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Gynéco

Révolution dans l'endométriose : enfin un test de diagnostic rapide

L'endométriose concerne une femme sur 10 et met en général huit ans à être diagnostiquée. Grâce à ce test salivaire rapide imaginé par des Français, le diagnostic se fait en quelques jours. Explications.

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Une femme sur dix environ est touchée par l'endométriose.

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Longtemps mal connue et largement sous-diagnostiquée, l'endométriose concerne pourtant une femme sur dix (entre 1,5 et 2,5 millions de femmes sont touchées par la maladie en France). Cette maladie touche l'endomètre, la muqueuse qui tapit l'intérieur de l'utérus et qui est évacué sous forme de règles. "Chez les femmes touchées par cette maladie, cette muqueuse se développe de façon anormale dans le ventre : le système digestif, la vessie, les ovaires, le péritoine qui tapisse l'intérieur du ventre. Ces lésions peuvent provoquer des douleurs extrêmement invalidantes", explique le Pr François Golfier, gynécologue-obstétricien au CHU de Lyon et président de la commission endométriose du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF). Aux fortes douleurs s'ajoute aussi la possibilité d'être infertile, lorsque les ovaires ou les trompes de Fallope sont touchées. "Ce n'est pas un problème de femmes. C'est un véritable problème de société, avec des douleurs si fortes qu'elles impactent la vie personnelle et professionnelle."

En moyenne, les femmes mettent huit ans à être diagnostiquées. Une errance médicale due à la méconnaissance de la maladie mais aussi à un manque d'écoute des femmes de la part du corps médical. "Beaucoup de femmes estiment qu'elles n'ont pas été prises au sérieux et qu'elles ont perdu des années avant de savoir ce qu'elles ont réellement", explique la chanteuse Imany, qui souffre elle-même d'endométriose et ambassadrice de l'association EndoMIND. En moyenne, les femmes ont besoin de 7 consultations, 4 IRM, 3 échographies et une intervention chirurgicale pour que le diagnostic soit posé, selon l'association. La cœlioscopie est aujourd'hui considérée comme l'examen de référence pour le diagnostic mais elle reste très invasive, peut s'accompagner de complications et doit être réalisée sous anesthésie générale.

109 microARN impliqués dans l'endométriose

Désormais, les femmes qui présentent des signes laissant penser à une endométriose pourront être fixées bien plus rapidement. Une étude publiée par une équipe française dans le Journal of Clinical Medicine a permis de montrer le rôle des micro-ARN (miARN) dans le diagnostic de la maladie. Ces micro-ARN sont des petits ARN non codants. "Contrairement à l'ARN messager, utilisé dans les vaccins contre le Covid-19 par exemple, ils ne sont pas traduits en protéines par la machinerie cellulaire. Leur rôle est d'exprimer des gènes : lorsqu’un miARN se fixe sur sa cible, un ARN messager spécifique, il bloque sa traduction en protéines et/ou induit sa dégradation", expliquent les équipes de la start-up Ziwig, qui va commercialiser le test. "Les miARN jouent un rôle de régulateurs dans la cellule. Ils jouent un rôle important dans les voies biologiques essentielles, pour faire proliférer des cellules, pour induire le processus d'inflammation ou encore assurer la survie des cellules", explique le Pr Golfier. Ils sont sécrétés dans le milieu extracellulaire et sont circulants, on les retrouve donc dans la plupart des fluides biologiques comme le sang, l'urine ou encore la salive. Depuis quelques années, des preuves se sont accumulées en faveur de l'implication des miARN dans les mécanismes de l'endométriose.

Pour comprendre lesquels jouaient un rôle dans la maladie, l'équipe a séquencé l'ensemble des 2.600 miARN connus jusqu'à présent, une première. Les scientifiques ont alors analysé la salive de 153 femmes chez qui une endométriose avait été diagnostiquée et l'ont comparée à celle de 47 femmes qui ne souffraient pas de la maladie. Parmi les 2.600 miARN humains connus, 109 étaient impliqués dans l'endométriose. Cette découverte a permis de définir une "signature" de la maladie à partir de laquelle un test rapide a été mis au point.

Un test aux résultats extrêmement satisfaisants, puisqu'il montre une sensibilité de diagnostic de 96,7% et une spécificité de 100%. Cela signifie que ce test peut identifier 96,7% des patientes souffrant d'endométriose et qu'il ne délivre pas de faux positifs. Impossible, donc, de diagnostiquer des femmes à tort. "Surtout, cette signature permet de détecter tous les types d’endométriose, des formes superficielles aux formes profondes, y compris chez les patientes dites discordantes, chez les femmes ayant des douleurs évocatrices d’endométriose mais un examen clinique et une imagerie médicale négatifs", explique le Pr Philippe Descamps, gynécologue-obstétricien au CHU d'Angers et vice-président de la Fédération Internationale de Gynécologie et d’Obstétrique (FIGO).

Un simple test salivaire à faire chez soi

Concrètement, la patiente reçoit une ordonnance de son médecin pour aller chercher le test à la pharmacie. Chez elle, il lui suffit de mettre de la salive dans un tube puis d'envoyer son échantillon par voie postale à un laboratoire, grâce à une enveloppe préremplie et délivrée avec le test. Les résultats sont ensuite disponibles en quelques jours et seront annoncés à la patiente au cours d'un rendez-vous avec le médecin prescripteur du test. "C'est un énorme espoir pour toutes celles qui sont en attente d'être diagnostiquées. On espère que l'innovation pourra rapidement être mise à disposition des patientes", explique Nathalie Jarry, porte-parole de l'association EndoMIND. Le test dispose déjà d'un marquage CE et est en attente d'une réponse pour une mise sur le marché ainsi que pour son remboursement. Son prix est pour le moment fixé à une centaine d'euros mais l'association espère qu'il sera remboursé. "Cela nous serait insupportable que certaines puissent se permettre financièrement de faire le test et d'autres non."

Car grâce à ce test, les patientes vont pouvoir gagner beaucoup de temps. "Plus besoin de procéder à une cœlioscopie diagnostique. Cela permet également de gagner du temps sur l'évolution de la maladie, car avec le temps les lésions peuvent beaucoup proliférer", souligne le Pr Descamps. Cela permet également d'accélérer les parcours d'aide à la fertilité. "On peut les orienter plus vite vers un traitement d'aide à la procréation, que ce soit une insémination ou une fécondation in vitro, selon l'avancement de la maladie", complète le Dr Léa Delbos, gynécologue-obstétricienne au CHU d'Angers.

A terme, la technologie des miARN pourra être utilisée dans de nombreuses autres pathologies qui dépassent largement la gynécologie. Un espoir, entre autres, dans le domaine du cancer ou de l'infertilité.

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