Paysan emprisonné au nom de la protection de la nature

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JuraPaysan emprisonné au nom de la protection de la nature

Un agriculteur menaçant n’en fait qu’à sa tête à Vermes, au point que la justice l’a placé en détention provisoire.

Vincent Donzé
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Vincent Donzé
C’est à Vermes que l’agriculteur a dépassé les bornes.

C’est à Vermes que l’agriculteur a dépassé les bornes.

lematin.ch/Vincent Donzé

Cette fois-ci, le paysan irascible est en prison. À force de n’en faire qu’à sa tête, cet agriculteur propriétaire de deux exploitations, l’une à Vermes et l’autre à Envelier, a été placé en détention préventive. D’une part parce qu’il a proféré des menaces et d’autre part, pour l’empêcher de poursuivre des travaux en toute illégalité.

Il y a trois mois, lematin.ch a raconté «L’affaire Müller», comme on désigne dans cette contrée proche de la frontière soleuroise la guéguerre opposant les Müller aux Kohler, sur le chemin de la discorde. Motif: l’agriculteur condamné a fait sienne une route publique qui passe sur son terrain pour desservir un restaurant de montagne. Ce conflit jugé par un tribunal de première instance n’est pas terminé, un recours ayant été formulé.

180 jours-amendes

Si l’agriculteur alémanique est en prison depuis un mois, comme l’a révélé «Le Quotidien Jurassien», c’est à la suite de sa condamnation à 180 jours-amendes pour entrave à la circulation publique, lésions corporelles, dommages à la propriété, constructions illégales et menaces et contraintes…

Sitôt ce jugement prononcé, l’agriculteur a aggravé son cas en s’activant sur des chantiers illégaux. Sur son domaine de Vermes, côté Vicques, ce sont 1000 m² qui ont été détruits dans une zone protégée de la commune fusionnée de Val Terbi. Un terrassement a été réalisé dans des pâturages extensifs d’une grande biodiversité, au creux d’une vallée.

Confisqué les clés

Le couple d’agriculteurs alémaniques a prétendu avoir voulu réparer une conduite d’eau détruite par un glissement de terrain en prétextant qu’à l’écurie, sans cette intervention, les vaches allaient mourir de soif. Mais lors d’une perquisition, la police leur a confisqué les jeux de clés des pelles mécaniques présentes à la ferme, de manière à empêcher la poursuite des travaux.

Las! L’agriculteur qui s’est délivré lui-même les autorisations nécessaires s’est rabattu sur une pelleteuse pour continuer à creuser et à aplanir. Alertée en décembre dernier, la juge pénale a réagi en plaçant le paysan en détention, une mesure annulée le même jour par le juge des mesures de contraintes. Mais l’année 2022 a mal débuté…

Cinq gendarmes

Une altercation s’est produite à la ferme entre l’agriculteur et un conseiller communal désireux de prendre des photos. Cette prise de becs a été suivie de la visite d’une délégation de l’Office jurassien de l’environnement, escortée par cinq gendarmes. Leur constat: toute la végétation a été détruite sur 1000 m2!

Selon la Chambre pénale des recours, le prévenu «fait preuve d’une absence de scrupules à l’égard notamment des règles protégeant l’environnement». Il est question de la destruction des berges, de l’essartage d’un ruisseau, de l’incinération de déchets…

«Il effectue des terrassements pour réaliser une halle d’engraissement», dit-on au sujet de son domaine de Vermes. «Il veut faire d’un pâturage un pré, pour toucher davantage de subventions», dit-on au sujet de celui d’Envelier.

Les autorités de Val Terbi ont pris les devants.

Les autorités de Val Terbi ont pris les devants.

lematin.ch/Vincent Donzé

Si le Ministère public a obtenu son incarcération, alors que l’agriculteur alémanique a des enfants et des animaux à sa charge, c’est en raison des risques de récidive, mais aussi à cause de sa dangerosité potentielle. Saisie d’une demande de libération, la Chambre pénale des recours a refusant en privilégiant l’intérêt public, le temps de réaliser une expertise psychiatrique.

Sur le chemin de la discorde, à Envelier, les parents de l’agriculteur sont venus seconder son épouse à la ferme, mais les manigances n’ont pas cessé.

Tournure des discussions

Des voisins ont été agressés, de même qu’un facteur, un inspecteur et un conseiller communal. Lors d’une séance de conciliation dans les locaux de l’administration communale, l’agriculteur inculpé a causé d’importants dommages lorsque la tournure des discussions ne lui a pas été favorable.

«Ils n’ont pas toutes les tasses dans l’armoire…», dit-on dans la région pour définir leur état d’esprit. La détention de l’agriculteur alémanique va-t-elle l’assagir? Dans le Val Terbi, certains craignent qu’à son égoïsme s’ajoute un désir de vengeance.

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