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Guerre en Ukraine: "Mon pays et mon honneur sont plus importants que les ceintures", Usyk raconte son engagement sur le front

Revenu au pays dès le déclenchement de la guerre pour s’engager auprès du bataillon de défense territoriale, Oleksandr Usyk a accordé une interview à CNN depuis Kiev, capitale assiégée d’une Ukraine frappée par les forces russes. Le boxeur champion du monde IBF-WBA-WBO des lourds, qui devait accorder une revanche à Anthony Joshua dans les mois à venir, reconnaît ne plus avoir le cœur à penser au ring. Sans exclure de devoir tuer s’il le faut pour sa propre survie.

Il n’a pas hésité une seule seconde. Quand la guerre en Ukraine a été déclenchée par la Russie le 24 février, Oleksandr Usyk était à Londres pour tourner des séquences pour un jeu vidéo et discuter des détails de la revanche contre Anthony Joshua après lui avoir pris les ceintures IBF-WBA-WBO des lourds en septembre. Mais pas question de rester planqué. Son esprit a vite basculé vers un retour au pays. Alors qu’il devait rentrer chez lui en avion quelques heures plus tard, la fermeture des aéroports l’a obligé à décoller pour Varsovie, en Pologne, avant d’effectuer près de 800 kilomètres en voiture pour atteindre Kyiv, capitale assiégée d’un pays assiégé.

Il a ensuite décidé de prendre les armes en rejoignant le bataillon de défense territoriale comme son grand ami (les deux sont parrains des enfants de l’autre) Vasiliy Lomachenko, champion olympique en 2021 comme lui (Loma l’a aussi été en 2008) et champion du monde pro dans trois catégories, qui a de son côté dû rouler pendant neuf heures depuis Bucarest en Roumanie avant de prendre un ferry pour arriver en Ukraine. Loin, très loin des rings et de ce nouveau choc attendu contre Joshua pour lequel les discussions étaient "très avancées" dixit Egis Klimas, son manager mais aussi celui de Lomachenko (qui a appris leur engagement dans les forces armées une fois qu’ils avaient déjà rejoint ces dernières).

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"Je ne sais pas quand je reviendrai dans le ring, lance Usyk dans une interview exclusive accordée à CNN via visio depuis un sous-sol de Kyiv. Mon pays et mon honneur sont plus importants que les ceintures de champion." La situation est terrible, pesante. Mais l’ancien champion unifié à quatre ceintures des lourds-légers, qui s'implique dans le conflit comme l'ont aussi fait les célèbres frères anciens champions chez les lourds Vitali (maire de Kyiv) et Wladimir Klitschko et a diffusé plusieurs témoignages en vidéo sur les réseaux sociaux depuis le début du conflit, n’affiche aucune crainte. Juste la fierté d’être là pour soutenir les siens et son peuple. "Ça va paraître sentimental mais mon âme appartient à Dieu et mon corps et mon honneur appartiennent à mon pays et à ma famille. Je n’ai aucune peur, absolument aucune. Juste de l’incompréhension. Comment cela peut-il arriver au XXIe siècle?"

"S'ils viennent pour me tuer, je n'aurai pas le choix"

Habitué aux batailles sur le ring, Usyk explique que le noble art lui donne des armes mentales pour gérer au mieux ces moments où le pire peut arriver: "Cela m’a aidé à être calme et préparé mentalement. Et cela m’aide à soutenir ceux qui paniquent et sont très nerveux." Photographié arme à la main (et toujours chaussures de boxe aux pieds), le champion du monde des poids lourds se dit prêt à tout pour défendre la patrie face à l’armée russe mais aussi face aux possibles pilleurs qui voudraient profiter du chaos. Jusqu’à l'acte ultime. "S’ils veulent prendre ma vie ou celles de mes proches, je devrais le faire. Je n’en ai pas envie, je ne veux ni tirer ni tuer quelqu’un, mais s’ils viennent pour me tuer, je n’aurai pas d’autre choix."

Les mots sont forts. Comme la réalité du moment est difficile à vivre. "Les bombardements n’arrêtent pas. Ils viennent de pilonner la ville de Mariupol, un de mes amis a pris une roquette dans son toit. Les Russes ne jouent pas." Alors que la WBC, l’IBF et la WBO ont déjà décidé de ne plus sanctionner de combats avec des boxeurs russes, ce qui n’est pas le cas de la WBA (peut-être une conséquence de l’énorme choc à venir le 7 mai entre la superstar Saul "Canelo" Alvarez et Dmitry Bivol, champion WBA des mi-lourds de nationalité russe), Usyk refuse de s’embarquer sur cette voie: "Le peuple russe ne sait pas vraiment ce qui se passe ici. Ils ne voient pas ce qui se passe. Ils sont victimes de leur président."

Alors qu’il devait lui aussi être interviewé par CNN, Lomachenko – qui devait affronter le champion IBF-WBA-WBO-WBC Franchise des légers George Kambosos Jr pour ses ceintures en juin en Australie même si rien n’était encore signé – n’a pas pu être joint au téléphone par son manager à l’heure du rendez-vous. Mais Klimas a depuis confirmé au média américain qu’il était sain et sauf. Usyk, lui, explique tenter de détendre l’atmosphère pour les enfants quand il doit sa cacher dans des abris avec sa famille, ses amis et ses voisins: "On se force à s’amuser". Mais la conclusion, signée de son manager, rappelle la gravité de ce que ses clients Usyk et Lomachenko sont en position de vivre: "Ils sont en grand danger. Quand les balles se mettent à voler, elles se fichent de savoir si vous êtes champion du monde. Elles vous traversent."

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport