Zénobie, la reine rebelle qui a défié Rome

Cette reine de Palmyre a conquis l'Égypte avant de prendre d'assaut des provinces romaines, faisant de son royaume un empire aussi puissant que Rome.

De David Hernández de la Fuente
Ce tableau de 1888 d'Herbert Gustave Schmalz restitue le moment où Zénobie, reine de Palmyre qui a conquis l'Égypte et plusieurs provinces romaines, doit finalement se soumettre à l'autorité romaine et rendre son empire.
PHOTOGRAPHIE DE Fine Art Images, AGE Fotostock

Palmyre au IIIe siècle de notre ère n'était que splendeur, culture et pouvoir. Capitale cosmopolite de la province romaine du même nom, elle jouxtait les frontières orientales de l'empire, terrain de l'ambitieux jeu de pouvoir de la reine Zénobie.

Au milieu du IIIe siècle après J.-C., l'Empire romain était embourbé dans une crise politique et économique, ses frontières étaient constamment attaquées et son centre peinait à se maintenir. La capture en 260 de l'empereur Valérien par les Perses avait conduit les Romains à un désarroi plus grand encore. En Europe, les Gaulois ont commencé à défier Rome. Affaibli, l'empire faisait face à des menaces sur tous les fronts. À l'est, Zénobie y vit l'opportunité d'étendre son pouvoir : il y avait là un empire à conquérir.

Palmyre coopérait depuis longtemps avec Rome, ce qui assurait de nombreux avantages à ce royaume du désert. Située au milieu de la Syrie moderne, à environ 210 kilomètres au nord-est de Damas, Palmyre était prospère depuis sa mise sous contrôle romain au Ier siècle après J.-C. Au carrefour du monde méditerranéen sous la domination de Rome et des grands empires d'Asie, elle avait une importance stratégique et économique évidente.

Escale obligatoire pour les marchands qui traversaient les déserts, la richesse qui inondait Palmyre donnait à ses dirigeants les moyens d'embellir leur ville, et la confiance corollaire à un rayonnement régional. Connue comme la « perle du désert », la ville oasis était connue pour ses magnifiques bâtiments, comme son Arc de Triomphe et son impressionnant théâtre. Au milieu du IIIe siècle, l'empire palmyrène jouissait déjà d'une certaine indépendance, même s'il était encore un État au sein de l'Empire romain. C'est cet état de fait que Zénobie entendait changer.

 

LA CONQUÊTE DE L'ÉGYPTE

La vie de Zénobie a fait l'objet de nombreuses spéculations académiques. Selon l'Histoire Auguste, recueil de biographies d'empereurs romains composé en latin au cours de l'Antiquité tardive, romancé et peu fiable, Zénobie était affiliée aux Ptolémées d'Egypte et à Cléopâtre. Les historiens orientaux, dont le Perse al-Tabari, écrivaient au 9e siècle que Zénobie n'était pas Grecque mais d'origine arabe. Les historiens modernes s'accordent quant à eux à dire que la reine de Palmyre ne descendait pas des Ptolémées mais très probablement d'une influente famille palmyrène dans laquelle elle avait reçu une bonne éducation.

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    En consolidant les conquêtes de son époux contre les Perses, Zénobie profite dès 268 de la faiblesse impériale romaine, en annexant des pans de la Syrie moderne, la Turquie et l'Egypte.
    PHOTOGRAPHIE DE NG Maps

    Peu de choses en somme sont connues de son éducation. S'appuyant sur des sources de l'Empire romain, l'historien britannique du 18e siècle Edward Gibbon a fait une description détaillée de la reine dans L'histoire du déclin et la chute de l'Empire romain :

    L'Europe moderne a produit plusieurs femmes illustres qui ont soutenu avec gloire le poids de l'empire. Notre âge n'est pas non plus dépourvu de caractères aussi distingués... Zénobie est peut-être la seule femme dont le génie supérieur a brisé l'indolence servile imposée à son sexe... Zénobie était considérée comme la plus belle et la plus héroïque de son sexe... Sa compréhension virile a été renforcée et ornée par l'étude. Elle n'ignorait pas la langue latine, mais possédait à la perfection le grec, le syriaque et les langues égyptiennes.

    Zénobie a épousé Odénat, un Arabe romanisé et souverain de Palmyre. Régnant dès 263, Odénat a défendu avec succès Palmyre des Perses, galvanisé par leur victoire sur l'empereur Valérien. Restant loyal à Rome, du moins en apparence, Odénat réussit à percer les lignes perses et à les forcer à se replier dans leurs terres.

    Un tétradrachme représentant le visage de Zénobie, frappé à Alexandrie vers 274 après Jésus-Christ, l'année probable de sa mort.
    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    Dès le début, Odénat prétendait agir pour le compte de Rome, mais il devint bientôt clair qu'il voulait s'établir comme le « monarque de l'Est ». Compte tenu de la position délicate de Rome, le nouvel empereur, Gallienus, n'avait guère d'autre choix que reconnaître le puissant statut d'Odénat, qui a par ailleurs été couronné « roi des rois » par son propre peuple. Palmyre aurait pu devenir la capitale d'un nouvel empire, mais ce ne fut pas le cas. Les ambitions d'Odénat ont été contrecarrées par une intrigue de cour en 267. Au retour d'une campagne contre les Goths en Cappadoce (actuelle Turquie), un de ses parents l'a assassiné.

