BFM Business
Economie

Fillon et Schröder ne comptent pas démissionner de leurs postes en Russie

Une rencontre en 2013 entre Vladimir Poutine et François Fillon.

Une rencontre en 2013 entre Vladimir Poutine et François Fillon. - AFP

Les deux anciens chefs de gouvernements français et allemand reconvertis dans les affaires en Russie n'ont pas l'intention d'abandonner leurs postes à la différence de leurs homologues italiens et autrichiens.

Les dirigeants européens reconvertis dans les affaires en Russie doivent-ils démissionner pour marquer leur opposition à l'invasion russe? Cette question divise actuellement les anciens chefs de gouvernement. Si certains ont tenu à marquer leur opposition au régime de Vladimir Poutine en coupant toute affaire cessante leurs liens avec le pays, d'autres en revanche s'y sont refusé.

C'est le cas de François Fillon, Premier ministre de 2007 à 2012 et candidat à l'élection présidentielle de 2017. L'ancien chef de gouvernement français a rejoint en décembre dernier le conseil d'administration du géant russe de la pétrochimie Sibur, notamment contrôlé par Leonid Mikhelson, l'un des hommes les plus riches de Russie, et Guennadi Timtchenko, un proche du président Poutine, et visé par de récentes sanctions du Royaume-Uni.

S'il condamne l'usage de la force en Ukraine, François Fillon s'est toutefois attiré de nombreuses critiques avoir déploré "le refus des Occidentaux" d'entendre les revendications russes concernant l'Otan.

"En 2014, j'ai regretté les conditions de l'annexion de la Crimée et aujourd'hui je condamne l'usage de la force en Ukraine", a affirmé sur Twitter l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy. Mais depuis dix ans, je mets en garde contre le refus des Occidentaux de prendre en compte les revendications russes sur l'expansion de l'Otan. Cette attitude conduit aujourd'hui à une confrontation dangereuse qui aurait pu être évitée."

"Allié d'un dictateur"

Une prise de parole très critiquée par la plupart des formations politiques.

La députée LREM Yaël Braun-Pivet, présidente de la Commission des Lois, a estimé sur Twitter que "Non, il n'y a pas de mais. La guerre est le fait de celui qui décide de la mener. Cette demi-condamnation ne vous honore pas".

Mercredi soir sur LCI, le candidat écologiste Yannick Jadot avait lui qualifié François Fillon d'"allié d'un dictateur qui engage la guerre en Europe".

Le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes Clément Beaune avait estimé dimanche qu'il s'était fait "complice" de Vladimir Poutine en rejoignant le groupe Sibur.

Seule Valérie Pécresse parmi les candidats à la présidentielle n'a pas souhaité condamner la position de l'ex-chef de gouvernement. "François Fillon a quitté la politique" et "a le droit de faire sa vie, on doit le laisser tranquille", a-t-elle commenté sur BFMTV ce mercredi.

En Allemagne aussi des voix s'élèvent depuis quelques semaines pour condamner la position d'un ancien chef de gouvernement. Il s'agit de l'ex-chancelier Gerhard Schröder (1998-2005) aujourd'hui président du conseil d'administration de Rosneft, premier groupe pétrolier russe, et du comité d'actionnaires de Nord Stream 2, gazoduc russo-allemand controversé, suspendu lundi par l'Allemagne.

"Schröder n'est pas le gouvernement"

L'ancien patron du parti social démocrate allemand qui avait notamment inauguré en 2011 le premier tronçon du gazoduc Nord Stream en présence d'Angela Merkel mais aussi de l'ancien président russe Dmitri Medvedev et de François Fillon a condamné l'intervention russe dans un message posté sur LinkedIn.

"La guerre et les souffrances qu'elle entraîne pour les habitants de l'Ukraine doivent prendre fin au plus vite. C'est la responsabilité du gouvernement russe. On a beaucoup parlé ces dernières années des erreurs et des manquements dans les relations entre l'Occident et la Russie. Et il y a eu de nombreuses erreurs - des deux côtés", a écrit Gerhard Schröder, devenu une figure encombrante dans son propre pays en raison de ses liens étroits avec Vladimir Poutine.

L'ex-chancelier appelle aussi les Occidentaux à ne pas rompre le lien avec la Russie.

"En ce qui concerne l'avenir, il faut veiller à ce que les sanctions nécessaires ne coupent pas complètement les liens politiques, économiques et civils qui existent encore entre l'Europe et la Russie", conseille Schröder, 77 ans, censé entrer en juin au conseil de surveillance du géant russe Gazprom.

Une présence encombrante pour l'actuel chancelier Olaf Scholz, issu du même parti que Schröder.

"Gerhard Schröder ne parle pas au nom du gouvernement, il ne travaille pas pour le gouvernement, il n’est pas le gouvernement", a tenu à rappeler le chef du gouvernement allemand lors d'un déplacement à Washington le 7 février dernier.

Si les regards se tournent vers les anciens chefs de gouvernement allemand et français c'est que d'autres anciens dirigeants politiques européens ont eu choisi de rompre avec leurs intérêts russes.

C'est le cas des anciens Premiers ministres italien et finlandais ainsi que de l'ex-chancelier autrichien qui ont annoncé avoir démissionné ce jeudi des conseils d'administration d'entreprises russes dans lesquels ils siégeaient.

Matteo Renzi a ainsi annoncé au Financial Times qu'il démissionnait de Delimobile, le plus grand service d'autopartage de Russie, fondé par l'homme d'affaires italien Vincenzo Trani, en réponse à l'action militaire russe. L'ancien Premier ministre a déclaré avoir envoyé un email de démission ce jeudi avec effet immédiat.

Idem pour Esko Aho, l'ancien Premier ministre finlandais qui a quitté ses fonctions ce jeudi au sein de Sberbank, la plus grande banque de Russie pour laquelle il travaillait depuis six ans. Ainsi que pour Christian Kern, chancelier autrichien entre 2016 et 2017, qui a démissionné du conseil d'administration de la compagnie des chemins de fer russes (RZD) jeudi matin avec effet immédiat.

"La RZD fait maintenant partie de la logistique de guerre russe, a déclaré Chritian Kern au journal autrichien Der Standard. Je le regrette profondément. Mes pensées vont aux victimes de cette agression insensée."
Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco