Scandale des Pandora Papers : l’art n’échappe pas à la fraude fiscale internationale

Scandale des Pandora Papers : l’art n’échappe pas à la fraude fiscale internationale
Des œuvres emblématiques du street artist Banksy auraient ainsi été achetés

1600 œuvres d’art créées par 400 artistes parmi les plus côtés du marché de l’art, dont Banksy, ont été achetées sous le système frauduleux des sociétés écrans par des propriétaires qui souhaitaient échapper à la taxation.

L’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) a fait, lundi 28 janvier 2022, de nouvelles révélations sur l’affaire des Pandora Papers. Il s’agit de la dernière fuite en date de documents compromettants dans cette enquête internationale menée depuis octobre 2021 sur l’évasion fiscale. Le monde de l’art n’y échappe pas. En effet, le plus gros scandale actuel concerne Maurizzio Fabris, homme d’affaires d’origine britannique, qui aurait utilisé une société écran pour acquérir, en échappant à tout impôt, des œuvres d’art aujourd’hui considérées comme biens constitutifs d’un patrimoine. Des exemplaires du célèbre Girl with Balloon (La Petite fille au ballon), les pochoirs Rude Copper et Flower Thrower (Le Lanceur de fleurs), des œuvres parmi les plus emblématiques du Street Artiste anonyme Banksy, auraient ainsi été achetés par cet ancien champion de course automobile.

Œuvres d’art et paradis fiscaux

Lancée cet automne, Pandora Papers est une vaste enquête collaborative menée par un consortium international de journalistes qui continuent d’éplucher les informations sorties et de faire tomber les paradis fiscaux illégaux. Les chiffres sont d’ores et déjà vertigineux : 10 000 milliards d’euros d’actifs offshore, 2 millions de documents issus de 14 cabinets spécialisés dans la création de sociétés offshore et maintenant plus de 1 600 œuvres d’art de quelque 400 artistes.

Banksy, Girl with Balloon, ©️Joshua White, courtesy Sotheby's

Banksy, Girl with Balloon, ©️Joshua White, courtesy Sotheby’s

Pour ce qui concerne le cas particulier de collectionneurs d’art, les premières révélations du mois d’octobre avaient déjà épinglé le marchand d’art Douglas Latfchord, qui aurait utilisé des sociétés écrans pour revendre des antiquités cambodgiennes pillées, ou bien encore un galeriste bruxellois qui aurait fait circuler dans ce marché parallèle des toiles de maîtres comme Picasso et Magritte. Aujourd’hui, c’est le financier Maurizio Fabris qui est sous le feu des projecteurs. Ce dernier se serait entendu avec le gestionnaire de fiducie Asiaciti Trust pour transférer la propriété de ses œuvres d’art à une société écran et ainsi échapper aux taxes en vigueur. Il aurait notamment fait l’acquisition d’une douzaine d’œuvres de Banksy depuis 2009. Les dernières révélations de l’affaire des Pandora Papers ont également mis en cause le PDG de la télévision russe Konstantin Ernst, des membres de la puissante famille sri-lankaise Rajapaksa ou encore la maison de vente aux enchères indienne Saffronart.

Banksy, star des investisseurs

L’ICIJ pointe du doigt les excès d’un marché de l’art international où la valeur financière des œuvres prime définitivement sur leur intérêt artistique et la logique de construction d’une collection. Le prix de vente des œuvres d’art a littéralement explosé au cours des vingt dernières années et le marché traditionnel (hors crypto-arts et autres NFTs) serait aujourd’hui aujourd’hui estimé autour 50 milliards de dollars. Peintures, sculptures, antiquités et objets d’art sont devenus pour les grandes fortunes autant de biens à acquérir, à échanger et à revendre, mais pour certaines, semble-t-il, à l’abri des systèmes d’imposition.

Banksy, Game Changer, 2020, huile sur toile, 91 x 91 cm ©Christie's

Banksy, Game Changer, 2020, huile sur toile, 91 x 91 cm ©Christie’s

Cette situation semble tout particulièrement ironique dans le cas d’un artiste engagé comme Banksy. Dénonciatrices et antisystèmes, ses œuvres sont devenues parallèlement extrêmement populaires auprès du grand public et des collectionneurs d’art. En mars 2021, le tableau Game Changer était adjugé 16,8 millions de livres sterling chez Christie’s, un record de vente qui a été battu en octobre dernier par Love is in the bin, vendu 18,6 millions de livres sterling chez Sotheby’s. Rendue célèbre par sa spectaculaire autodestruction, l’œuvre a ainsi multiplié par 18 son prix de vente de 2018. Si Banksy sait mieux que personne dénoncer les paradoxes et mettre l’ironie en images, reste à savoir si les dernières révélations des Pandora Papers lui inspireront une nouvelle œuvre-performance…

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