    Le moment de Zénobie était enfin arrivé. Vaballath, le fils qu'elle avait eu avec Odénat, était l'héritier du trône et aurait dû détenir la réalité du pouvoir. Mais il n'était encore qu'un enfant. Zénobie s'est auto-proclamée régente, ce qui lui a permis de prendre le contrôle des territoires de l'est, récemment pris aux Perses. Elle a fait exécuter les responsables de la mort de son mari, avant de déclarer que Palmyre et ses domaines n'étaient dorénavant plus soumis à l'Empire romain et son empereur. 

    Zénobie a su profiter du moment de faiblesse de l'Empire romain. Elle méprisait l'empereur Gallien et ses généraux, qui ne surent l'arrêter. Quand le prochain empereur romain - pour une courte période, Claudius Gothicus, accéda au pouvoir, il n'avait d'autre choix que de reconnaître la souveraineté de cette puissante reine. Zénobie avait atteint son but : faire de Palmyre l'égal de Rome.

    Petit à petit, avec habileté et grâce aux conseils avisés de ses proches conseillers, Zénobie a consommé la rupture avec Rome. Gardant les Perses à l'écart à l'est, elle a annexé divers États voisins, dont toute la Syrie et la majeure partie de l'Anatolie (l'actuelle Turquie). En 269, elle envoya ses troupes en Égypte et parvint à s'emparer d'Alexandrie. En 270 ans, elle avait pris le contrôle de toute l'Egypte, de ses richesses et du grain qu'elle fournissait à Rome. Son empire semblait imprenable.

     

    RENCONTRER SON ÉGAL

    L'empereur romain suivant, Lucius Domitius Aurelianus, était un adversaire très différent. Arrivé pouvoir en 270, Aurélien avait pour lui une discipline militaire forgée au combat le long des frontières impériales. Sa férocité sur la ligne de front était légendaire. Pendant les quatre brèves années de son règne, ce soldat endurci gagna la guerre commencée par ses prédécesseurs contre les Goths, repoussa une invasion barbare dans le nord de l'Italie et rétablit la domination romaine dans les provinces rebelles en Gaule, en Grande-Bretagne et en Hispanie.

    Un buste du IIIe siècle représente l'empereur Aurélien, l'antagoniste principal de Zenobia.
    PHOTOGRAPHIE DE Dagli Orti, Dea, Album

    Le pouvoir grandissant de Zénobie et son mépris total de l'autorité romaine, notamment lorsqu'elle désigna en 271 son propre fils comme le nouveau César, ne pouvaient qu'attirer l'attention d'Aurélien. 

    Aurélien répliqua, reprenant un territoire à Zénobie alors que ses légions progressaient à travers l'Asie Mineure. Près d'Antioche, son armée de 70 000 hommes prit position, mais après que les forces d'Aurélien les eurent vaincu, les soldats restants se sont retirés à Palmyre. Les légions d'Aurélien les poursuivirent et arrivèrent aux murs de la ville en 272.

    Selon certaines sources, Zénobie a tenté de fuir le siège de Palmyre sur un dromadaire. Capturée par les troupes romaines, elle fut amenée devant l'empereur Aurélien, une scène représentée dans ce tableau de 1717 par Giovanni Battista Tiepolo. Plaidant pour sa vie, Zénobie aurait blâmé l'un de ses conseillers pour la politique anti-romaine qu'elle menait. Le conseiller en question, le philosophe d'origine grecque Cassius Longinus, aurait alors été exécuté par l'empereur Aurélien.
    PHOTOGRAPHIE DE Oronoz, Album

    Ils assiégèrent Palmyre, mais Zénobie pensait que ses archers et sa cavalerie pourraient les repousser. Si cela ne fonctionnait pas, peut-être que les Romains succomberaient à la faim et au climat désertique sans pitié. Selon l'Histoire Auguste, la reine leur a envoyé un message plein de défi : « De Zénobie, Reine de l'Est, à Aurélien Auguste... Vous exigez ma reddition comme si vous ignoriez que Cléopâtre préférait mourir reine plutôt que de rester en vie, quel que fut son rang. »

    Piqué par cette rebuffade, qui plus est venant d'une femme, Aurélien redoubla d'efforts pour prendre la ville. En désespoir de cause, la reine tenta de fuir vers l'est en direction de la Perse, mais elle fut capturée - l'Histoire Auguste le rapporte - lorsqu'elle atteint l'Euphrate. La ville s'est rapidement rendue.

    La Vallée des Tombes de Palmyre est composée de chambres funéraires distinctives. Reflétant le riche patrimoine culturel de la ville, beaucoup ont été décorés avec des peintures, des reliefs et des statues. Le Tombeau des Trois Frères (ci-dessus) datant du deuxième siècle pouvait contenir plus de 300 corps et était décoré avec des scènes du poème épique d'Homère, L'Iliade .
    PHOTOGRAPHIE DE Targa, AGE Fotostock

    L'HÉRITAGE DE ZÉNOBIE

    Tout comme sa naissance, les circonstances exactes de la mort de Zenobia sont incertaines. Certaines sources arabes disent qu'elle s'est suicidée pour éviter d'être capturée. Des sources romaines prétendent qu'Aurélien, ne voulant pas mettre une femme à mort, l'aurait emmenée en captivité à Rome. La reine, disait-on, avait toujours rêvé de visiter Rome, « et cet espoir ne resta pas insatisfait » écrivait ironiquement l'Histoire Auguste : « car elle entrait en effet dans la ville... mais vaincue. »

    Certaines sources affirment qu'elle a été décapitée à Palmyre. D'autres encore racontent qu'elle a épousé un sénateur romain et a terminé sa vie en matrone romaine. 

    Quoi qu'il en soit, Zénobie a captivé l'imagination de générations d'écrivains, fascinés par les exploits de cette puissante reine qui est parvenue à défier Rome.

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