Intermittents : le bras de fer avec le Medef continue

Deux syndicats ont refusé de signer l'accord sur l'assurance chômage. Les artistes mobilisent leurs troupes. Et comptent bien se faire entendre, à l'approche des festivals.

Par Joëlle Gayot

Publié le 19 avril 2014 à 00h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h12

Ils manifestent dans la rue et envahissent les plateaux télé. Les intermittents sont en colère. Depuis le 21 mars, date à laquelle patronat et syndicats (sauf la CGT et la CGC) ont conclu l'accord sur l'assurance chômage, ils se mobilisent tous azimuts pour en dénoncer les dangers. Madeleine Louarn, présidente du très puissant Syndeac (Syndicat des entreprises artistiques et culturelles), est catégorique : « Cet accord est le moyen de réaliser des économies sur le dos des plus pauvres. Il ne tient aucun compte des propositions que nous avions élaborées et qui permettaient de transformer notre régime d'assurance chômage en un système vertueux et pérenne. » Exit, donc, les préconisations qui remettaient pourtant tout à plat, traquaient les dérives et les abus. Certes, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, s'est félicitée du maintien des annexes 8 et 10 de l'Unedic, destinées respectivement aux techniciens et aux artistes. Précieuses annexes qui assurent à ces intermittents une continuité de ­revenus en leur permettant de cumuler chaque mois salaire et chômage calculé au prorata du temps de travail effectué. Mais Samuel Churin, porte-parole de la Coordination des intermittents et précaires, ne voit dans ce maintien qu'une entourloupe de plus du Medef dont l'objectif, à terme, « est de flinguer [le] système. Il n'est pas question dans le combat que nous menons actuellement d'exception culturelle mais de défense des droits sociaux ».

Parmi les mesures prévues, deux mettent le feu aux poudres car, une fois appliquées, elles durciront considérablement les conditions de vie des intermittents. D'un côté, la hausse des cotisations sociales : « Les petites compagnies dont les subventions sont limitées et qui sont celles qui emploient le plus grand nombre de personnes vont devoir payer 2 % de plus. Elles n'y survivront pas », plaide Madeleine Louarn. De l'autre, le différé d'indemnisation, un délai de carence durant lequel le chômeur ne touche rien puisqu'il sépare sa période de travail du début de son indemnisation. Ce délai, qui était jusque-là de deux ou trois jours, passera à une trentaine de jours, voire davantage. Encore une fois, les moins aisés seront les plus pénalisés. L'une après l'autre, toutes les strates d'un régime vulnérable à l'équilibre complexe sont ébranlées par les politiques d'économie mises en oeuvre. Pierre-Michel Menger, sociologue, s'interroge sur cette grogne persistante : « Ce qui se passe actuellement est un jeu de rôle classique. Le Medef agite la menace de la suppression pure et simple des annexes 8 et 10, puis il fait marche arrière et opère des modifications ­paramétriques. La CGT appelle à la mobilisation et la lutte ­s'engage. Ce qui m'étonne, c'est que les employeurs des inter­mittents envoient les salariés au front et ne viennent jamais à la table des négociations. Or ce sont eux les vrais bénéficiaires de ce dispositif, puisqu'ils peuvent recruter et licencier sans ­aucune autre forme de procès. Le déficit de l'Unedic est une bombe. On ne peut pas rester sans rien faire. Il est normal que des efforts soient demandés à tout le monde. »

Rebsamen, l'espoir d'une solution

Ces efforts, les intermittents ont l'impression de les fournir, et sans contrepartie. Lassés de voir s'accumuler malentendus et contrevérités, ils veulent remettre les pendules à l'heure : « Ce qui fait chuter la courbe de l'Unedic, c'est la recrudescence du chômage chez les emplois longs. Donc la crise ! Pourquoi ne parle-t-on jamais des recettes que notre secteur d'activités génère ? » s'insurge Samuel Churin. « On ne coûte pas plus cher que les autres. Certains veulent faire passer la culture pour une caste de privilégiés. Mais, en cinq ans, les ­artistes ont perdu en moyenne 20 % de leur salaire », renchérit Madeleine Louarn, qui espère voir l'accord retoqué par le nouveau ministre du Travail, François Rebsamen : « On fait pression pour qu'il ne l'agrée pas. Jusque-là, il a toujours été à nos côtés. » Le bras de fer est engagé. Le spectre de l'été 2003, qui avait vu l'annulation des festivals, se profile. Onze ans plus tard, le scénario va-t-il se répéter ?

Cher lecteur, chère lectrice, Nous travaillons sur une nouvelle interface de commentaires afin de vous offrir le plus grand confort pour dialoguer. Merci de votre patience.

Le magazine en format numérique

Lire le magazine

Les plus lus