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Dans le futur métavers, le cyberharcèlement est déjà un problème

Meta vient d’ajouter une fonction dans ses mondes virtuels permettant à des avatars numériques de ne pas être approchés par d’autres. Des utilisateurs ont déjà témoigné de cyber-agressions sexuelles.

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La fonction Personal Boundary est active depuis le 4 février.

La fonction Personal Boundary est active depuis le 4 février dans Horizon Venues et Horizon Worlds de Meta.

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La fonction Personal Boundary est active depuis le 4 février.
Dans le futur métavers, le cyberharcèlement est déjà un problème
Arnaud Devillard
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Une fonction technique. C’est la réponse habituelle de Meta, anciennement Facebook, à chaque fois qu’un problème lui est remonté concernant ses services. Les cyber-agressions en monde virtuel n’y échappent pas. Depuis le 4 février 2022, les utilisateurs de ces espaces bénéficient du paramètre "personal boundary" (délimitation personnelle) pour empêcher que leur avatar numérique ne soit approché de trop près par d’autres. Un genre de distanciation sociale en somme.

Cet espace sécurisé établit une zone infranchissable entre deux personnages équivalant à 1,20 mètres (4 pieds) dans le monde physique. "Personal Boundary" n’a pas besoin d’être activée : la fonction l’est par défaut. Tout mouvement d’un avatar en direction d’un autre qui tend à violer cet espace sera interrompu. Par contre, les avatars pourront continuer de passer près les uns des autres, juste pour éviter que la zone de protection ne bloque les simples déplacements, voire ne soit détournée de sa vocation première pour barrer la route à d’autres.

Des endroits appelés à être très peuplés

Pour Meta, l’idée est de garantir un métavers plus sûr. Le métavers est le nouveau grand projet de la société de Mark Zuckerberg mais n’est pour l’heure qu’un autre terme pour "réalité virtuelle". Concrètement, la fonction est disponible pour les services, récemment lancés par Meta, de monde virtuel Horizon Worlds et de halls virtuels destinés à des événements Horizon Venues. Des endroits appelés à être très peuplés, où chacun peut croiser des inconnus, contrairement aux espaces de travail Horizon Workrooms. Tous ces lieux sont accessibles via le visiocasque Oculus Quest.

Cet ajout intervient après une succession de témoignages d’agressions en réalité virtuelle. Début décembre 2021, une bêta testeuse a ainsi raconté sur le groupe Facebook officiel de Horizon Worlds avoir été, quelques jours auparavant, non seulement virtuellement tripotée par un avatar mais qu’en plus, la scène avait été observée par d’autres sans qu’aucun ne réagisse, amplifiant la sensation de panique et d’isolement.

Une éditorialiste en technologie de Bloomberg a également témoigné de son malaise au sein de Horizon Venues. Seule présente sous forme d’avatar féminin (modelée sur son apparence réelle) au milieu d’une douzaine d’avatars masculins tous inconnus d’elle, elle s’est retrouvée observée, photographiée, cernée et l’un d’eux s’est approchée d’assez près pour lui donner la sensation de lui parler dans l’oreille. Des expériences similaires lui sont arrivés dans l’espace virtuel de Microsoft.

Un viol virtuel dans Second Life

Plus dérangeant encore, un autre bêta testeuse, la britannique Nina Jane Patel, a subi une agression sexuelle par trois avatars dans les premières secondes de son arrivée dans Horizon Venues, en janvier 2022. Elle raconte avoir dû arracher son visiocasque pour s’échapper.

Dans un post fouillé de son blog Affordance.info, le chercheur en information et communication à l’université de Nantes, Olivier Ertzscheid rappelle qu’un viol virtuel avait eu lieu dans Second Life en 2007 (entraînant l’intervention de la police fédérale belge), qu’en 2014, le jeu vidéo Grand Theft Auto proposait une option "viol" et qu’en 2016, une participante du jeu en réalité virtuelle QuiVR relatait l’agression sexuelle qu’elle y avait subi. "Tout comme il existe une version 'cyber' du harcèlement, il existe hélas aussi une version 'cyber' de l'agression sexuelle. Il ne viendrait à personne l'idée d'expliquer que le 'cyber-harcèlement' est moins grave, toxique ou nocif que le harcèlement hors-ligne, il est par contre hélas encore nécessaire de rappeler qu'il en est de même pour une agression sexuelle. Fût-elle virtuelle, une agression sexuelle reste une agression sexuelle” note le chercheur.

Rappelant des travaux de recherche sur le sujet, et datant déjà de 1997, Olivier Ertzcheid pointe un phénomène inhérent aux mondes virtuels : en plus de couper de la réalité physique, il coupe l’utilisateur de sa réalité sociale. Celui-ci n’emporte pas forcément avec lui ses valeurs morales et se retrouve au contraire immergé dans un univers sans responsabilité, sans compte à rendre à personne, sans culpabilité car sans confrontation à ses victimes. Dans les mondes virtuels, les problèmes réels ne sont jamais loin.

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