Articles récents \ Culture \ Cinéma La dépression post-partum, un sujet tabou

De nombreuses femmes font un baby blues après l’accouchement. 12% à 15% tombent en dépression, celle-ci peut durer jusqu’à 3 ans après la naissance d’un enfant. Une mort maternelle correspond au décès d’une femme survenu au cours de la grossesse et jusqu’à 1 an après l’accouchement. En France, une femme se suicide tous les 4 jours un an après avoir accouché. Un sujet tabou rarement abordé dans notre société où la femme doit de se reproduire pour fournir de la main d’œuvre (renouvellement des générations).

Actrice, animatrice, journaliste, Aude Pépin signe son premier documentaire, À la vie, où elle filme Chantal Birman, sage-femme libérale et féministe, qui a consacré sa vie à défendre le droit des femmes en région parisienne. A 70 ans, Chantal continue de se rendre auprès de celles qui viennent d’accoucher pour leur prodiguer soins et conseils. Entre instants douloureux et joies intenses, ses visites offrent une photographie rare de ce moment délicat qu’est le retour à la maison où ces jeunes mamans sont bien souvent perdues.

Aude Pépin :  » le suicide reste l’une des premières causes de mortalité pour la jeune mère « 

Comment avez-vous rencontré Chantal Birman, « la sage-femme des banlieues » comme elle se définit elle-même ?

Sur le plateau des Maternelles où je travaillais comme journaliste à France 5. Je l’avais interviewée car Chantal était une référente pour notre émission et elle faisait partie des invitées d’honneur pour les 20 ans des Maternelles. Son côté intello, philosophe et surtout sa très large expérience m’ont séduite pour mettre en lumière son travail.

Toutes les femmes font un baby blues après leur accouchement, 12% à 15 % tombent en dépression et certaines se suicident. Ce sujet reste encore tabou dans notre société où la maternité est idéalisée. Comment expliquez-vous ce désintérêt ?

C’est fou d’imaginer qu’en 2022, le suicide reste l’une des 1ère causes de mortalité pour la jeune mère 1 an après la naissance de son bébé ! A mon sens, la société ne s’est jamais intéressée à leurs états d’âme car, de manière générale, la santé est généralement à destination des hommes. La femme est devenue un réel sujet d’étude depuis les mouvements féministes de 2017 où l’on s’est rendu compte, par exemple, que certains médicaments n’étaient pas adaptés au métabolisme féminin. Également, les pères ne vivent pas la maternité de la même manière que nous. Ils partagent la parentalité mais pas la grossesse en conséquence, ils ne peuvent pas se mettre à notre place. Nous sommes épuisées par l’accouchement et les premiers jours sont souvent difficiles.

Pourquoi n’y-a-t-il pas d’accompagnement psychologique de la jeune maman à la maison pour les plus fragiles ? Est-ce une question de coût ?

Il existe le programme PRADO proposé par la Sécurité Sociale et remboursé à hauteur de 4 consultations. Hélas, il y a peu de communication sur ce dispositif et depuis peu, le PRADO s’adresse aux personnes âgées. Oui, il s’agit d’une question de coût mais avant tout de volonté de palier un problème de santé publique. Les hommes considèrent la grossesse comme un acte pathologique et non physiologique. Ainsi, la future mère est accompagnée avant l’accouchement, toujours très médicalisé, mais pas après.

Les mouvements féministes ont fait entrer la maternité dans sa globalité sur le devant de la scène. A présent, il y a plein de groupes de paroles, des associations, des posts sur Instagram et You tube où la parole se libère et des conseils sont proposés pour aider les jeunes mamans en dépression. Si une écoute plus attentive de la part des pouvoirs publics existait, il y aurait moins de dépression et de suicide.

Le métier de sage-femmes ainsi que tous ceux qui touchent au soin sont dévalorisés car en majorité occupés par des femmes.

Les sage-femmes font une année de médecine et ont un Bac + 5 avec de très nombreux stages. Savez-vous que 7 étudiantes sur 10 sont en dépression car submergées par la charge de travail ! Les pouvoirs publics doivent revaloriser ce métier car elles sont en 1ère ligne lors des accouchements qui peuvent s’avérer délicats. Beaucoup n’en peuvent plus car elles les enchaînent et ne passent plus assez de temps avec les jeunes mères. Entre femmes, on ne parle pas assez du baby blues et de notre solitude ressentie lors du retour à la maison. On pleure, on a du lait qui coule, on fuite de partout, on a peur de ne pas s’occuper du bébé correctement.

J’ai rencontré Adrien Taquet, le secrétaire d’État en charge de l’enfance et des familles auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, qui a vu mon film. Dans le rapport, Les 1000 premiers jours, réalisé par 18 expert.es, il n’y avait qu’une seule sage-femme. Ils n’ont rien compris ! Il n’y a pas de pensées autour de la naissance. C’est la première fois qu’en France, un film est consacré sur ce que les femmes traversent comme bouleversements émotionnels post-partum !

Quand j’ai accouché il y a 15 ans, on m’a laissé seule dans ma chambre, on a demandé à mon conjoint de rentrer chez lui car il n’y avait plus de lit. Le corps médical avait pris ma fille qui était entre la vie et la mort. J’étais en plein post-partum et cela a été très dur de ne pas avoir été accompagnée à ce moment-là d’où l’idée ce film.

Laurence Dionigi 50-50 Magazine 

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