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Ketanji Brown Jackson, première femme noire à la Cour suprême

Le Sénat doit encore avaliser le choix de Joe Biden. Après la décision d'octroyer la vice-présidence à Kamala Harris, le président démocrate présente une deuxième nomination historique

Ketanji Brown Jackson, en avril 2021. Elle vient d'être choisie par Joe Biden pour devenir juge à la Cour suprême. — © KEVIN LAMARQUE / AFP
Ketanji Brown Jackson, en avril 2021. Elle vient d'être choisie par Joe Biden pour devenir juge à la Cour suprême. — © KEVIN LAMARQUE / AFP

Joe Biden l'a promis, il l'a fait. Il a choisi une femme noire pour siéger à la Cour suprême des Etats-Unis. Une première. L'heureuse élue, Ketanji Brown Jackson, est la favorite depuis le début. Le Sénat devra encore formellement avaliser sa nomination. Elle remplacera Stephen Breyer, 83 ans. Un juge que les démocrates ont poussé à la démission pour éviter qu'il soit éventuellement remplacé par un conservateur.

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«Les présidents ne sont pas des rois»

Magistrate à la Cour d’appel fédérale de Washington, Ketanji Brown Jackson a 51 ans et est mère de deux filles. Son époux est chirurgien. Elle connaît bien Stephen Breyer car elle a travaillé auprès de lui il y a plus de vingt ans. Elle s’est notamment illustrée pour avoir relevé en 2019, dans une affaire liée à Donald Trump et à sa tentative de faire obstruction à l’enquête sur l’ingérence russe dans la présidentielle de 2016, que «les présidents ne sont pas des rois», qu’ils «n’ont pas de sujets, liés par la loyauté ou le sang, dont ils auraient le droit de contrôler le destin».

Son destin à elle semble en quelque sorte lié à celui de Trump, puisqu'elle a également fait partie du panel de juges qui a confirmé que l'ancien président républicain ne pouvait pas s'opposer au transfert de documents de la Maison-Blanche à la commission spéciale du Congrès qui enquête sur l’attaque du Capitole. Une affaire dans laquelle la Cour suprême a tranché, en désavouant Donald Trump.

Un oncle en prison

Avec Ketanji Brown Jackson à la Cour suprême, Joe Biden accomplit une deuxième nomination historique, après avoir choisi Kamala Harris comme vice-présidente. Si le Sénat confirme sa nomination, Ketanji Brown Jackson deviendra la première magistrate afro-américaine au sein de l'institution. Jusqu'ici seuls deux hommes noirs y ont siégé.

Joe Biden la décrit, dans un tweet, comme «l’un des plus brillants esprits juridiques de notre nation», qui sera une juge à la Cour suprême «exceptionnelle». Elle a une expérience différente que ses futurs collègues, qui ont souvent des profils de procureurs: Ketanji Brown Jackson a notamment été avocate dans les services de l’aide juridictionnelle à Washington, où elle a défendu des accusés sans ressources.

Dans sa famille, elle n'est pas la seule à bien connaître le système pénal: un de ses oncles a écopé, en 1989, d’une peine de prison à vie, dans le cadre d'une loi très stricte qui impose la perpétuité après trois infractions à la loi sur les stupéfiants. Une expérience qui l’a «sensibilisée à l’impact de la loi sur la vie des gens», selon le témoignage d'un de ses proches au Washington Post. Elle a été nommée juge fédérale à Washington par Barack Obama en 2013. Et a un lien de parenté avec le républicain Paul Ryan, qui a été président de la Chambre des représentants.

Féroces batailles

Aux Etats-Unis, les nominations à la Cour suprême sont très politiques et font toujours l'objet de féroces batailles. Parce que les juges sont nommés à vie. Sous son mandat, Donald Trump est parvenu à imposer trois juges (Neil Gorsuch, Brett Kavanaugh et Amy Coney Barrett), ancrant encore davantage la plus haute instance judiciaire du pays à droite, avec désormais six juges sur neuf considérés comme plutôt conservateurs. De quoi avoir une influence considérable sur des enjeux sociétaux majeurs et très sensibles aux Etats-Unis, comme l’avortement, les droits de la communauté LGBT ou encore les armes à feu.

Si les démocrates ont exercé une pression importante sur Stephen Breyer, le juge le plus âgé de la Cour suprême, pour qu'il démissionne, c'est pour s'assurer que Joe Biden puisse nommer son remplaçant avec un Sénat encore à majorité démocrate, avec la voix prépondérante de la vice-présidente. Car les élections de mi-mandat approchent. Les républicains ont des chances de retrouver une majorité au Congrès en novembre. Ils pourraient donc décider de faire obstruction au candidat de Joe Biden.

Le psychodrame de 2016

Cela s'est vu. En 2016, les républicains avaient refusé le candidat choisi par Barack Obama – Merrick Garland, l’actuel ministre de la Justice – pour remplacer le juge Antonin Scalia, décédé en février de la même année. Ils ont été jusqu'à refuser de l’auditionner, en prétextant l’approche de l’élection présidentielle. Il y a donc eu une longue vacance à la Cour suprême et au final, c'est Donald Trump qui a pu imposer son candidat, Neil Gorsuch. Un scénario que les démocrates ne veulent plus revivre.

Par ailleurs, la très progressiste juge Ruth Bader Ginsburg, icône féministe, n'a jamais voulu quitter d'elle-même la Cour suprême, malgré les discussions avec Barack Obama, et alors qu'elle avait des problèmes de santé récurrents. Résultat: après son décès survenu le 18 septembre 2020, à l’âge de 87 ans, en plein mandat de Donald Trump, et moins de deux mois avant l'élection présidentielle, elle a été remplacée in extremis par une magistrate conservatrice, Amy Coney Barrett. Le candidat Biden n'a pas obtenu gain de cause en proposant que le ou la successeur·e de «RBG» soit nommé·e par celui qui remporterait l’élection. C'est pourtant ce que Ruth Bader Ginsburg aurait elle aussi voulu. «Mon vœu le plus cher est de ne pas être remplacée tant qu’un nouveau président n’aura pas prêté serment», avait-elle précisé à sa petite-fille peu avant de mourir.