Chronique 

Le calvaire de grands-parents d’enfants de djihadistes français

Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère

L’auteur de « D’autres vies que la mienne » suit, pour « l’Obs », le procès historique qui se tient au palais de justice de Paris. Cette semaine, les audiences étant suspendues, il pose la question du rapatriement des jeunes Français qui, parfois, sont nés en Syrie.

Les histoires de radicalisation sont en général racontées du point de vue des parents, et se ressemblent beaucoup. Je passe vite sur le premier chapitre du récit que m’ont fait Anne et Pierre Martinez, un couple d’une soixantaine d’années, tous deux éducateurs, agnostiques, ouverts, aussi peu préparés que possible à ce que leur fils Antoine commence à 18 ans à retirer d’un air dégoûté les bouts de chorizo de la paella (Pierre est pied-noir, d’origine espagnole), puis se laisse pousser une grande barbe, puis adopte le kamis, puis présente à ses parents la très jeune fille voilée, Safia, qu’il vient d’épouser religieusement et qui n’a pas encore son bac quand elle donne naissance à leur premier enfant. Pierre et Anne se demandent quel lien pourra exister avec un enfant élevé dans des valeurs aussi éloignées des leurs, mais contre toute attente ça ne se passe pas si mal. Antoine et Safia leur confient très souvent le petit Nadim, qui les adore et qu’ils adorent. Ils n’ont pas le droit de boire de vin devant lui mais de décorer le sapin de Noël, oui. Ils ont découvert la notion rassurante de « salafisme quiétiste », et se répètent que leur fils est un salafiste quiétiste, ce qu’évidemment on aimerait mieux qu’il ne soit pas mais c’est quand même un moindre mal, et on ne s’alarme pas quand la petite famille de salafistes quiétistes, récemment augmentée d’un second enfant, part en vacances en Italie, à l’été 2015.

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Le monde cruel des parents de djihadistes

Le second chapitre commence, beaucoup plus noir que le premier. D’abord Antoine et Safia ne disent pas où ils sont, ce qui veut dire qu’ils ne sont pas en Italie mais en Syrie, sous le drapeau noir du califat. Ensuite Antoine explique que c’est formidable, de vivre sous le drapeau noir du califat, qu’ils habitent un agréable appartement à Mossoul, et que, certes, il y a des problèmes, de la violence, mais…

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