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Teun Hocks, marchand de rêves, 1947-2022

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Le week-end dernier, le photographe néerlandais Teun Hocks est décédé des suites d’une longue maladie. Il fait partie des meilleurs au monde et jouissait d’une reconnaissance internationale, même si, étrangement, il a parfois obtenu plus de reconnaissance aux États-Unis qu’aux Pays-Bas.

Teun Hocks a travaillé entre Saint-Pierre-les-Bois (région Centre – Val de Loire, France) et les Pays-Bas. Il était connu pour ses « tableaux-photos », résultat d’un processus créatif complexe… Le point de départ de son travail était généralement un incident ou une observation fortuite qu’il consignait dans un croquis. Ce croquis était transformé dans son studio en un décor grandeur nature avec tous les accessoires nécessaires, qu’il créaient également si nécessaire. Il prenait ensuite place dans le décor pour la réalisation avec un appareil Horseman 6 x 9. Le tirage grand format baryté est coloré en sépia, et ce n’est qu’ensuite qu’avait lieu la phase finale : le tirage peint en transparence avec de la peinture à l’huile, très méticuleusement avec un tampon d’ouate attaché à un cure-dent. Il en résultait des tableaux photographiques uniques, dont trois exemplaires étaient toujours destinés à des galeries. Il me semble que Teun Hocks ait été tiraillé en permanence entre l’unicité et la reproduction, entre la photographie et la peinture – peinture qui, par ailleurs, apparaît très souvent comme le sujet de ses tableaux.

Le jeune Teun a étudié l’art à l’académie St Joost (Breda – aujourd’hui Avans Hogeschool) où il a obtenu son diplôme en 1970. À cette époque, la photographie n’était pas encore considérée comme un moyen d’expression à part entière, mais il avait lui-même fait l’expérience des possibilités de ce médium à la maison – son père était un amateur de photo enthousiaste.

Après ses études, Hocks a commencé à travailler et faire des performances, des films, de la peinture et de la photographie sous l’influence du pop art. Il a commencé à peindre ses images photographiques, ce qui reste le fil conducteur de son œuvre.

Une deuxième caractéristique : tout comme Cindy Sherman, Teun Hocks n’a eu qu’un seul sujet tout au long de sa carrière, lui-même. Parfois, il se dédoublait, ou utilisait une poupée qui le représentait. Mais ne vous méprenez pas : ce n’est pas la vanité qui était à l’origine de cette démarche, bien au contraire.

Ce qui l’inspirait, ce sont les petites contrariétés de la vie quotidienne, l’impuissance de tous les jours, les frustrations insignifiantes, les accès de colère insensés qui paraissent comiques au spectateur, les accidents ordinaires. C’est un miroir de notre existence, sans prétention, banal. Tout aussi banal que son alter ego, un petit bourgeois toujours bien habillé. C’est un Elckeryck, un Everyman (une figure du théâtre moraliste médiéval), un monsieur Tout-le-Monde.

L’artiste n’a pas seulement travaillé dans son atelier, certaines pièces ont été présentées au public à une autre échelle : les chemins de fer allemands ont enveloppé une locomotive avec l’œuvre Sans titre de 1990 sous la bannière « Die Bahn Verbindet » ou « Les chemins de fer connectent », Comprendre la societé 2013 est devenu une tapisserie dans l’Aula de l’Université de Tilburg, et pour la Grote Kerk (église principale) de Dordrecht il a réalisé trois vitraux. Dans certaines de ses œuvres on retrouve un engagement, avec les sans-abri dans Sans titre 2008, et la question du climat dans Sans titre 2015 (Noyade).

Parfois chez Hocks on voit ici Goya – dans Les monstres de l’heure tardive de 1985, ou là Ensor où l’homme se tient devant un cabinet de curiosités plein de coquillages et masques dans Sans titre 2004, ou encore l’image du pauvre artiste se réchauffant devant son tableau (Sans titre 1989).

On peut trouver de nombreuses références dans l’œuvre de Hocks : la mélancolie des films de Buster Keaton, le surréalisme de René Magritte, le vaudeville de Charlie Chaplin, l’absurdité de Samuel Beckett, la parodie bienveillante de Jacques Tati, le jeu avec l’échelle des images d’Escher, la bande dessinée d’Hergé, les obsessions d’Ensor, les monstres de Goya, le désarroi de Charlie Brown de Peanuts et on pourrait continuer ainsi. Cette richesse de références ne fait que confirmer le caractère unique et contemporain de l’œuvre de Teun Hocks.

