Madagascar : après deux cyclones, des communautés de Mananjary privées d’accès aux soins

Une maison du district de Mananjary partiellement détruite par le cyclone Batsirai. 20 février 2022, Madagascar.
Une maison du district de Mananjary partiellement détruite par le cyclone Batsirai. 20 février 2022, Madagascar. © Alice Gotheron/MSF

Entre le 5 et le 22 février, les cyclones Batsirai et Emnati ont balayé la côte est de Madagascar, entraînant la destruction de nombreux centres de santé. Plus de 150 000 personnes sont actuellement sinistrées. Sur place, les équipes d’urgence de Médecins Sans Frontières peinent à se rendre dans certaines zones rurales isolées où les communautés ont un accès très limité aux soins et aux services de base.

En tout, il faut près de deux heures aux équipes d’urgence de MSF pour parcourir les 20 kilomètres qui séparent la ville de Mananjary, où elles se sont déployées à la suite du premier cyclone Batsirai, de Mahatsara Iefaka. Le toit du centre de santé de la commune ainsi que les panneaux solaires assurant son approvisionnement en électricité ont été arrachés. 

« Avant les cyclones et la destruction de la structure de santé, des consultations avaient lieu tous les jours ici. C’est la première fois que je reviens en trois semaines », explique Nicole Vololoniaina. Sage-femme, elle travaille depuis 18 mois au centre de Mahatsara Iefaka et accompagne ce jour-là les équipes MSF qui fournissent des consultations aux habitants venus en nombre dans l’école publique communale où elles se sont installées. Depuis près d’un mois, la population locale n’a pas eu accès aux soins.

Dégâts dans la ville de Mananjary, frappée de plein fouet par le cyclone Batsirai le 5 février 2022. 18 février 2022, Madagascar.
 © Ahmed Jerry Takiddine Sadouly/MSF
Dégâts dans la ville de Mananjary, frappée de plein fouet par le cyclone Batsirai le 5 février 2022. 18 février 2022, Madagascar. © Ahmed Jerry Takiddine Sadouly/MSF

Sur les 37 consultations effectuées ce jour-là, un enfant de 9 mois présente un abcès fistulisé : sa jambe est trouée en deux endroits et sans traitement antibiotique, il risque un choc septique. « L’abcès est déjà une complication de la plaie d’origine. Son état s’est détérioré parce qu’il ne pouvait pas être pris en charge de façon adéquate, détaille le Dr Johnson Heritiana, qui travaille pour MSF. Ses parents l’ont emmené dans un dispensaire à Mananjary où il a reçu trois doses d’antibiotiques payantes. Ce traitement était insuffisant, mais après le cyclone, leur priorité était de reconstruire le toit de leur maison et de trouver de l’eau et de la nourriture. Ils n’ont pas les moyens de payer à nouveau des frais médicaux ». L’enfant et sa mère ont été emmenés par les équipes MSF à l’hôpital Sainte-Anne, à Mananjary, où il a été pris en charge.

Reconstruire deux fois

La plupart des personnes sinistrées ont réussi à réparer leur maison après le passage de Batsirai. Mais les matériaux de construction sont devenus rares et chers, et aujourd’hui elles n’ont plus les moyens de remettre à nouveau en état leur habitation. 

Le centre de santé de Mahatsara Iefaka, dans le district de Mananjary, partiellement détruit après le passage des cyclones Batsirai et Emnati. 25 février 2022, Madagascar.
 © Alice Gotheron/MSF
Le centre de santé de Mahatsara Iefaka, dans le district de Mananjary, partiellement détruit après le passage des cyclones Batsirai et Emnati. 25 février 2022, Madagascar. © Alice Gotheron/MSF

« Beaucoup ont été blessées lors du premier cyclone, à cause du bois et des tôles qui ont été arrachées, continue Nicole Vololoniaina. Les personnes sans-abri tombent malades, elles toussent, on constate aussi des cas de diarrhées à cause de la consommation de l’eau polluée de la rivière ».

Les équipes ont également pris en charge des infections respiratoires, des cas de paludisme et de maladies chroniques. « Sur 19 personnes testées, onze sont positives au paludisme et il s’agit seulement de celles présentant des symptômes, explique le Dr Johnson Heritiana. C’est la saison habituelle du pic de paludisme, mais les eaux stagnantes consécutives aux cyclones ont aggravé la situation ».

Une situation déjà précaire

Dans le district de Mananjary, l’accès à l’eau, à la nourriture et aux services de base était déjà précaire bien avant ces deux catastrophes. « Nous avons identifié environ 20 enfants malnutris dans la commune, explique la sage-femme. Faute de traitement disponible, nous les avons transférés à Mananjary. Ils doivent marcher plus de trois heures pour atteindre la ville. Nombreux sont ceux qui n’y vont pas car ils pensent que le traitement sera payant ». 

Les difficultés d’accès aux soins ne sont pas récentes dans la région, mais la destruction du centre de santé et la détérioration de la route principale ne font qu’isoler davantage Mahatsara Iefaka. Logistiquement, les ONG peinent à s’y déployer et doivent utiliser tous les moyens de transport disponibles, de la pirogue à la marche à pied, pour s’y rendre et évaluer les besoins. 

D’autres zones plus reculées sont encore privées de toute assistance humanitaire et les télécommunications sont toujours défaillantes dans de nombreux endroits. Les équipes ont réalisé plus de 250 consultations dans les zones rurales du district de Mananjary depuis le début de leur intervention, auxquelles s’ajoutent plus de cent consultations quotidiennes dans les tentes montées par MSF à l’hôpital public de Mananjary, détruit par le cyclone Batsirai. 

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