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Moins de 200 condamnations pour 3.000 plaintes : l’amertume des victimes de "revenge porn"

Claire, filmée à son insu lors d'un rapport sexuel, ne se satisfait pas d’un simple rappel à la loi pour ceux qui l’ont humiliée. En 2020, plus de 3.000 plaintes ont été déposées pour moins de 200 condamnations.

Stéphane Joahny
Le ministère de la Justice. (photo d'illustration).
Le ministère de la Justice. (photo d'illustration). © AFP

Le "revenge porn", ce phénomène qui consiste à diffuser sur les réseaux sociaux des images ou vidéos à caractère sexuel sans le consentement de la personne concernée, est-il réellement pris en compte par la justice? Claire (le prénom a été modifié), une étudiante de 21 ans, en doute et ne cache pas son amertume. Un an et demi après avoir dénoncé avoir été victime d’un tournage clandestin de la part de son ex-petit ami, fils d’un avocat, et d’un de ses copains, elle vient d’apprendre qu’aucun des deux ne sera poursuivi, sinon pour un simple rappel à la loi. "C’est déjà difficile de déposer plainte, de s’exposer devant plein de monde… Tout ça pour une simple remontrance ?» interroge la jeune femme.

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Les faits remontent au 30 mai 2019 sur l’ile de la Réunion. Claire rejoint S…, son petit ami depuis quelques semaines, au domicile de A…, un copain de ce dernier, soi-disant absent. Ils partagent un verre et la suite se déroule dans la chambre à coucher. A peine sortie de la douche, elle constate que A… a fait son apparition et comprend vite que le reste de la soirée se déroulera entre garçons. Sa relation avec S… s’achèvera d’ailleurs le lendemain.

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Ce n’est qu’un an plus tard qu’elle apprend par une amie, qui a personnellement vu la vidéo sur Snapchat, qu’elle est tombée dans un piège ourdi par les deux garçons, deux étudiants en droit, avec le copain dissimulé dans l’armoire de sa chambre pour filmer toute la scène. "Je me suis sentie humiliée", souffle Claire qui confesse sa difficulté depuis "à faire confiance" : "J’ai toujours peur des autres, peur qu’on me refasse du mal…"

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Jusqu'à 2 ans de prison prévu par le code pénal

Depuis la loi sur le numérique du 7 octobre 2016, le code pénal prévoit jusqu’à 2 ans de prison et 60.000 euros d'amende pour le délit de "revenge porn". Selon des données encore provisoires du ministère de la Justice, 201 condamnations ont été prononcées en 2019, 177 en 2020. Impossible en revanche de connaître la nature de ces condamnations.

"Ça montre bien que les parquets ne poursuivent pas alors que le phénomène se développe de manière exponentielle", dénonce l’avocat de Claire, Me Eric Morain. Selon l’analyse "Les victimes de sexisme en France" datée de janvier 2022 du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) "les atteintes à la vie privée à caractère sexuel représentent un peu moins de 3.420 victimes" en 2020.

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Toujours suivie psychologiquement, Claire, qui étudie désormais à Bordeaux – comme son ex qu’elle craint désormais de croiser dans la rue –, ne veut pas envoyer en prison ceux qui l’ont humiliée mais ne se satisfait pas d’une décision qui élude son préjudice et la prive notamment de dommages-intérêts. C’est le sens des courriers que Me Morain a adressés aux procureurs généraux de Bordeaux et de Saint-Denis-de-la-Réunion pour solliciter une réorientation du dossier vers "a minima, une procédure de CRPC (Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité), procédure qui lui permettra d’être pleinement entendue et reconnue comme victime". Sans réponse pour l’instant.

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