Il est l’ultime consolation pour l’être humain complaisant ou pour reprendre les mots de Moniek Toebosch prononcés à Breda en 1999 :

« Quand les autres artistes sont au bout du rouleau, il y a un Hocks absurde accroché quelque part, ne sait pas où aller, où commencer et certainement pas où finir, car son travail – pardonnez l’expression, est désespéré dans le sens le plus positif du terme – Hocks est le réconfort ultime… »

Teun Hocks était un artiste attachant, modeste, qui ne voulait pas expliquer ses images. C’était au spectateur d’en donner le sens. Michèle Schoonjans de la galerie éponyme de Bruxelles lui a dit adieu avec justesse par ces mots.

« Il est parti rejoindre les étoiles dans le ciel, en laissant derrière lui le souvenir d’un homme qui maniait l’humour avec subtilité et finesse »

Je ne peux que confirmer.

JohnDevos
johndevos.photo (a) gmail.com

 

DOCUMENTAIRE sur TEUN HOCKS (14’27 »)

Pieter Verhoeff – Hollandse meesters in de 21e eeuw – Teun Hocks 2011 (Maîtres néerlandais au 21e siècle)

https://www.youtube.com/watch?v=sF-JJKapEIY&t=7s

Reportage en néerlandais, cependant, ce n’est pas un obstacle pour le spectateur intéressé car les quelques lignes parlées peuvent être comprises grâce au contexte.

 

TEUN HOCKS est REPRÉSENTÉ PAR

TORCH Gallery Lauriergracht 94 1016 RN Amsterdam Pays-Bas T : +31 20 626 02 84 E : [email protected]

Galerie Patricia Dorfmann 61 rue de la Verrerie 75004 Paris France T : +33 (0) 42 77 55 41 E : [email protected]

Fahey / Klein Gallery 148 North La Brea, entre First Street et Beverly Boulevard Los Angeles, CA 90036 T : (323) 934-2250 F : (323) 934-4243 E : [email protected]

Michèle Schoonjans Gallery – MS Gallery Rivoli #Gallery 25, Waterloosesteenweg 690 Chaussée de Waterloo, 1180 Bruxelles (Bascule), +32 478 71 62 96

Paci Contemporary, Via Trieste, 48, 25121 Brescia Italie T : +39 030 290 6352 E : [email protected]

 

TEUN HOCKS à déjà été publié dans l’ŒIL de la PHOTOGRAPHIE :

https://loeildelaphotographie.com/en/michele-schoonjans-gallery-teun-hocks-untitled-dv/

https://loeildelaphotographie.com/en/teun-hocks-a-discovery-at-paris-photo/

https://loeildelaphotographie.com/en/paris-photo-2016-teun-hocks-at-paci-contemporary/

https://loeildelaphotographie.com/en/photo-london-5-images-to-buy-at-paci-contemporary/

 

PUBLICATIONS

Teun Hocks, Photographs by Teun Hocks Essay by Janet Koplos, Hardcover, 9 5/16 x 11 inches, 96 pages, Aperture, 978-1-931788-78-6, 50 images en quadrichromie et 4 en noir et blanc, Spring 2006, $200

Teun Hocks ABC, 26 dessins d’alphabet par Teun Hocks, publié par TORCH, 2021,Design : Teun Hocks & Rick Vermeulen, 21 x 15 cm, 60 pages, Couverture rigide avec jaquette, Signé par l’artiste, (disponible sur la boutique en ligne de la galerie TORCH) €19

Teun Hocks – Werk in oplage € 10,00 Publié par Artoteek Den Haag à l’occasion de l’exposition en 2006/2007, Texte : Philip Peters, Rob Knijn, Michiel Morel, Design : Renate Boere, Imprimeur : Drukkerij Lecturis, Pages : 94 (disponible sur la boutique en ligne de la galerie TORCH) €10

Teun Hocks, Van vroeg tot laat – De voorstellingen van Teun Hocks / Early to Late – The Staged Images of Teun Hocks, textes de Mariette Haveman, Dingeman Kuilman, Marjolein van de Ven, Moniek Toebosch, TORCH Gallery Amsterdam & Stedelijk Museum Breda, 2019, ISBN 978-90-7392-028-6, 96p, €32

 

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