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«Tristesse et désespoir» : des proches de résidents en Ehpad témoignent

Les Ehpads sont pointés du doigt depuis la parution d’un livre-scandale sur les maltraitances dans ces structures. Des familles de résidents témoignent de leur expérience.

Temps de lecture: 4 min

Hygiène « déplorable », négligences dans les soins, « tristesse et désespoir » : ces familles témoignent des maltraitances subies, selon elles, par leurs proches, dans des Ehpad privés ou publics. Les directions des établissements concernés, de leur côté, réfutent tout manquement. Tout est parti d’un livre-scandale « Les Fossoyeurs » (Fayard) du journaliste indépendant Victor Castanet.

« L’hygiène était déplorable »

« En bas, c’est comme un hôtel quatre étoiles, mais c’est un miroir aux alouettes », décrit Thomas Namer au sujet de l’Ehpad « Jardins d’Alésia » (groupe Korian), à Paris. Son frère Claude Namer y a vécu quelques mois, jusqu’à sa mort en 2019, à 75 ans.

Au premier étage, Thomas Namer a été frappé par « une hygiène déplorable et un manque flagrant de personnel ». Il évoque notamment des draps souillés non changés.

À chaque visite, « quelque chose clochait »  : Claude « n’avait pas de protection, un pantalon à l’envers ou pas de pantalon », se remémore son frère. « Il a perdu 20 kilos en deux, trois mois », ajoute-il. La faute à une nourriture « infâme » et à une aide insuffisante pendant les repas.

M. Namer et sa famille disent n’avoir pas osé porter plainte, par crainte de « représailles » contre leur proche, pensionnaire.

La direction du groupe Korian, de son côté, explique que les difficultés du résident étaient dues à ses troubles cognitifs « majeurs », et réfute tout « défaut d’accompagnement ».

« Ils disaient faire les soins : c’était faux »

Gisèle Deligeon a vécu dix ans à l’Ehpad public Alquier-Debrousse, à Paris, où elle est décédée à 76 ans. Ses différents problèmes de santé, notamment des nécroses aux jambes, y ont été mal pris en charge, accuse sa fille Nathalie.

« Un jour, en revenant de vacances, je l’ai trouvée quasi morte dans son lit, avec des sécrétions au niveau du nez et de la bouche. On a alors bataillé avec une de mes sœurs pour qu’elle aille en soins palliatifs et qu’elle puisse partir plus dignement », se remémore Mme Deligeon.

« Ils disaient qu’ils faisaient le nécessaire mais c’était faux : la toilette, les soins, n’étaient pas faits. »

La direction de l’établissement se dit « très triste » de cette mise en cause, et assure que la fille de la vieille dame avait « mis à mal l’équipe par son harcèlement et sa suspicion pendant trois ans ».

« Nous ne sommes pas parfaits, loin s’en faut. Mais cette dame a vécu dix ans à l’Ehpad, entourée de l’équipe qui a bien pris soin d’elle tout ce temps » et « l’aimait bien », a assuré Frédéric Rousseau, le directeur de la structure.

« Comme un SDF »

« On a laissé mon père mourir comme un chien », s’emporte Lionel Sajovic, un Parisien de 57 ans.

L’Ehpad « Les Terrasses » du groupe Orpea, aux Lilas, en Seine-Saint-Denis, « avait l’allure d’un hôtel 5 étoiles », mais la situation de Marcel Sajovic, qui avait 91 ans en y arrivant, va rapidement s’y détériorer.

À plusieurs reprises, la famille du nonagénaire constate qu’il n’est « pas lavé, avec des vêtements sales, ou des hématomes ».« On ne le coiffait pas, on ne lui coupait pas les ongles, on l’a retrouvé plusieurs fois baignant dans ses excréments. Il était comme un SDF, malgré le prix exorbitant » de près de 5 000 euros par mois, selon M. Sajovic.

Les dysfonctionnements « avaient commencé avant » l’épidémie de Covid-19, mais « la crise sanitaire a exacerbé tout cela », selon le fils : « emprisonné » dans son Ehpad pendant la première vague, privé de tout contact avec sa famille, le vieil homme y est décédé, officiellement à cause de l’épidémie. Mais son fils se dit « persuadé qu’il n’est pas mort du Covid mais de tristesse et de désespoir ».

M. Sajovic va porter plainte contre Orpea, dans le cadre d’une « action collective conjointe » lancée par l’avocate Sarah Saldmann. « C’est un combat que je dois mener pour la mémoire de mon père, et pour moi-même, lorsque je serai vieux. »

La direction d’Orpea a assuré que « les propos rapportés ne correspondent en rien à la prise en charge » du nonagénaire. Celui-ci a bénéficié d’un « suivi rigoureux », et sa fille, qui en était la « représentante » auprès de l’établissement, n’avait formulé aucune plainte, a encore affirmé la direction du groupe.

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