Accueil

Agora Entretiens et débats
"Madame Taubira traîne avec elle des casseroles qui ne sont pas acceptables"
"Je suis, avec d’autres au PRG d’ailleurs, opposé à tout candidat qui manque de clarté sur la laïcité, à tout candidat qui sait parfaitement manier le cynisme", écrit Romain Teufert.
Hans Lucas via AFP

"Madame Taubira traîne avec elle des casseroles qui ne sont pas acceptables"

Tribune

Par Romain Teufert

Publié le

Dans une tribune, Romain Teufert, membre du bureau exécutif du Parti radical de gauche (PRG), explique pourquoi, malgré les critiques, il a toujours refusé de soutenir la candidate Christiane Taubira, trop floue sur la laïcité.

Tout ça pour ça. Alors que la campagne des présidentielles bat son plein, chaque parti est confronté à des débats internes, des tensions voire des défections. S’il est naturel de s’opposer sur une ligne politique, même au sein d’un parti, je ne m’attendais pas à lire certains mots, pour me qualifier. J’ai très tôt expliqué pourquoi, sur le plan des valeurs, madame Taubira est aujourd’hui, selon moi, loin des valeurs portées du PRG, le Parti radical de gauche.

A LIRE AUSSI : Soutien de Balladur, positions antilaïques… De gauche, Christiane Taubira ? Pas vraiment

Vraisemblablement, peut-être à court d’argument, certains préfèrent s’en prendre à l’homme plutôt que de défendre une ligne politique. Lorsque la stratégie ne fonctionne pas, on cherche des responsables. Tel le chien qu’on veut abattre et qu’on accuse d’avoir la rage. Je me souviens d’une époque, il faut remonter vingt ans en arrière. Le PRG s’affichait, à l’époque, comme l'avant-garde de la République, fervent défenseur des valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité.

Pas assez laïque

Les cadres se vantaient, à juste titre, d’avoir un parti issu des territoires, un parti qui les aime ses territoires. Le glas est sonné. « Néo-vallsistes marginaux anti-Taubira du fin fond de la Drôme ». Rien que ça. Si certains sont sans doute anti-Taubira, loin de moi l'idée d’être anti-Taubira, et je croyais, loin l’idée au PRG de croire en un être providentiel devant qui il faut s’incliner à en oublier ses valeurs. Prétendre rejeter la Ve République et sa logique présidentielle tout en se jetant dans les bras d’un sauveur.

A LIRE AUSSI : Présidentielle : pourquoi le PRG soutient Christiane Taubira, "une femme libre mais pas sans aspérité"

Je suis, avec d’autres au PRG d’ailleurs, opposé à tout candidat qui manque de clarté sur la laïcité, à tout candidat qui sait parfaitement manier le cynisme. J’ai dit, comme d’autres, très tôt, que toute femme brillante qu’ait pu être madame Taubira dans bien des combats, elle traîne avec elle des casseroles qui ne sont pas acceptables.

« Soutenir la candidature Taubira, c’est faire campagne avec des gens face à qui je lutte depuis des années. »

Voilà qu’arrive la primaire dite « populaire ». Un outil qui n’était rien d’autre qu'un écran de fumée pour propulser la candidature Taubira. Là encore, je ne pouvais pas fermer les yeux sur les personnes derrière cette primaire, faire comme si je ne voyais pas les soutiens.

Soutenir la candidature Taubira, c’est faire campagne avec des gens face à qui je lutte depuis des années. Nombreux sont ceux à s’être penchés sur les personnes derrière cette « primaire » et chacun peut constater, en étant un minimum honnête intellectuellement, quels dangers ils représentent pour le vivre ensemble, pour la laïcité, pour la démocratie.

Soutenir Valls ?

C’était une hérésie que de soutenir cette « primaire ». Fut un temps, le PRG aurait été fier de compter quelques mecs marginaux du fin fond de la Drôme dans ses rangs. Aujourd’hui, le parisianisme semble prévaloir sur les territoires.

Désolé, nous sommes du fin fond de la Drôme, du fin fond du premier territoire bio de France. Un territoire où on aime le vin, la terre, nos paysans et même les mecs « marginaux » qui le font vivre. Nous en sommes fiers. J’ai été délégué départementale des JRG puis secrétaire général adjoint à la communication des JRG (Jeunes Radicaux de Gauche) et maintenant délégué départemental PRG, membre du ComEx et du BE (bureau exécutif). Tant d’années d’engagement.

« Il n’est pas question d’être néo-vallsiste mais bien de valeurs. »

Qu’est-il arrivé au PRG que j’ai connu si jeune ? Celui qui était dans le combat des idées et non dans les alliances obscures. Manuel Valls a d’ailleurs partagé tellement de moments avec nous. Je le concède, il a pu interroger, énerver, mais pas sur la défense des valeurs de la République, il n’a pas bougé.

