Le 27 février après-midi, le président de la Russie Vladimir Poutinea ordonné au ministre de la défense Sergueï Choïgou et au chef d’État-major général Valéri Guerassimov de mettre les forces de dissuasion en état d’alerte spéciale”.

Poutine a expliqué ainsi sa décision : “Comme vous pouvez le voir, non seulement les pays occidentaux prennent des mesures inamicales contre notre pays dans le domaine économique – je veux parler des sanctions illégales que tout le monde connaît très bien –, mais de hauts responsables de grands pays de l’Otan se permettent de formuler des déclarations agressives concernant notre pays”, rapporte Vzgliad, quotidien russe pro-Kremlin.

Au-delà de la rhétorique en cours depuis des jours, sur le fait que la Russie se sente menacée par l’Otan, et notamment par les forces nucléaires de l’Alliance, que signifie exactement cette alerte spéciale ? Le quotidien russe Komsomolskaïa Pravda n’y va pas par quatre chemins :

La mallette nucléaire [soit ‘le bouton’ nucléaire] est décachetée.”

Interrogé par ce journal populaire, le général Boris Soloviov, qui a servi dans les forces de missiles stratégiques et à l’État-major général, rappelle “une déclaration du président américain Joe Biden affirmant que l’alternative à l’imposition de sanctions [économiques] sévères contre la Russie serait de déclencher la troisième guerre mondiale”.

Le président américain a en effet déclaré le 26 février, dans une interview avec le blogueur Brian Tyler Cohen, pour justifier les nouvelles sanctions économiques, qu’il n’y avait “que deux options : déclencher la troisième guerre mondiale, c’est-à-dire affronter physiquement la Russie, ou bien s’assurer que ce pays, qui agit à ce point contre les lois internationales, en paie le prix”. Ce prix, ce sont précisément les sanctions.

Deux jours plus tôt, Joe Biden avait également déclaré : “Que ce soit bien clair : nos manœuvres sont défensives. Nous n’avons pas l’intention de combattre la Russie”, rapportait alors CNN.

Mais ce n’est pas l’interprétation du général Soloviov : “Ils [les Occidentaux] veulent donc nous faire peur, misant sur les sanctions, mais elles ne fonctionnent pas, et ils le voient et le comprennent”, poursuit-il. À tout moment, “au lieu de l’‘épée économique’, les États-Unis et l’Otan peuvent dégainer une ‘épée militaire’”.

Les forces de dissuasion stratégique sont conçues “pour vaincre les adversaires de la Russie en utilisant divers types d’armes, y compris des armes nucléaires”, explique-t-il.

Que signifie l’état d’alerte spéciale ? “Le plus haut degré de préparation au combat, le niveau suivant [ultime] est celui d‘alerte totale”, et alors “le ‘bouton rouge’ peut être activé à tout moment”. Trois personnes possèdent la “mallette nucléaire” : le président, le ministre de la Défense et le chef d’État-major général, ce qui permet de “se prémunir de toute erreur dans l’utilisation des armes nucléaires”, ajoute-t-il.

Un “rappel” à Biden, à l’Otan et à leurs alliés

Soloviov rappelle qu’en 2020 Poutine a approuvé par décret les “Principes fondamentaux de la politique d’État de la Fédération de Russie dans le domaine de la dissuasion nucléaire”. Ce document permet à Moscou d’“utiliser des armes nucléaires en réponse à une attaque contre elle ou ses alliés avec des armes nucléaires ou d’autres armes de destruction massive, ou en cas d’agression avec des armes conventionnelles”, lorsque “l’existence même de l’État [russe] est menacée”.

Cela ne ferait pas de mal de le rappeler une fois de plus à Biden et aux alliés américains de l’Otan”, martèle le général russe, qui conclut : “L’ordre de Poutine [du 27 février] est aussi un rappel.”