Articles récents \ DOSSIERS \ NUMERIQU'ELLES Tiffanie Pichon « Ce serait bien qu’il y ait plus de femmes dans le milieu maker ! »

tyff

Tiffaine Pichon, est Fabmanageuse de l’association Ici et Lab et également artiste plasticienne. Ici et Lab est une association dont le but est de diffuser la culture maker au plus grand nombre. Des événements sont organisés pour accompagner la création de Fablabs dans les territoires. 

Quel est votre parcours ?

Je viens du milieu du graphisme, j’ai fait une mise à niveau en art appliqué (MANAA), puis un BTS Communication Visuelle Print (graphisme, édition, publicité), il s’agit d’apprendre la conception d’affiches, logotypes, livres, signalétique… Ensuite, je suis entrée à l’École nationale Supérieure d’Arts de Paris-Cergy pour développer mon univers plastique. J’y ai obtenu un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique qui est l’équivalent du master.

Comment êtes- vous arrivée au Lab ?

Aux Beaux-Arts, j’ai développé mon univers autour de questionnements sur l’écologie, la géologie, l’anthropologie, les récits mythiques et scientifiques et les nouvelles technologies. Mes projets prenaient la forme de sculptures et d’installations. J’avais été mise en contact grâce à une amie avec Casimir Jeanroy-Chasseux qui est le principal Fabmanager d’Ici et Lab. À l’époque son association s’appelait Wheeldo, son but était de démocratiser l’impression 3D. Casimir se déplaçait un peu partout en France avec son équipe et elles/ils faisaient des ateliers à visée pédagogique autour de l’impression 3D.

Pour une installation j’avais besoin de modéliser et d’imprimer en 3D des maquettes de science-fiction dont un cylindre O’Neill (un projet d’habitat spatial théorique que l’on retrouve à la fin du film Interstellar). Casimir m’a gracieusement fait cette impression 3D et m’a aidé à la modéliser. C’était mon tout premier contact avec un Lab. Par la suite, j’ai passé mon diplôme et nous sommes resté.es en contact avec Casimir. J’animais ponctuellement des ateliers d’impression 3D pour Wheeldo. Ensuite, nous avons continué à travailler ensemble, les missions de l’association ont évolué et nous avons développé une nouvelle structure : Ici et Lab. Nous travaillons souvent avec des collectivités, beaucoup de médiathèques qui s’équipent en machines. Elles/ils ont besoin de créer des espaces et de se former sur les machines. C’est la principale mission d’Ici et Lab: créer des Fablabs sous forme de chantiers participatifs. Il s’agit de co-créer le mobilier avec ceux qui en font la demande et de les former sur les machines.

Qu’est-ce qu’un Fablab plus précisément ?

Un Fablab c’est un espace partagé où se trouvent des machines à commande numérique principalement et des outils manuels bois ou métal. En fait, il y a autant de fablabs que de lieux. C’est surtout une communauté de makers, de personnes qui sont formé·es sur les machines, qui seront soit bénévoles, soit Fabmanageuses/Fabmanagers et proposeront des formations. Tout un chacun peut venir utiliser les machines, apprendre à les utiliser, apprendre ensuite à d’autres personnes à les utiliser etc…

On dit souvent que les femmes sont sous-représentées dans les Fablab, est ce que c’est toujours le cas d’après vous ?

Je pense qu’il y a plus d’hommes que de femmes dans le milieu de la tech, mais avec Ici et Lab ce n’est pas forcément mon ressenti sur le terrain parce que nous travaillons avec des médiathèques, des collectivités, et il y a beaucoup de femmes dans ces domaines. Personnellement, je travaille à temps partiel à Ici et Lab et à côté je suis artiste plasticienne et illustratrice ce qui fait que je ne suis pas forcément tout le temps dans le milieu des makers…

Y a t’il autant de femmes que d’hommes qui travaillent à Ici et Lab ?

Nous sommes deux salariés à Ici et Lab, Casimir et moi, pour le coup c’est paritaire ! Nous travaillons aussi avec des intervenant·es de temps en temps.
L’AGECA nous héberge au Lab 86 qui compte trois associations : le petit Fablab de Paris est présent les soirs et les week-end et Ici et Lab la journée en semaine avec la/le Fabmanageuse/Fabmanager de l’AGECA. Au “petit Fablab de Paris” il y a eu plusieurs itérations, la première itération n’était pas paritaire et au bout de la deuxième itération l’association à commencé à le devenir !

