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Gérard Depardieu en Maigret, une incarnation finalement évidente

Dans l’imper du grand commissaire, Gérard Depardieu succède à Bruno Cremer, Jean Richard ou Jean Gabin. En fait, le très populaire policier a été assez peu incarné sur les écrans, grand ou petit

Sous les traits de Gérard Depardieu, Maigret retrouve le grand écran pour la première fois depuis 1963 et «Maigret voit rouge», de Gilles Grangier, avec Jean Gabin en commissaire. — © Pascal Chantier/Ciné@
Sous les traits de Gérard Depardieu, Maigret retrouve le grand écran pour la première fois depuis 1963 et «Maigret voit rouge», de Gilles Grangier, avec Jean Gabin en commissaire. — © Pascal Chantier/Ciné@

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Aussi inimaginable que cela paraisse, en incarnant Maigret sur grand écran, Gérard Depardieu succède à… Jean Gabin. L’acteur de Quai des brumes, «t’as d’beaux yeux, tu sais», a endossé le pardessus à trois reprises, jusqu’en 1963. Depuis, aucun projet de cinéma n’a vu le jour pour relancer l’enquêteur. De fait, il a été confisqué par les séries TV, du Japon à la Grande-Bretagne (à plusieurs reprises) en passant par les deux piliers historiques, la série portée par Jean Richard (1967-1990) puis surtout celle avec Bruno Cremer (1991-2005).

Pour un personnage d’une telle popularité – l’édition de l’intégrale des romans en 2019 a été un gros succès –, Maigret est étonnamment peu incarné à l’image. Pierre Renoir avait ouvert les feux dans une première adaptation précoce et bizarre, La Nuit du carrefour, en 1932. Il a souvent été répété que Simenon avait eu un faible pour Michel Simon, qui s’est fait Maigret en 1952 dans un court métrage; mais il a aussi été dit que l’écrivain avait nourri une sympathie pour Jean Richard. Et il n’a bien sûr pas connu l’interprétation de Bruno Cremer.

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Un personnage, une charge

Porter Maigret est une lourde charge. Un défi de solidité sur grand écran, de durée dans les séries. Au fil des films, l’incarnation du commissaire a semblé obéir à des critères qui se désagrégeaient. Selon une tradition bien française, Jean Gabin n’a joué que lui-même. C’était Maigret en Gabin, pas l’inverse. Cette médiocrité dans l’exigence a peut-être, aussi, contribué à clore le chapitre sur le plan de l’industrie cinématographique.

Le hold-up du commissaire par les séries

La TV a pris le relais. Plutôt injuste, la majorité rejette l’ère Jean Richard, jetée dans les eaux usées de la Seine pour ses lenteurs et son patriarcat manifeste. La longue entreprise lancée par Claude Barma – c’est la série d’adaptations la plus fournie – vaut un peu mieux que le mépris dans lequel est tenu l’acteur devenu homme de cirque. Il a été pesant, mais il a aussi su composer la placidité inspirée du personnage.

Le consensus penche sans conteste en faveur de Bruno Cremer, considéré comme le porteur ultime du costume. Solide, fiable, mutique, parfait. Cette adaptation de Maigret des années 2000 a figé la situation. Jusqu’à Patrice Leconte, qui relève le défi avec une carte maîtresse, son acteur.

Depardieu, carte maîtresse

Oui, incarner Maigret est d’abord affaire de carrure et de poids, au sens littéral. Le plus grand héros de la littérature policière francophone exige une prestance pachydermique en même temps qu’une indescriptible subtilité faite de discrétion et d’empathie. Gérard Depardieu y parvient dans une composition qui repose, paradoxalement, sur le retrait. Dans Maigret, il n’est jamais plus fort que quand il semble s’effacer. Patrice Leconte ressuscite le commissaire, Depardieu l’ensevelit à nouveau, mais cet épisode-là, qui restera unique, est assez beau.

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