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Face à la guerre en Ukraine, des jeunes Russes manifestent… au risque de «gâcher» leur avenir

Honte, rage, douleur : de jeunes Russes, qui n’ont jamais connu d’autre dirigeant que Vladimir Poutine, se disent horrifiés et sans voix au chapitre depuis sa décision d’envahir l’Ukraine il y a une semaine.

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L’univers de Maria, 21 ans, s’est écroulé au petit matin du 24 février, lorsqu’elle a appris que son pays lançait ce qui est présenté comme une «  opération spéciale » en Ukraine, destinée à protéger la Russie de la menace occidentale et les russophones d’un «  génocide ».

Depuis, elle s’efforce de «  chercher une logique » dans ce qui s’est passé. Peine perdue : «  Mon système de valeurs s’écroule », résume la jeune femme, désemparée.

Tous les jours, Maria va manifester contre la guerre, avec des centaines d’autres Moscovites, sans slogan ni pancarte, pour éviter d’être emprisonnée : «  Mais les hommes politiques ne voient pas les gens comme moi, qui pensent autrement », estime la jeune femme, qui vient d’abandonner ses études.

Nombre de jeunes de sa génération se sentent «  trahis » par le Kremlin qui «  refuse de les voir et de les écouter ».

Pas écoutés, invisibles

«  Manifester est aujourd’hui une décision qui mérite réflexion, étant donné le risque de se voir infliger de lourdes amendes, d’être molesté (par la police) ou d’aller en prison », explique Liza, une étudiante de 20 ans.

Trop souvent, «  sortir manifester signifie gâcher sa vie », ajoute cette intellectuelle mince et élégante, qui dit se sentir «  toute petite et invisible pour le système ».

«  Je n’ai jamais voté pour Poutine. Personne n’a demandé mon avis (…) sur cette guerre que je finance avec mes impôts », souligne-t-elle.

«  Ni respectée, ni entendue », elle veut quitter la Russie avec son compagnon, Evguény.

«  Cette guerre me fait du mal comme jamais », renchérit ce dernier, qui juge «  toute protestation déjà inutile ».

Horrifié par les «  sombres perspectives qui attendent les Russes (…), peuple paria », et redoutant entre autres une mobilisation générale dans son pays, il est désormais sur le point de partir vers la Géorgie.

Chez Elizaveta, 28 ans, diplômée d’une prestigieuse université, «  la rage et la douleur » dominent « comme s’il y avait eu un décès dans (sa) famille ».

Elisaveta a renoncé à faire une carrière dans la fonction publique après l’annexion par Moscou de la péninsule ukrainienne de la Crimée en 2014, préférant devenir interprète indépendante.

« On ne choisit pas son pays »

Piotr, 20 ans, est conscient que la carrière dans le cinéma dont il rêve partira en fumée s’il est arrêté lors d’une des manifestations anti-guerre qu’il filme.

«  Mais y aller est mon devoir civique et professionnel », estime le jeune homme qui se reproche par ailleurs de ne pas avoir protesté contre l’«  assassinat par les forces de Kiev de 15.000 personnes » dans les régions séparatistes prorusses d’Ukraine, depuis le début du conflit en 2014.

Au fond, «  le pouvoir s’adresse à nous comme nos parents : ‘On sait ce qui sera le mieux pour vous’», s’agace Liza, 23 ans, «  m ais on ne choisit pas son pays, tout comme ses parents ».

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