L’intérêt de l’enfant, c’est d’abord de grandir sans pauvreté, sans préjugés et sans violence!

POINT DE VUE / Dans le mémoire qu’elle a déposé cette semaine, la Fédération des associations de familles monoparentales et recomposées du Québec salue le fait que l’intérêt de l’enfant soit au centre de la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse. Toutefois, on aura beau prétendre faire passer l’intérêt de l’enfant avant toute chose, tolérer que des dizaines de milliers d’entre eux vivent dans la grande pauvreté ou habitent un logement insalubre, trop petit et trop cher constitue un manquement grave à la mission de l’État québécois. Encore aujourd’hui, deux familles monoparentales sur dix ne couvrent pas leurs besoins les plus élémentaires au Québec, et ces familles sont surreprésentées dans les dossiers traités par la protection de la jeunesse.


En plus de mettre en place des mesures efficaces de lutte contre la pauvreté et de garantir l’accès à un logement de qualité à prix abordable, il faut permettre un meilleur accès à la justice pour les familles qui font l’objet d’une intervention des services de protection de la jeunesse. À l’heure actuelle, plusieurs se retrouvent sans représentation légale adéquate, ce qui a des effets néfastes, tant sur les enfants que sur leurs parents. Une bonification du programme d’aide juridique et la création d’un tribunal unifié de la famille (réunissant la Cour supérieure pour les divorces et les séparations et la Cour du Québec pour la protection de la jeunesse et les cas de violence conjugale), représenteraient des réelles avancées vers une meilleure protection des droits des enfants et de leur famille.

Protéger les enfants de la violence conjugale

Il faut également inclure l’exposition à la violence conjugale comme un motif distinct de compromission, dans la Loi sur la protection de la jeunesse, au même titre que les abus et la négligence, plutôt que faisant simplement partie d’une liste des mauvais traitements psychologiques. Cette modification serait en concordance avec les récentes modifications apportées à la Loi sur le divorce (au fédéral) et à l’article 33 du Code civil du Québec (introduite avec le Projet de loi no 2 sur la réforme du droit de la famille), qui incluent dorénavant la «violence familiale et conjugale» comme un facteur important pour déterminer l’intérêt de l’enfant.

Il est essentiel que les intervenantes et intervenants de la protection de la jeunesse reçoivent une formation avancée afin d’être mieux outillés pour identifier et comprendre la violence conjugale, notamment dans un contexte post-séparation. Cette formation doit également inclure un volet sur les dérives possibles entourant l’aliénation parentale et comment ce concept peut être instrumentalisé dans un contexte de violence conjugale post-séparation. Les personnes appelées à intervenir auprès des familles en difficulté devraient aussi être sensibilisées aux effets délétères des préjugés, et comment ces derniers mènent à faire porter la responsabilité des problèmes sur les individus plutôt que questionner les inégalités sociales.

Les organismes communautaires qui accueillent et soutiennent les familles au quotidien, doivent également être reconnus et financés à la hauteur de leurs besoins.

Une responsabilité collective

La pandémie qui dure depuis bientôt deux ans a fait basculer plusieurs familles dans la grande précarité. Les confinements à répétition, la difficulté de devoir concilier le télétravail et l’enseignement à distance, les pertes d’emploi, l’augmentation record du coût de la vie ont fragilisé beaucoup de parents, particulièrement ceux qui doivent assumer seuls la charge d’un ou de plusieurs enfants. La pandémie nous a également fait prendre conscience de notre interdépendance et de la nécessité d’agir solidairement pour sortir de cette crise. De la même façon, nous devons reconnaître que l’intérêt de l’enfant est une responsabilité collective et faire en sorte que chacun d’eux puissent grandir dans un environnement sans pauvreté, sans préjugés et sans violence.