Il faisait un temps splendide, ce dimanche 13 mars, à Mykolaïv, pour la première fois depuis une semaine. Un ciel bleu azur, une lumière drue, aucun vent sur cette ville du sud de l’Ukraine, quasi encerclée par l’armée russe. Des conditions météo idéales pour ajuster les tirs d’artillerie en profitant des données transmises par les drones de reconnaissance.
La pluie d’acier est tombée sur les civils. Dimanche matin, vers 11 heures, une salve de roquettes s’est abattue « avenue des Héros-de-l’Ukraine », devant un centre commercial. Neuf personnes ont été tuées, d’après le gouverneur de la région, Vitali Kim. Selon la même source, en milieu d’après-midi, quatre civils ont péri lorsqu’un bombardier russe a largué un engin explosif sur une école du village Zeleny Haï, non loin de l’aérodrome militaire de Mykolaïv.
Deux heures après le massacre de l’avenue des Héros-de-l’Ukraine, l’endroit est désert. Un policier au visage fermé surveille le parking. Les vitrines ont été soufflées par les explosions. Trois impacts sont visibles dans le bitume, les devantures des magasins sont criblées d’éclats d’acier. Des bâches de plastique noir ayant servi à recouvrir les corps gisent sur le bitume. L’une d’elles cache partiellement une épaisse flaque de sang.
Les rares passants pressent le pas. Nadia Emelianenko, 70 ans, raconte avoir entendu plusieurs explosions successives. Elle se trouvait juste à 50 mètres derrière un angle de magasin. « J’ai vu plusieurs personnes allongées, des gens qui gémissaient, d’autres inertes. Et un chien mort, se souvient-elle. C’était terrifiant ! Je ne pouvais rien faire pour aider, j’ai trop mal au dos pour me baisser. D’ailleurs, mes enfants m’interdisent de descendre dans la rue à cause du danger, mais je ne peux pas m’en empêcher. Il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre, alors mieux vaut que ce soit moi qui prenne des risques, plutôt que mes enfants ou mes petits-enfants. »
Dans l’attente de bus d’évacuation
Une dame et sa fille adolescente observent de biais la scène tout en marchant. « Nous venons ici faire les courses, parce que, dans notre village, Kapoustyne, tous les magasins sont fermés, nous sommes bombardés en permanence, raconte Ania, la mère. Aujourd’hui, il n’y a plus de transports publics, nous avons marché deux heures, et j’ai juste pu acheter un jus de fruits », dit-elle en montrant la bouteille d’un air désolé.
L’allée longeant les magasins conduit à un ensemble d’immeubles. Le cadavre ensanglanté d’un chien gît près d’un garage. La pluie de missiles a frappé tout le quartier. Des éclats de verre et d’autres débris jonchent le sol. Des familles s’en vont, tirant des valises à roulettes ou portant des sacs. Un couple âgé charge une voiture. L’homme montre un morceau de shrapnel, un obus rempli de balles, qui a pulvérisé la vitre de son appartement. « Nous déménageons chez ma fille, qui habite le centre-ville, explique-t-il. Ici, ce n’est plus vivable. On ne peut plus fermer l’œil. Je deviens fou ! »
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