L’Arcom demande le blocage de sites pornographiques, encore trop facilement accessibles aux mineurs

Après un rappel à l'ordre, en vain, l'Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) tape du poing sur la table. [AndrewFall/Shutterstock]

Le régulateur français de l’audiovisuel a saisi la justice pour demander le blocage de cinq sites pornographiques, mis en demeure depuis la mi-décembre pour leur manquement face aux obligations de veiller à ce qu’un public mineur ne puisse pas accéder à leurs contenus.

Après un rappel à l’ordre, en vain, l’Autorité publique française de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) tape du poing sur la table.

Son président, Roch-Olivier Maistre, a décidé mardi (8 mars) de saisir le tribunal judiciaire de Paris pour qu’il ordonne aux principaux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès à cinq sites pour adultes : « Pornhub », « Tukif », « Xhamster », « Xnxx » et « Xvideos ».

Depuis la loi du 30 juillet 2020, la seule déclaration de majorité à valider d’un clic à l’entrée d’un site pornographique (les fameux disclaimers) n’est plus considérée comme suffisante pour restreindre l’accès aux personnes mineures.

Cette saisie de la justice française par le régulateur fait suite à une série de mises en demeure, le 13 décembre dernier, où il avait été laissé 15 jours à ces sites pour se mettre en conformité.

Contacté par EURACTIV, Pornhub avait à l’époque indiqué s’être consacré « au développement de garanties de pointe pour la protection de sa communauté » et que « les régulateurs français devraient s’efforcer d’imiter cet engagement, plutôt que de mettre en œuvre des plans qui empiètent sur la vie privée des adultes et laissent de vastes pans de l’industrie des contenus pour adultes totalement incontrôlés ».

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Pornhub suggère au Conseil Supérieur de l’Audiovisuel de plutôt se concentrer sur « les vastes pans de l’industrie totalement incontrôlés », après que l’autorité a adressé des avertissements à plusieurs sites, au motif que leur contenu est trop facilement accessible aux mineurs.

Si le tribunal judiciaire de Paris donnait raison au régulateur, ces cinq sites pornographiques ne devraient plus être accessibles à partir du territoire français. Les personnes cherchant à consulter leurs pages seraient redirigées vers une nouvelle page d’information expliquant le motif de ce blocage.

Le président de l’Arcom prévient d’ores et déjà qu’il se réserve le droit de saisir à nouveau la justice française si des « sites miroirs » — des sites répliquant le contenu des sites bloqués — devaient voir le jour ainsi que le droit d’exiger le déréférencement de ces adresses par les moteurs de recherche.

L’Arcom a également précisé qu’elle avait adressé une demande d’observations à l’éditeur des sites Youporn et Redtube, le menaçant d’une mise en demeure pour les mêmes raisons.

Vérification de l’âge

La question de l’accès à du contenu pornographique par les mineurs, et plus spécifiquement celle des moyens techniques pour y palier, fait débat depuis plusieurs mois en France.

En juin, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) avait prévenu que « la vérification de la majorité d’âge par les éditeurs diffusant eux-mêmes des contenus pornographiques ne doit pas les conduire à collecter des données directement identifiantes de leurs utilisateurs ».

Cette collecte d’informations sur « leur orientation sexuelle, réelle ou supposée » contreviendrait au Règlement général sur la protection des données (RGPD), estimait le gendarme de la vie privée.

Dans sa réponse à EURACTIV, Pornhub disait miser beaucoup sur « les technologies de contrôle parental disponible », « moyen le plus efficace et le plus pratique d’empêcher les mineurs de regarder des contenus pour adultes, tout en protégeant la vie privée des utilisateurs ».

Le 17 février dernier, les députés et les sénateurs français se sont justement mis d’accord sur la future loi imposant l’installation d’un contrôle parental par défaut sur les équipements destinés à être utilisés en ligne comme les tablettes, PC, smartphones, consoles de jeux, etc.

Cet outil ne sera pas installé par défaut, mais son activation sera proposée aux utilisateurs lors de leur première utilisation. La version finale du texte prévoit également toujours que les données personnelles des mineurs « collectées ou générées lors de l’activation » ne pourront pas être utilisées à des fins commerciales.

Les élus ont également décidé que cette obligation d’installation ne s’appliquera pas aux équipements mis sur le marché sans système d’exploitation. En revanche, elle s’appliquera aux équipements d’occasion — les revendeurs devront donc s’assurer de la présence d’un contrôle parental.

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