Une plongée dans les romans: J’ai lu les 75 romans de Maigret (et j’ai déjà envie de les relire)
Un personnage, une charge
Porter Maigret est une lourde charge. Un défi de solidité sur grand écran, de durée dans les séries. Au fil des films, l’incarnation du commissaire a semblé obéir à des critères qui se désagrégeaient. Selon une tradition bien française, Jean Gabin n’a joué que lui-même. C’était Maigret en Gabin, pas l’inverse. Cette médiocrité dans l’exigence a peut-être, aussi, contribué à clore le chapitre sur le plan de l’industrie cinématographique.
Le hold-up du commissaire par les séries
La TV a pris le relais. Plutôt injuste, la majorité rejette l’ère Jean Richard, jetée dans les eaux usées de la Seine pour ses lenteurs et son patriarcat manifeste. La longue entreprise lancée par Claude Barma – c’est la série d’adaptations la plus fournie – vaut un peu mieux que le mépris dans lequel est tenu l’acteur devenu homme de cirque. Il a été pesant, mais il a aussi su composer la placidité inspirée du personnage.
Le consensus penche sans conteste en faveur de Bruno Cremer, considéré comme le porteur ultime du costume. Solide, fiable, mutique, parfait. Cette adaptation de Maigret des années 2000 a figé la situation. Jusqu’à Patrice Leconte, qui relève le défi avec une carte maîtresse, son acteur.
Depardieu, carte maîtresse
Oui, incarner Maigret est d’abord affaire de carrure et de poids, au sens littéral. Le plus grand héros de la littérature policière francophone exige une prestance pachydermique en même temps qu’une indescriptible subtilité faite de discrétion et d’empathie. Gérard Depardieu y parvient dans une composition qui repose, paradoxalement, sur le retrait. Dans Maigret, il n’est jamais plus fort que quand il semble s’effacer. Patrice Leconte ressuscite le commissaire, Depardieu l’ensevelit à nouveau, mais cet épisode-là, qui restera unique, est assez beau.
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