Le président ougandais, Yoweri Museveni, vient de nommer à la tête de la police le général de division Abel Kandiho, un ancien chef du renseignement militaire dont le nom figure sur une liste noire établie par Washington pour violation présumée des droits humains. Une nomination en forme de défi à l’adresse des États-Unis et des autres pays occidentaux qui critiquent la dérive autoritaire du régime de Kampala.

Gel des avoirs

Début décembre 2021, le département du Trésor américain a gelé les avoirs aux États-Unis et interdit aux citoyens américains tout contact avec ce haut gradé ougandais. À l’appui de sa décision, le Trésor américain accuse le général de division Abel Kandiho et d’autres officiers du commandement du renseignement militaire de « détenir des personnes sans poursuites judiciaires dans des centres de détention, de les soumettre à des passages à tabac horribles et à d’autres actes graves, notamment des abus sexuels et des électrocutions, entraînant souvent des blessures graves et même la mort ».« Dans certains cas, ajoutait alors le communiqué, Kandiho était personnellement impliqué, menant des interrogatoires de personnes détenues. »

Un milliard de dollars d’aide américaine

Ces sanctions, récemment décidées par l’administration Biden, n’empêchent pas les États-Unis de continuer à fournir à l’Ouganda près de 1 milliard de dollars par an en aide au développement et à la sécurité. « Un rôle clé dans le soutien à la professionnalisation de l’armée », justifient les responsables américains.

→ REPORTAGE. En Ouganda, un pouvoir sans partage

Au pouvoir depuis 1986, le président Yoweri Museveni gouverne le pays d’une main de fer. Les dernières années, et plus encore avant et après les élections contestées de janvier 2021, ont été marquées par une répression grandissante contre les militants et dirigeants de l’opposition, les activistes de la société civile, les journalistes et les avocats. Lundi 7 février, l’Union européenne a appelé à une « enquête complète » sur les violations des droits humains dans ce pays, s’inquiétant de « la hausse importante des informations sur des cas de torture, d’arrestations arbitraires, de disparitions forcées, de harcèlement et d’attaques contre des défenseurs des droits de l’homme, des membres de l’opposition » ou des militants écologistes depuis plus d’un an.

Un écrivain torturé en fuite

Récemment, l’écrivain Kakwenza Rukirabashaija, 33 ans, a été détenu pendant près d’un mois et torturé, pour avoir tweeté des remarques désobligeantes sur le président et son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, chef de l’armée de terre. Libéré sous caution le 26 janvier et soumis à des conditions très strictes (rétention de passeport et interdiction de parler à la presse), il devait être jugé pour « communication offensante » à partir du 23 mars.

Bravant l’interdiction, l’auteur a donné, samedi 5 février, une interview à la chaîne NTV Uganda, en montrant son dos lacéré de zébrures et des cicatrices sur d’autres parties du corps. « Ils m’ont roué de coups avec des matraques, partout », a-t-il affirmé. « Vous vous effondrez, ils vous battent, vous vous levez, vous perdez connaissance. » Il a indiqué avoir été contraint de danser des jours durant au côté d’autres prisonniers et avoir subi plusieurs fois l’injection d’une substance inconnue.

Son avocat a révélé, mercredi 9 février, que l’écrivain avait quitté l’Ouganda pour se faire soigner en Allemagne. Kakwenza Rukirabashaija a remporté le prix PEN Pinter « Writer of Courage », en 2021, pour son roman satirique The Greedy Barbarian (« Le Barbare avide »). Il y décrit un pays imaginaire gangrené par la corruption.