues au port d’Anvers ou ailleurs. Les subalternes font le sale boulot, les mains dans la cocaïne, voir dans le sang des règlements de comptes entre rivaux, pendant que le baron multimillionnaire se protège sous un parasol. Le décodage par les polices belges, françaises et néerlandaises de messages cryptés échangés entre malfaiteurs via les plateformes EncroChat ou SKY ECC a permis de mettre à nu ce manège. Les autorités belges estiment qu’une grosse dizaine de suspects dans des dossiers de narcotrafic international se trouverait toujours à Dubaï. Mais la coopération judiciaire avec les Emirats arabes unis pour aboutir à des arrestations est " compliquée ". Un euphémisme.

Téléphones cryptés / Larme secrète du crime organisé déjouée

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Les choses pourraient-elles changer ? En tout cas, les lignes bougent, doucement. Ces derniers mois, les Emirats arabes unis ont consenti à extrader quelques gros bonnets vers l’Europe : un " roi du shit " extradé vers la France, un patron de la Camorra renvoyé vers l’Italie, un chef redouté de la " mocro-mafia " redirigé vers les Pays-Bas. Puis en décembre dernier, les autorités belges et émiraties ont signé deux accords. Le premier réglemente l’extradition des criminels. Le second porte sur l’entraide judiciaire qui doit permettre la saisie des revenus tirés du crime. La justice et la police belges fondent leurs espoirs dans ces accords. Espoirs déçus dans le cas de Nordin El H. La Haute Cour de Dubaï vient de refuser l’extradition de ce caïd anversois du milieu de la cocaïne, pour des raisons de procédure.

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