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Le siège des villes ukrainiennes, cauchemar humanitaire

Les Russes resserrent leur étau autour des principales villes ukrainiennes, faisant craindre des sièges catastrophiques pour la population piégée. Une tactique déjà employée en Syrie avec le soutien de Moscou

Des femmes et des enfants dans les sous-sol d'un hôpital à Kiev, le 1er mars 2022 — © Emilio Morenatti / keystone-sda.ch
Des femmes et des enfants dans les sous-sol d'un hôpital à Kiev, le 1er mars 2022 — © Emilio Morenatti / keystone-sda.ch

Au sixième jour de l’invasion de l’Ukraine, l’armée russe a renforcé son étau autour des grandes villes ukrainiennes, visées par des bombardements de plus en plus intensifs. Dans l’est du pays, Kharkiv a subi de nombreuses frappes. Une dizaine d’habitants ont été tués dans la seconde ville d’Ukraine. Dans le sud, les villes de Marioupol et Kherson sont aussi pilonnées et les troupes russes progressent le long de la Mer Noire. Les blindés russes avancent également en direction de Kiev que les parachutistes avaient échoué à prendre par surprise la semaine dernière. Un énorme convoi de véhicules s’étire sous l’œil des satellites. La colonne est longue de plusieurs dizaines de kilomètres et progresse très lentement et prudemment.

Mais les Russes ne craignent apparemment pas de concentrer de telles forces. Ils seront rassurés par les nouvelles venues des pays européens qui livrent des armes à l’Ukraine: la Slovaquie et la Bulgarie, pressenties pour faire don de jets à l’Ukraine, ont démenti Bruxelles qui avait fait des promesses lundi. La Pologne est aussi évasive sur ce point. La Russie continue donc d’avoir la maîtrise du ciel ukrainien, même si elle n’est toujours pas totale.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky réclame que les pays de l’OTAN imposent une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine. Cela impliquerait d’affronter directement les chasseurs russes. Les pays de l’alliance atlantique veulent à tout prix éviter. Un débat qui a des précédents. L’opposition syrienne avait réclamé un tel parapluie aérien des pays occidentaux. Las, les bombardements du régime syrien sur les villes lui échappant ont continué jusqu’à ce qu’elles tombent les unes après les autres. L’imposition d’une zone d’exclusion aérienne est devenue illusoire quand Vladimir Poutine est venu au secours de Bachar el-Assad en 2015.

Les avions russes ont ensuite bombardé les zones encore tenues par les rebelles syriens, y compris les hôpitaux. En 2016, les derniers combattants sont évacués d’Alep après des bombardements intensifs. Deux ans plus tard, les derniers faubourgs de la capitale Damas sont repris après un interminable siège.

Se préparer au pire

Ce scénario peut-il se répéter en Ukraine? La Russie connaît bien ces tactiques de siège, même si elles avaient commencé à être mises en place par le régime syrien avant l’intervention de Moscou. En Ukraine, la Russie a commencé à manier la carotte et le bâton. Elle promet des corridors humanitaires aux habitants de Kiev piégés dans la capitale. En même temps, elle prévient de frappes «ciblées sur des objectifs militaires». L’une d’elles a visé la tour de la télévision à Kiev, faisant cinq morts civils, selon les autorités ukrainiennes. Avant l’invasion, la ville comptait 3 millions d’habitants. On ignore combien il en reste aujourd’hui alors que l’exode se poursuit.

Les organisations humanitaires supplient d'épargner les civils conformément aux Conventions de Genève. Chercheuse spécialiste de la Syrie à l’Institut européen de la paix à Bruxelles, Emma Beals prévient les humanitaires: «Il faut se préparer au fait que des bombardements indiscriminés de zones résidentielles auront lieu. Des infrastructures humanitaires seront aussi délibérément visées. Il faut les mettre dans des abris», écrit-elle sur Twitter. Elle appelle aussi à évacuer aussi vite que possible la population des villes ukrainiennes avant qu’elles soient totalement encerclées. Ensuite, les organisations humanitaires doivent se préparer à des négociations inextricables pour accéder aux zones assiégées.

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Ce mardi, l’ONU lançait un appel de fonds pour répondre aux immenses besoins générés par la guerre en Ukraine. L’ONU sollicite 1,7 milliard de dollars. Un tiers doit servir à aider les pays limitrophes, au premier rang desquels la Pologne, qui ont accueilli jusqu’ici 670 000 réfugiés. Au rythme des arrivées, cet afflux dépassera celui des Syriens quand l’Allemagne avait ouvert ses frontières. Le mouvement de la Croix-Rouge et le CICR veulent récolter 250 millions de francs pour venir en aide aux Ukrainiens. Mais les responsables humanitaires admettent que sans accès à la population, ces plans resteront théoriques.