Un gynécologue des Alpes-Maritimes mis en examen pour viols sur des patientes, une victime raconte

Désormais à la retraite, ce praticien cannois de 74 ans aurait abusé de sa fonction lors de consultations avec plusieurs patientes.

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Alexandre Carini Publié le 16/03/2022 à 07:14, mis à jour le 16/03/2022 à 07:14
Le gynécologue a été entendu par la police. d’illustration J.-M.V.

Alex voudrait faire comme si de rien n’était. Garder un ton léger. Enjoué. Comme si elle n’était plus affectée. Mais à l’idée d’évoquer les faits, une soudaine nervosité. Trahison d’une blessure intime. C’est elle qui, la première, a eu la force de dénoncer les agissements présumés de G. F.

Depuis le lancement d’une procédure judiciaire, ce gynécologue cannois a pris sa retraite. Mais il a été entendu par la police. Et mis en examen pour viol commis par abus de son autorité, en raison de sa fonction.

Un juge d’instruction a ordonné une commission rogatoire, afin de poursuivre les investigations. Voire recueillir de nouveaux témoignages. Selon nos informations, une dizaine de patientes se seraient déjà plaintes de gestes répréhensibles, qui dépassent largement le cadre d’un examen médical. Alex fait partie de celles-là.

Questions tendancieuses

En juin 2019, sans le connaître auparavant, elle s’est rendue au cabinet de G. F. pour des douleurs au bas-ventre. Bedonnant, souriant, le gynécologue a des allures de "petit père tranquille". Mais par ses questions, il se place très vite sur un terrain scabreux. "Il a commencé à me parler de sexualité, de mes rapports avec mon conjoint, jusqu’à demander si je pratiquais la sodomie, se souvient Alex, encore abasourdie. Je lui ai répondu sèchement: ma sexualité reste à la maison, et je n’ai pas envie d’en parler avec vous!"

Deux mois plus tard, Alex se voit néanmoins contrainte de consulter à nouveau. Malgré le traitement que G. F. lui a prescrit, les douleurs sont revenues, insupportables. "Aussitôt, il a commencé à en remettre une couche sur ma sexualité, avant de m’ausculter."

Allongée dans le fauteuil d’examen gynécologique, Alex s’en remet au praticien. Pense d’abord que celui-ci use d’une sonde vaginale. Mais très vite, ses va-et-vient avec l’appareil sont non seulement insistants, mais aussi plus intenables.

Jusqu’à cette réflexion complètement déplacée, accompagnée d’un toucher: "Ça va, le petit clitoris n’a pas mal?"

Cette fois c’en est trop. Alex s’écrie "Stop!", et retire ses pieds des étriers.

"Je ne sais pas si c’est un comportement normal en pareille situation, mais je me suis aussitôt rhabillée, et je l’ai quand même payé avant de partir."

En claquant la porte, Alex pensait avoir mis fin à ce cauchemar. Mais une autre douleur, plus insidieuse, s’est insinuée dans sa tête.

"Je n’étais pas bien, je me demandais pourquoi j’avais dû subir ça, pourquoi il m’avait fait mal, mais je ne réalisais pas complètement."

Un avis trouvé sur Facebook à propos de G.F lui ouvre définitivement les yeux: "Il peut être limite dans ses commentaires et dans ses gestes."

Pire, une autre patiente contactée par les réseaux sociaux dénonce un viol anal digital, avant que deux autres femmes évoquent aussi des attouchements.

"L’empêcher de nuire"

Une lettre a été adressée au Conseil de l’ordre des médecins en juin 2021. "On nous a répondu: "Il n’est pas loin de la retraite, il va s’arrêter!""

Un autre courrier a été adressé au procureur de la République à Grasse, qui a pris l’affaire au sérieux.

Laissé libre mais placé sous contrôle judiciaire, G.F. réclamerait des dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse. Alex, elle, se porte partie civile, prête à lui faire face lors d’un procès: "Toute seule, je n’aurais pas eu ce courage, ce sont les autres victimes qui me l’ont donné, confie-t-elle. Et si jamais j’obtiens des réparations financières, après remboursement de mes frais judiciaires, je les verserai à une association de protection des femmes, car je ne veux rien toucher de ce Monsieur. Je ne veux pas d’argent, je souhaite juste l’empêcher de nuire."

"Traumatisées mais pas affabulatrices"

À la défense d’Alex, Me Christophe Petit confirme (tout comme le Parquet de Grasse), qu’une information judiciaire est ouverte sur ce dossier, après la mise en examen du gynécologue, même s’il nie les faits.

L’avocat niçois précise aussi: "Des expertises psychologiques ont été réalisées sur les victimes, et leurs récits sont cohérents, ce ne sont pas des affabulatrices!"

Et d’ajouter: "Les victimes ont ressenti un vrai traumatisme, de par les gestes subis et de par la qualité de médecin de celui qui les a commis, et ses dénégations les font encore plus souffrir. Malgré sa mise en retraite, Notre volonté est donc que l’instruction aille jusqu’à son terme, afin que la vérité éclate."

De son côté, après en avoir discuté avec son client, Me Sophie Lesage ne souhaite pas faire de commentaire sur ce dossier, si ce n’est revendiquer la présomption d’innocence pour G. F.

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