S’opposer politiquement, c’est naturel, mais entendre la même rengaine sur Barcelone depuis des mois devient fatigant. Je ne peux que conseiller la lecture de son livre Pas une goutte de sang français (Grasset, 2021) pour comprendre l’homme indépendamment du politique. Il n’est pas question d’être néo-vallsiste mais bien de valeurs. Valeurs défendues dans lesquelles je me retrouve, comme beaucoup. Sa position d’ancien Premier ministre en fait un homme à abattre pour certains. Et bien, je le répète, ils se trompent sur l’homme.

Parti de la gauche républicaine

Comme d’autres, je ne crains pas de dire que face à LFI ou au RN, je voterais pour un candidat LR. Évidemment, et sans hésiter, je favoriserais un parti républicain de gauche comme de droite à un parti antirépublicain. C’est bien normal. Le procès est que, dans ce cas, « tu n’es pas de gauche ». Quelle gauche ? La gauche « woke », qui se cache (à peine), derrière la candidate Taubira, d’ailleurs, qu’ils souhaitent le voir ou non.

Celle qui a gangrené EELV, LFI et d’autres qui disent lutter pour l’égalité et contre les discriminations mais desservent, justement, ces causes. Si c’est ça la gauche, alors, comme le dit si bien Gilles Clavreul, « j’ai mal à ma gauche ». Elle est en partie là, la gauche républicaine, au Printemps républicain (PR), la bête noire du PRG. Pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être que, justement, le PR a su prendre cette place qui était celle que l’on pourrait qualifier de « naturelle » du PRG.

Le PR assume pleinement d’être républicain. Ceux qui n’ont pas lu Laurent Bouvet ne peuvent, sans doute, pas comprendre. Dire que nous sommes d’accord sur tout serait faux mais les fondamentaux nous rassemblent. La République chevillée au corps, nous continuerons à lutter, chaque jour, pour la défendre face à l’obscurantisme. Nous n’avons pas perdu de vue les colonnes de la République.

Nous avons un énorme chantier devant nous, la reconstruction de cette gauche républicaine, celle qui ose lutter contre le séparatisme et dire haut et fort que les islamistes représentent un danger pour la République. Celle qui défend l’égalité des femmes et des hommes sans se laisser tenter par les chants des sirènes du wokisme. Celle qui lutte contre les discriminations. Une gauche pour qui les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité sont un socle sur lequel est posé le phare qui éclaire la voie vers la République une et indivisible.

Positionnement flou

Oui c’est un appel à l’union, l’union de celles et ceux qui veulent œuvrer pour la France, pour la République et non contre un candidat, l’union de celles et ceux qui veulent faire gagner des valeurs, un programme et non pas faire perdre un candidat. Ranimons la flamme de la gauche républicaine ! En tout cas, c’était bien la peine de critiquer les Hommes qui avaient choisi de ne pas soutenir ni la « primaire » ni la candidate Taubira pour leur donner raison trois jours après. Ce cadre si prompt à critiquer « les marginaux », est-il marginal maintenant que son parti ne soutient plus son idole ? Le fin fond de la Drôme lui trouvera un coin de table et une assiette s’il cherche un pied à terre.

« La reconstruction de la gauche républicaine s’avérera un chantier ardu mais nous y parviendrons par conviction et nécessité. »

Dire que le PRG choisisse de laisser tomber son idole me réjouisse est faux. S’il est évident que j’ai souri, je pense aussi à la candidate qui se voit lâchement abandonnée à 55 jours de l’élection. S’il était prévisible que madame Taubira ne serait pas la femme providentielle, ceux qui ont choisi de la soutenir auraient a minima dû aller avec elle « au bout ».

Que faut-il comprendre ? Que le PRG ne soutenait pas la candidate pour ce qu’elle porte comme valeurs et comme projet mais uniquement dans une illusion d’union des irréconciliables ? Pourquoi l’avoir défendue bec et ongles depuis des semaines ? Le positionnement est très flou. Et quand c’est flou…

A LIRE AUSSI : Coup dur pour Christiane Taubira : finalement, le PRG ne la soutient pas

Je pense aux militants qui ont voulu y croire. Ils ont vu les instances foncer têtes baissées, soutenir la « primaire », soutenir la candidate Taubira, mettre en avant des qualités et voilà que les mêmes la lâchent. J’imagine leur désarroi et les invite à ne pas trahir leurs valeurs. Qu’ils osent soutenir madame Taubira « jusqu’au bout » s’ils sont convaincus. C’est là, le courage. Je n’ai pas changé d’avis sur madame Taubira et n’en changerai pas. En décembre 2021, je disais déjà pourquoi et à voir la campagne qu’elle mène, je suis encore plus convaincue.

Ces « rebondissements » me font me dire que nous ne nous trompons pas. Nous avons une tâche énorme. La reconstruction de la gauche républicaine s’avérera un chantier ardu mais nous y parviendrons par conviction et nécessité.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne