Les points de vente de jeux d’argent, qu’ils soient physiques ou en ligne, indiquent clairement « Vente interdite aux mineurs ». Une interdiction dont l’efficacité est remise en cause après l’enquête réalisée par la Sedap, une association de lutte contre les addictions, et l’Autorité nationale des jeux (ANJ), parue jeudi 17 février. Plus d’un tiers (34,8 %) des 15-17 ans ont joué au moins une fois à un jeu d’argent au cours des douze derniers mois.

Si ce chiffre n’a pas varié par rapport à l’année 2014, la part des joueurs à risque dans cette catégorie d’âge a fortement progressé en sept ans. Sur les 5 000 joueurs interrogés, 34,8 % sont à risque modéré ou excessif contre 11 % en 2014.

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Le constat est d’autant plus préoccupant quand on connaît les dangers potentiels des jeux d’argent. Des pratiques illicites sont susceptibles d’apparaître chez ces jeunes sans réels moyens financiers. « Pour continuer de jouer, certains vont demander plus d’argent aux parents ou emprunter des sommes parfois importantes à des amis », détaille Emmanuel Benoit, directeur général de la Sedap.

Des emprunts qui peuvent vite se transformer en malversation, où les jeunes se retrouvent cernés par une accumulation de dettes. « Le non-remboursement génère parfois des violences », assure Emmanuel Benoit. Il s’inquiète également des conséquences à long terme : « Plus ces comportements commencent tôt, plus ils seront longs à traiter. »À l’âge adulte, les conséquences peuvent être désastreuses : divorce, dettes, voire tentative de suicide.

Une prévention limitée

Pour éviter ces situations, la Sedap mise sur la prévention :« On va donner au jeune la capacité de résister, de faire les bons choix et d’améliorer ses compétences psychosociales », met en avant le directeur. Certains parents viennent par eux-mêmes au centre de soin demander de l’aide, mais tous ne sont pas au courant des agissements de leurs enfants quand d’autres les autorisent à jouer, affirme Emmanuel Benoit.

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D’où l’importance de sensibiliser les adultes et d’aller dans les établissements scolaires au contact des jeunes. « Nous avons créé un programme, “Bien Jouer”, qui permet d’éduquer les jeunes à la notion de hasard, à ce qu’est un joueur excessif, à la gestion budgétaire. » Un programme efficace mais trop peu déployé, d’après Emmanuel Benoît, qui demande plus de moyens et la formation de nouveaux intervenants. « Au regard du phénomène que l’on analyse par cette étude, et la prévention que l’on mène en face, il y a une disproportion évidente. »

Faire respecter l’interdiction

Pour l’ANJ, l’addiction des mineurs aux jeux d’argent est « un problème de santé publique »devenu un enjeu majeur. Parmi ses missions, l’autorité se doit de vérifier le respect de l’interdiction de vente aux mineurs. « Les opérateurs (PMU, FDJ, sites de pari en ligne) vont devoir renforcer la visibilité de l’interdiction, bloquer l’accès de leurs réseaux sociaux aux mineurs et mettre des dispositifs de contrôle parental », déclare Morgane Austruy, coordinatrice de la prévention du jeu excessif et de la protection des mineurs à l’ANJ.

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À cela s’ajoutent de nouvelles mesures pour bloquer les sites de jeux illégaux, et « une nouvelle ligne directrice limitera bientôt l’exposition des mineurs à la publicité ». En attendant leur entrée en vigueur, Morgane Austruy rappelle que les opérateurs ne respectant pas les règles s’exposent à « un retrait de l’agrément ou à une sanction financière ».