Si certaines personnes pourtant jeunes ou en bonne santé développent une forme grave du Covid-19, c'est en partie parce qu'elles sont porteuses d'une mutation génétique qui les rend plus vulnérables face au virus. Mais cette fragilité face au SARS-CoV-2 s'accompagne toutefois d'une bonne nouvelle. Les porteurs de cette mutation ont 27% de risques en moins d'être contaminés par le VIH, le virus responsable du Sida, selon de nouveaux travaux publiés dans le journal PNAS.
Certaines mutations génétiques sont surreprésentées chez les malades qui développent une forme grave du Covid-19, notamment des modifications sur le chromosome 3, comme l'avait déjà montré une étude du New England Journal of Medicine. L'équipe de recherche d'Hugo Zeberg à l'Institut Karolinska en Suède et de l'Institut Max Planck en Allemagne s'est ensuite rendu compte, dans un article de Nature, que cette fragilité génétique nous avait été transmise par nos ancêtres néandertaliens. Cette séquence de 50.000 paires de bases a été retrouvée chez 50% des personnes d'Asie du Sud, 16% des Européens, 4% en Amérique mais presque pas en Afrique. C'est justement le fait qu'elle ait été retrouvée partout sur la planète hormis en Afrique qui a mis l'équipe sur la piste, puisque les Homo sapiens ont rencontré les Néandertaliens uniquement après être partis de ce continent.
Un aspect positif, malgré tout
Concrètement, les personnes porteuses de ces mutations sur le chromosome 3 portent deux gènes responsables de cette fragilité face au SARS-CoV-2. L'un, CCR9, code pour un récepteur de cytokines, des molécules que s'envoient les cellules, pour activer les lymphocytes T. L'autre, SLC6A20, code un transporteur qui peut se lier à ACE2, le récepteur auquel s'accroche le virus. Les mécanismes exacts ne sont pas connus mais une partie de l'épidémie pourrait s'expliquer par cet héritage.
Cette fois, l'équipe du Dr Hugo Zeberg s'est demandé si cette mutation qui désavantage tant les patients face au SARS-CoV-2 n'aurait pas, par ailleurs, des effets positifs. "Le fait que cette mutation soit si répandue nous a mis la puce à l'oreille. Si elle était si terrible, pourquoi aurait-elle persisté jusqu'aux humains modernes depuis qu'elle a été héritée de Néandertal ? Pourquoi au juste est-elle devenue si commune ? C'est la question que je me suis posée", explique Hugo Zeberg à Sciences et Avenir. Pour trouver la réponse, le chercheur s'est penché sur les données de biobanques, comme FinnGen, la UK Biobank ou encore la Michigan Genomic Initative, des bases de données biomédicales de grande envergure, contenant les données génétiques et données de santé des participants.
27% de risque en moins d'être contaminé par le VIH
Le chromosome 3, sur lequel le facteur de risque déjà repéré est localisé, est composé de nombreux gènes. Plusieurs d'entre eux codent pour des récepteurs du système immunitaire. L'un de ces récepteurs, appelé CCR5, est utilisé comme porte d'entrée par le VIH pour infecter les globules blancs. En examinant cette région génétique, Hugo Zeberg s'est aperçu que les personnes porteuses du facteur de risque pour le Covid-19 possédaient moins d'ARN messagers codant pour les récepteurs CCR5. "Moins il y a d'ARN, moins il y a de récepteurs CCR5", explique le chercheur, qui a ensuite voulu voir si les personnes qui possèdent moins de récepteurs ont un risque plus faible d'être infectés par le VIH. "Je suis allé voir la fréquence de ce variant parmi les personnes porteuses du VIH comparé à la population générale." C'est ainsi qu'il s'est aperçu que ceux plus fragiles face au Covid-19 avaient 27% de risques en moins d'être infectés par le VIH. A la fois une bonne et une mauvaise nouvelle pour les porteurs de cette mutation.
Toutefois, comme le VIH n'est apparu qu'au 20e siècle, cette nouvelle découverte ne permet pas d'expliquer pourquoi le risque génétique du Covid-19 s'est autant répandu parmi les humains il y a 10.000 ans. Ce risque face au SARS-CoV-2 permet certes une meilleure protection contre le VIH. Mais elle devait, à l'origine probablement protéger contre une maladie qui était plus répandue à cette époque. "A mon avis, cette autre maladie a aussi un lien avec les récepteurs de cytokines, comme le choléra ou encore la variole." Ce variant "à double tranchant [...] a eu des conséquences tragiques durant les deux dernières années de pandémie de Covid-19 mais il a considérablement protégé contre le VIH durant les quarante dernières années", conclut l'étude. Reste à savoir quel rôle elle a pu jouer lors d'autres épidémies par le passé... ainsi que pour les épidémies à venir.