Y a t’il autant de participantes que de participants dans les ateliers de formation?

Oui, je dirais même qu’il y a plus de femmes. Je pense que c’est parce que nous intervenons dans les médiathèques…

Est-ce que vous avez une stratégie particulière pour intéresser les femmes ou ce sont elles qui viennent naturellement pour se former ?

Nous n’avons pas spécialement de stratégie à ce sujet. Par contre une fois que nous avons mis en place un Fablab nous savons qu’il y des machines qui peuvent parfois intéresser plus certaines parties de la population. Par exemple, quand il y a des machines à coudre ou une brodeuse numérique, cela peut être une entrée au Fablab pour un public de femmes plus âgées qui font déjà de la couture. C’est une occasion de faire venir ces femmes au Fablab puis de leur faire découvrir d’autres types de machines. Mais sinon nous proposons la même chose à tout le monde !

Vous avez aussi réalisé des missions à Montpellier et au Gabon, pouvez nous en parler?

A Montpellier, nous avons été appelés pour une étude de préfiguration de deux Fablabs. L’un va être créé dans un quartier assez populaire dont le but sera l’inclusion numérique en donnant accès à tou·tes aux outils numériques, en apprenant à utiliser un ordinateur, à faire des choses assez basiques grâce à des outils créatifs et accessibles. L’autre Fablab va être mis en place à la Halle de l’innovation. Il va être destiné au Business and Innovation Center (BIC) avec des machines adaptées aux entreprises. Ce sont des Fablabs qui ne vont pas être pas destinés au même public.

l’Institut français du Gabon (IFG) nous a demandé de venir car ils s’étaient déjà équipés en machines et avaient besoin de construire le Fablab. Les espaces sur place étaient très contraints par les usages de l’Institut et il n’y avait pas de salle dédiée au projet. Il a fallu réfléchir ensemble pour créer les espaces du Fablab qui puissent être bien reconnaissables et en même temps qu’ils puissent être mobiles pour s’adapter aux activités de l’Institut. Nous sommes intervenu·es deux semaines lors desquelles nous avons fait un mix entre les formations et le chantier. Les formations ont d’ailleurs eu un franc succès, elles étaient ouvertes à tout public sur inscription. Les participantes/participants sont venu·es de tout le Gabon et ont apporté chacun·e leur touche au projet : informaticien·es, enseignant·es-chercheur·es, artistes, étudiant·es, bricoleuses/bricoleurs, menuisier·es, des stagiaires etc. De nombreux partenariats ont été noués entre l’IFG et d’autres structures : pour le développement économique, pour la dimension scientifique ou encore pour la création d’un autre fablab dans le pays. Tou·tes sont venu·es se former et se sont engagé·es et investi·es sur le chantier. Les chantiers participatifs sont ouverts à tout public et permettent aux intéressé·es de créer avec nous et de former une petite communauté qui va s’approprier le lieu ! Ce qui permet de lancer directement le Fablab avec un noyau de futurs makers déjà actifs… Un groupe qui s’entraide en équipe sur deux semaines, ça brise les barrières !

Que conseillerez vous aux femmes qui s’intéressent aux Fablabs?

Ce serait bien qu’il y ait plus de femmes dans le milieu de la tech, ça c’est sûr ! Le milieu des Fablabs est un endroit ouvert à tout le monde, il est possible de venir sans rien savoir et de participer aux formations ! On peut simplement avoir un projet, demander de l’aide aux Fabmanageuses/Fabmanagers en fonction de l’organisation dans chaque Fablab… Il ne faut pas avoir peur de franchir la porte de ces lieux. Ils sont fait pour apprendre qu’on soit un homme ou une femme, peu importe ! Il y a des machines pour tous les goûts.

Moi, je me sers des plotters de découpe, de la découpe laser, de la broderie numérique pour mes projets personnels comme je suis graphiste et artiste plasticienne ! Ce n’est pas forcément que du codage, ni très tech ou très numérique ! Il est possible de commencer par des choses simples et accessibles et, si on a envie, d’aller vers le complexe !

Si vous voulez en savoir plus sur les Fablabs, nous avons créé une exposition “Fablabs : entrez dans l’âge du faire”, elle sera visible lors du festival NUMOK à Paris du 9 au 14 avril à la bibliothèque Robert Sabatier et du 16 au 30 avril à la bibliothèque Marguerite Duras.

Propos recueillis par Camille Goasduff 50-50 Magazine

print