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Saint-Étienne-du-Rouvray : « On parlait d’attentats à la rigolade », raconte un témoin au procès

« On parlait » d’attentats « comme ça, à la rigolade », mais sans « cible définie », a raconté, assuré, mercredi 23 février 2022 au procès de l’attentat de Saint-Étienne-du-Rouvray un témoin qui a fréquenté un temps l’un des accusés dans une mosquée de Seine-et-Marne.

Temps de lecture: 4 min

En manteau noir, mains dans les poches, Yann H. explique devant la cour d’assises spéciale de Paris avoir rencontré Jean-Philippe Jean Louis en 2015, dans une salle de prière de Lagny-sur-Marne, avec un groupe de six ou sept personnes aux idées extrémistes, entrées en contact via Facebook. Poursuivi pour association de malfaiteurs terroriste, Jean-Philippe Jean Louis est accusé d’avoir administré une chaîne Telegram qui jouait un rôle central dans la diffusion de la propagande de l’organisation État islamique en français.

Il a également été refoulé par les autorités turques à Istanbul en juin 2016 en compagnie d’Abdel-Malik Petitjean, qui assassinera quelques semaines plus tard le père Hamel dans son église de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime). Selon l’accusation, il cherchait alors à rejoindre les groupes armés islamistes en Syrie.

Lors des rencontres à la mosquée, «  c’était un sujet qu’on évoquait de pouvoir partir, vivre une vie meilleure sous la religion de l’Etat islamique  », mais «  sans plan concret  », «  c’était un fantasme  », se souvient Yann H.

Dans le petit groupe, Jean-Philippe Jean Louis «  était une référence  » car il avait plus de «  connaissances religieuses  » et il voulait bien partir «  pour combattre  », affirme-t-il, alors que l’accusé met en avant un projet «  humanitaire  » et sa volonté de rejoindre une jeune fille connue sur internet.

Leurs conversations portent aussi sur d’éventuelles actions violentes, «  de façon naturelle  », mais «  il y a avait vraiment pas de cible définie. On parlait comme ça, à la rigolade, entre amis  », poursuit le jeune homme, condamné dans une procédure distincte à trois ans de prison avec sursis en mars 2021. Questionné par le président de la cour, il précise : «  On répétait ce qu’on nous disait : tuer des personnes, souvent des policiers, des forces de l’ordre  ».

« - Avec des couteaux dans la rue  ? »

« - Par tous les moyens possibles, comme le disait la propagande de l’Etat islamique. »

« Je m’en sors bien. »

Il confirme aussi avoir vu l’accusé avec « son ordinateur à la mosquée », en train faire le montage de vidéos de propagande rassemblées sous le titre « Un oeil différent sur l’Etat islamique ». Bourrées d’images violentes, il se rappelle d’une scène qui l’a « particulièrement choqué », avec « une personne violée devant sa famille avant d’être abattue », qui lui a « donné un sentiment de haine et de colère ».

Aujourd’hui âgé de 26 ans, Yann H. estime avoir eu « énormément de chance ». «  Je m’en sors très bien. (…) Je pense que ça a été la meilleure solution, de m’arrêter  », analyse-t-il, affirmant être sorti de l’idéologie jihadiste depuis qu’il a trouvé un travail et grâce à l’aide «  de personnes qui ont des idées différentes  ».

Le père Hamel aurait pu être son grand-père

Appelé à témoigner après lui, Hilal (prénom modifié) sera beaucoup moins disert. « Oui peut-être », « sans plus », « on peut dire ça comme ça », répond le jeune homme de 22 ans, sweat à capuche rouge, chewing-gum en bouche et sourire aux lèvres. Condamné à quatre ans et demi de prison après deux tentatives de départ vers la Syrie, la première avec Adel Kermiche, l’autre assassin du père Hamel, alors qu’il n’avait que 15 ans, il assure avoir peu parlé avec lui lors du voyage et n’avoir pas eu connaissance de ses intentions lorsqu’ils seraient sur place.

«  Qu’est ce que vous en pensez aujourd’hui ?  », lui demande le président, à propos de l’attentat. «  Ben… (long silence) Je sais pas du tout  », répond l’accusé.

Relancé par l’avocate générale, il se dit «  triste  » pour la victime, qui «  aurait pu être (son) grand-père  ».

« - Vous condamnez ?

« - Condamner… (nouveau silence) Oui », lâche-t-il.

«  En quatre ans de détention, t’as le temps de réfléchir (…). Mon objectif c’est d’effacer mon image d’avant  », assure-t-il, sans jamais exprimer de regret.

Abdel-Malik Petitjean et Adel Kermiche ont été abattus par la police à leur sortie de l’église de Saint-Étienne-du-Rouvray.

La cour d’assises spéciale juge depuis le 14 février trois personnes de leur entourage et, en son absence, le propagandiste Rachid Kassim, présumé mort en Irak.

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