Munitions, drones, Rafale : en cas de guerre, la France pourrait manquer de moyens « au bout de 15 jours », alerte Christian Cambon

Munitions, drones, Rafale : en cas de guerre, la France pourrait manquer de moyens « au bout de 15 jours », alerte Christian Cambon

Le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat salue la volonté d’Emmanuel Macron « d’amplifier » le budget de la défense. Mais, pour Christian Cambon, « il faudra aller bien au-delà » de la hausse déjà prévue par la loi de programmation militaire. Il pointe le manque de munitions, mais aussi des besoins dans l’aviation.
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Face au « retour brutal du tragique dans l’histoire », comme l’a dit Emmanuel Macron mercredi soir, la France va renforcer son armée. « Nous ne pouvons pas dépendre des autres pour nous défendre », a prévenu le chef de l’Etat, « notre pays amplifiera donc l’investissement dans sa défense ».

Alors que la présidentielle est mise entre parenthèses, Valérie Pécresse entend faire de la question des forces armées françaises un enjeu de campagne. La candidate LR a annoncé ce jeudi matin vouloir muscler le budget de la défense à 50 milliards d’euros par an en 2025, puis à 65 milliards en 2030, soit « bien au-delà des 2 % du PIB ».

Au Sénat, Christian Cambon, le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense, demande depuis des mois un renforcement du budget de la défense. Il l’a fait encore mardi, lors du débat sur l’Ukraine. Si la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 prévoit bien de renforcer les moyens de l’armée, nous devons « aller plus loin » pour être capables de « faire face à des conflits de longue durée », a-t-il affirmé à la tribune. La LPM prévoit de consacrer 295 milliards d’euros entre 2019 et 2025. 198 milliards d’euros de crédits sont assurés de manière ferme sur la période 2019-2023.

Il manque plus de « 9 milliards d’euros »

Au lendemain de la prise de parole d’Emmanuel Macron, Christian Cambon se dit « satisfait ». Il attend cependant de voir pour la suite. Lors du débat sur l’actualisation de la LPM, en 2021, « on a chiffré à environ 9 milliards d’euros ce qui nous manquait », rappelle à publicsenat.fr le sénateur LR du Val-de-Marne, analyse que ne partageait par la ministre des Armées, Florence Parly. Le sénateur rappelle que « cette année, notre budget défense est de 40,2 milliards d’euros ».

Ces 9 milliards d’euros supplémentaires qu’évoque le sénateur, c’était avant l’invasion russe de l’Ukraine. « Au vu des nouveaux dangers qui se profilent avec l’attitude de la Russie, il faudra aller bien au-delà et renforcer tous les postes : celui des recrutements, des ressources humaines, mais aussi celui des équipements », soutient Christian Cambon. Alors que Florence Parly explique que l’armée réfléchit à la guerre de « haute intensité », la France serait-elle capable de faire face, et de répondre, en cas de conflit direct avec un autre Etat ? « Tout dépendrait de la durée. Au bout de 15 jours, on commencerait à avoir de vraies difficultés, peut-être avant sur certains équipements », alerte Christian Cambon…

« Sur les missiles, on est très courts »

Le président LR de la commission des affaires étrangères et de la défense liste les points à renforcer. « Le premier sujet est le plus urgent », lance-t-il. Ce sont les munitions. Sans elles, impossible de mener bataille. « La France est une armée tout à fait capable de protection, et sur la totalité des armes, mais malheureusement on risquerait dans un conflit plus important de ne pas tenir très longtemps à cause du manque de munitions, que ce soit les munitions spéciales ou classiques », explique Christian Cambon, et « sur les missiles asters et exocets, on est très courts ».

Le sénateur s’appuie sur « un exemple : dimanche après-midi, les Russes ont tiré en une minute ce que nos soldats utilisent en une année à titre d’entraînement ». Une situation qui « n’est pas la faute de ce gouvernement. Cela fait 20 ans que ça dure. On s’est un peu endormi sur nos lauriers, en pensant qu’il n’y aurait pas de conflit. On n’a pas suffisamment renouvelé notre stock ».

