Afghanistan : la mémoire, enjeu de pouvoir(s)

Un conservateur tient un fragment statue du musée national de Kaboul pillé par les Taliban en 2001. ©Getty - Robert Nickelsberg
Un conservateur tient un fragment statue du musée national de Kaboul pillé par les Taliban en 2001. ©Getty - Robert Nickelsberg
Un conservateur tient un fragment statue du musée national de Kaboul pillé par les Taliban en 2001. ©Getty - Robert Nickelsberg
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A l'occasion d'une journée spéciale Afghanistan, la réalisatrice Sahra Mani et le caméraman du commandant Massoud, Yousuf Janesar, discuteront avec l'écrivain reporter Olivier Weber de la question de la mémoire afghane, notamment depuis le retour des talibans.

Avec
  • Olivier Weber Écrivain, grand reporter, auteur notamment de « Au royaume de la lumière », ed. Plon / collection Terre humaine, a écrit plusieurs romans et récits de voyage sur l’Afghanistan dont « La confession de Massoud », ed. Flammarion.

A l'occasion de la Journée Spéciale "Afghanistan : 6 mois après la prise de Kaboul" de France Culture, la Grande Table idées de ce mardi 15 février rassemble trois personnalités autour de la question de la mémoire afghane.

Yousuf Jan Nesar qui n'avait que quinze ans lorsqu'il s'engagea auprès du commandant Massoud, chef de l'armée de libération afghane, dont il devint rapidement le caméraman officiel. En août 2021, ses cinq mille heures d'archives furent rapatriées à l'INA, avant que Yousuf Jan Nesar lui-même ne soit exfiltré par l'Ambassade de France.

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La réalisatrice Sahra Mani, qui a filmé le combat judiciaire de la jeune Khatera pour condamner son père et les abus sexuels qu'il lui a fait subir. Son documentaire A Thousand Girls Like Me (2017) appelle à briser le tabou des violences sexuelles dans un pays qui refuse d'en parler.

Enfin, l'écrivain et reporter Olivier Weber, qui est l'auteur de Afghanistan. La Mémoire assassinée (2001) et de Massoud, le rebelle assassiné (2021). Le 17 février 2022, il co-organise une conférence-débat “Mémoires afghanes” avec la SCAM.

Ensemble, ces trois penseurs s'interrogent sur le rapport à la mémoire de l'Afghanistan dont le patrimoine culturel richissime fut menacé par les talibans entre 1996 et 2001 lorsqu'ils détruisaient les collections du musée de Kaboul ainsi que les Bouddhas de la vallée de Bamiyan, et lorsqu'ils brûlaient les archives audiovisuelles et les livres dans de gros autodafés. Olivier Weber explique : "C'est une mémoire douloureuse car on connaît ce dont sont capables les talibans. Tout le monde a en tête les images de destruction de bouddhas de la vallée de Bamiyan [...] Les bouddhas représentaient une première grande rencontre entre l'Orient et l'Occident," une rencontre à détruire.

La situation de l'Afghanistan d'aujourd'hui, six mois après la reconquête du pays par les talibans, sera-t-elle plus clémente qu'en 1996 ? "Lorsque les talibans sont arrivés à Kaboul," se souvient Yousuf Jan Nesar, "ils sont arrivés avec un mot fort : la paix. Ils ont annoncé un pardon pour toutes les personnes impliquées. Ces belles paroles ont fait rêver les gens, on croyait qu'ils avaient changé et c'est la raison pour laquelle ils étaient plus ou moins bien accueillis. Mais ils ont deux visages : la nuit, ce sont des rebelles qui attaquent, et dans la journée, devant les médias, dans les lieux publics, ils se montrent gentils et cléments." Les talibans de 2021 ne sont finalement pas plus cléments envers la culture que ceux de 1996... Sahra Mani a filmé le quotidien de l'Institut national de musique de Kaboul, encore fermé à ce jour : "L'Institut a été occupé par les talibans, les instruments détruits et les étudiants empêchés de venir prendre des cours. Les talibans ne pourront jamais apprendre l'amour de la musique."

Traductrice : Shakiba Dawod

La Grande Table culture
28 min

Extraits sonores :

  • Archive INA, entretien du commandant Massoud

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