'Gamma Pulse' : le plasma pour foudroyer les virus dans l'air

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'Gamma Pulse' : le plasma pour foudroyer les virus dans l'air

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Le microréacteur plasma à puissance pulsée mis au point par Gamma Pulse
Le microréacteur plasma à puissance pulsée mis au point par Gamma Pulse
- Ecole polytechnique

Demain l'éco. Cette société installée au sein de l’incubateur de l’École polytechnique, à Palaiseau, a conçu un purificateur d’air capable de détruire les virus grâce à la technologie du plasma à puissance pulsée. Testé et approuvé dans les laboratoires de l’Inserm, il devrait être commercialisé fin 2022.

Le plasma dit "quatrième état de la matière" n’est pas un phénomène rare. Plus de 95% de la matière visible de l'univers est à l'état de plasma. On peut le voir sous sa forme naturelle sur la Terre, à travers la foudre, la lumière polaire ou encore lors d'une éclipse solaire.

Alors que dans les trois autres états de la matière (solide, liquide et gazeux), le noyau et les électrons des atomes sont étroitement liés, ils cessent de l'être dans un plasma. Un plasma est un gaz ionisé dont les atomes, sous l'effet de la température ont été dissociés.

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Sa découverte est toutefois récente. En 1928, Irving Langmuir, chimiste et physicien américain, prix Nobel de chimie en 1932, introduit le terme de "plasma" pour qualifier l'état qu'il observe dans des tubes à décharge électrique.

Depuis, la technologie plasma n’a cessé d’évoluer pour être très largement utilisée dans l’industrie. À travers des objets de consommation courante comme les tubes néon, les écrans de télévision mais aussi dans des procédés de découpe, gravure, soudure de l’industrie automobile et aéronautique. Les applications sont nombreuses et sont en train de révolutionner les pratiques dans le secteur de l’hygiène et dans la technologie médicale.

Pulvériser les virus

À la tête de Gamma Pulse, société qu’elle a créée en 2017, la docteure en physique Carmen Dumistrescu et son équipe travaillaient sur un projet de sécurité et de protection des personnes et des biens. Il s’agissait grâce à la technologie plasma à puissance pulsée de détecter des explosifs et des substances nucléaires dissimulées. Mais à la faveur de la pandémie en mars 2020, elle réoriente ses recherches sur la décontamination de l’air en milieu confiné. Un sujet qui ne lui était pas inconnu puisque quelques années auparavant elle avait planché avec son associé Peter Choi sur le traitement de l’eau dans le cadre d’un programme de recherche soutenu par la Commission Européenne.

La principale contrainte que nous avions rencontrée à l’époque était de transformer l’eau en aérosol. Or là, dans la transmission de la Covid-19, il n’y avait justement plus ce problème. C’est pourquoi nous avons pu très rapidement adapter notre technologie.

Sans danger pour l'homme ni l'environnement, la technologie ne repose pas sur le rayonnement UV ou les solvants chimiques. Résumée simplement, elle consiste à miniaturiser l’effet d’un éclair 1 000 fois par seconde. "Ce sont des microréacteurs à plasma atmosphérique qui fonctionnent en simultané à très haute tension" nous explique Carmen Dumistrescu.

Sur une petite plaque de quelques centimètres, on envoie 5 kilovolts qui fonctionne à 1 kilohertz. Le plasma est déclenché et arrêté 1 000 fois par seconde. L’air qui arrive est transmis dans le plasma qui pulvérise virus et bactéries par une énorme décharge. Une puissance que seul le plasma est capable de produire.

Carmen Dumistrescu : "L'idée nous est venue au début de la pandémie et mon associé m'a appelée pour me dire 'Tu sais que nous avons une solution pour cela'"

3 min

Doublement breveté en octobre 2020, ce dispositif nommé KillVid équipe des machines autonomes qui vont aspirer l'air ambiant contaminé d'une pièce pour déstructurer physiquement toutes les particules en suspension et rejeter ensuite l’air propre et sain.

Carmen Dumitrescu, fondatrice de Gamma Pulse, Francisco Hernandez, chercheur en IOT, Claude Pierson, technicien haute tension, Peter Choi chercheur spécialiste plasma puissance pulsée
Carmen Dumitrescu, fondatrice de Gamma Pulse, Francisco Hernandez, chercheur en IOT, Claude Pierson, technicien haute tension, Peter Choi chercheur spécialiste plasma puissance pulsée
- Gamma Pulse

Gamma Pulse destine en priorité ses purificateurs d’air aux hôpitaux mais à terme ils pourront équiper les salles de classes, les restaurants, les bureaux, les aéroports. Bref, tous les espaces confinés soumis à de nombreuses contraintes pendant la pandémie. L’entreprise réfléchit également à un dispositif qui pourrait être intégré directement dans les climatiseurs.

Testé dans les laboratoires de l’Inserm

C’est dans ce laboratoire unique en France, au sein d’un bâtiment de la Faculté de Médecine et du Centre Ingénierie Santé de l’école des Mines, à proximité du CHU de Saint-Étienne, que Gamma Pulse a confié les tests d’efficacité de son purificateur d’air.

C’est aussi le seul laboratoire de l’Inserm accrédité dans le pays pour évaluer les performances de filtration des masques chirurgicaux nous indique Jérémie Pourchez, directeur de recherche à l’École des Mines qui mène la démonstration.

Testée depuis des mois, d’abord en chambre de contamination puis en vie réelle, dans un appartement reconstitué en laboratoire et doté de capteurs et caméras, la technologie plasma à puissance pulsée a prouvé qu’elle pouvait détruire virus et bactéries à un niveau Log6 sur l’échelle logarithmique soit 99,9999% confirme le scientifique.

Jérémie Pourchez, directeur de recherche à l'école des Mines en charge des tests au laboratoire de Saint Etienne
Jérémie Pourchez, directeur de recherche à l'école des Mines en charge des tests au laboratoire de Saint Etienne
© Radio France - Annabelle Grelier

Une précision d’importance estime-t-il, car s’il existe bien des normes pour évaluer la capacité des purificateurs actuellement sur le marché pour détruire les polluants gazeux, les COV, les composés organiques volatiles qui peuvent être dangereux pour la santé, il n’existe en revanche pas de normes concernant l’activité microbiologique de l’air comme les virus et bactéries.

La nouveauté de cette technologie est qu’elle ne se contente pas de filtrer l’air. On a pratiqué l’expérience simple d’injecter en 5 minutes dans une pièce de 12 mètres cube, un million de virus par aérosol à l’entrée du KillVid. On n’avait aucun virus vivant à la sortie.

Après une année de tests des différents prototypes, l’efficacité du killVid est établie. Selon les conclusions définitives du laboratoire de l’Inserm, l’innovation de Gamma Pulse peut constituer un outil complémentaire efficace, au même titre que les masques pour limiter la propagation du virus. Reste à en déterminer le mode d’emploi : combien de machines par mètre carré, par nombre de personnes dans une salle ? Des questions d’ordre pratique qui seront examinées à la demande des industriels indique Jérémie Pourchez.

Des industriels comme Sagemcom qui ont pris quelques participations dans la société et 4Mtec qui développe les prototypes et pré-séries pour un lancement commercial prévu à la fin de l’année.

Initié en mars 2020, le développement de Gamma Pulse semble être allé très vite. Mais il est assis sur trente ans de travail et de recherche, tient à rappeler Carmen Dumistrescu.

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