« Il faut remplacer au plus vite les 12 Rafale d’occasion vendus à la Grèce »

« Second effort », du côté de l’aviation, selon Christian Cambon. « Il faut remplacer au plus vite les 12 Rafale d’occasion vendus à la Grèce, et prélevés sur notre propre force aérienne. Or comme on en a 129, ça fait environ 10 % de nos avions, auxquels il faut ajouter les 6 ou 8 qu’on cède aussi à la Croatie », pointe-t-il, avant d’ajouter :

Il faut très rapidement renouveler notre flotte d’avions. Ça risque de nous manquer en cas de conflit.

Comme « on ne peut pas faire l’économie sur la sécurité du territoire, ni sur la dissuasion, c’est donc sur l’entraînement et les opérations extérieures que ça peut manquer », pense le sénateur LR.

Marine nationale : « Trou capacitaire entre 2024 et 2026 »

Troisième point, la marine française. « De la même manière, sur les trois frégates « go wind » que la Grèce nous a commandées, je crois qu’on doit en prélever deux sur quatre. Cela joue aussi sur notre équipement. Nous aurons un trou capacitaire entre 2024 et 2026, on va être un peu court ».

« Lutte contre le cyber et l’espace »

Le quatrième élément « est tout ce qui relève de la mise en condition opérationnelle : formation, équipement, ainsi que tout ce qui relève de la lutte contre le cyber et l’espace, sur lesquels il va falloir accélérer ». « On voit bien dans l’exemple ukrainien que la maîtrise du ciel et de l’espace cyber militaire est très important. C’est peut-être ce qui fait défaut à la Russie », selon le président de la commission.

Drones : « Il faut passer à la vitesse supérieure »

Christian Cambon ajoute une « cinquième priorité : les drones. On a encore des efforts à faire en matière de drone marine. On voit aussi l’importance des mini-drones pour l’armée de terre. Là aussi, il faut passer à la vitesse supérieure ».

Christian Cambon évoque enfin la dimension européenne. « Il faut profiter du drame qui touche l’Europe pour réfléchir plus profondément à ce que doit être l’Europe de la défense », dit-il. Au chapitre de l’investissement matériel, et alors que l’Allemagne a annoncé mettre 100 milliards d’euros sur la table pour moderniser son armée, il évoque « les équipements développés avec les Allemands », comme le char MGCS, remplaçant du Leclerc. Et surtout le projet d’avion de nouvelle génération « le Scaf, le chasseur connecté avec des drones ». Alors que ce dernier est source de tensions entre Français avec Dassault, et Allemands, le président de la commission des affaires étrangères pense qu’« il conviendrait de relancer une coopération plus largement européenne, et peut-être réintégrer nos amis britanniques et italiens, pour voir si on ne peut pas tous ensemble travailler. Il est encore temps ».

« Coopération européenne »

Reste un autre point sensible, l’arbitrage de l’exécutif entre les différents les budgets des ministères. Cette hausse des dépenses consacrées à la défense pourrait entraîner une baisse dans d’autres ministères, alors que la question du niveau des dépenses publiques va vite revenir en haut de la pile, dès le début du prochain quinquennat… « Peut-être faudra-t-il faire des économies sur d’autres sujets », reconnaît Christian Cambon, qui souligne que « la seule mise au point du Scaf, c’est 60 milliards d’euros. Il faudra trouver un gouvernement qui ait le courage de mettre le sujet sur la table ». Mais « face à l’énormité des sommes qui sont en jeu », le président de la commission « plaide vivement pour une coopération européenne ». S’il faut néanmoins faire des économies ailleurs, il faudra savoir où. Autrement dit, s’il faut se préparer à la guerre, ce serait au détriment de quoi ou de qui ? Un beau sujet de campagne présidentielle… ​​​​​​

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