Comment protéger les enfants orphelins ukrainiens ? La question se pose, dans ce pays où plus de 100 000 enfants vivent en institution, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés, dont une moitié est porteuse de handicap. « Ces enfants seront-ils encore plus victimes de la guerre que les autres ? », interroge ainsi Marie Garidou, présidente de l’Association des parents adoptants en Russie (APAER).

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Il y a un an, elle a adopté une petite fille dans un orphelinat d’Odessa, qui accueillait « une centaine d’enfants de 0 à 4 ans, devant la mer », raconte-t-elle. Ces derniers jours, mille questions tournent dans sa tête. « Les équipes sont très impliquées, mais comment pourraient-elles protéger les enfants en cas d’attaque ? Si elles décident de quitter la ville pour se mettre à l’abri dans leur famille ou à la campagne, personne ne pourra leur en vouloir, mais que deviendront les enfants ? » Quid des autres établissements ? « Il y en a au moins deux autres dans la ville », se souvient-elle.

« Ouvrir des couloirs humanitaires »

Sur place, l’aide humanitaire est complexe, explique Cécile Schmitt, porte-parole du HCR. « La priorité aujourd’hui est d’ouvrir des couloirs humanitaires pour nous permettre d’assurer la protection des civils, qui est un des impératifs du droit international humanitaire. » Pourtant, des camions de vivres et de matériels de première urgence, positionnés dans diverses régions, ne peuvent pas aujourd’hui arriver aux populations, orphelinats compris.

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Autre inquiétude : le flot des mineurs non accompagnés qui arrivent aux frontières ukrainiennes. La guerre a, en effet, jeté sur les routes 2 millions de personnes à l’intérieur de l’Ukraine et 1 million hors du pays, dont une grande majorité de femmes et d’enfants, « extrêmement vulnérables », explique Cécile Schmitt. Sont-ils orphelins ? Ont-ils encore de la famille quelque part ? « Nous avons mis en place des “points bleus” dans les pays frontaliers où ils arrivent. Dans ces endroits facilement identifiables, ils sont mis en sécurité et orientés vers les services de protection de l’enfance des pays concernés. » Le temps que chaque situation soit étudiée en détail.

L’adoption internationale est suspendue

Le contexte est en effet propice au trafic d’enfants. L’adoption internationale a d’ailleurs été suspendue pour trois mois, entre la France et l’Ukraine, mais aussi la Russie. Cette décision est dictée par la convention de La Haye, qui proscrit les adoptions dans les pays en guerre, dont les structures juridiques sont désorganisées. Faute de documents d’état civil de l’enfant incontestables et du jugement d’adoption, en bonne et due forme, le risque d’alimenter le trafic d’enfant serait trop élevé.

Aussi, seuls les parents qui sont au bout de ce parcours et ont déjà rencontré leur enfant bénéficient d’une souplesse et peuvent aller le voir ou le ramener en France dès que l’adoption est prononcée. En Russie, « sept familles sont concernées », liste Charlotte Girault, directrice générale de l’Agence française de l’adoption (AFA). Elles font alors le voyage à leurs risques et périls, en passant par des pays qui n’ont pas fermé leurs liaisons aériennes avec ce pays. Car officiellement, le ministère des affaires étrangères déconseille ce voyage.

53 orphelins de la région de Tchernobyl sont arrivés en France

D’autres mouvements de solidarité ont vu le jour afin de mettre les enfants à l’abri en France le temps de la guerre. Là encore, le gouvernement cherche à encadrer au maximum ces initiatives, pour ne laisser aucune place au doute. Seule l’Association des amis de Rivné, située dans les Alpes-de-Haute-Provence, a d’ores et déjà été autorisée à ramener en France 53 orphelins de la région de Tchernobyl. « Ils ont reçu le statut de réfugiés et passeront la guerre en Haute-Provence », explique la fondatrice, Nicole Cadenel.

L’association provençale fait figure d’exception du fait des liens anciens qu’elle a établis de longue date avec l’Ukraine. Créée en 1986, elle accueille, chaque été, des enfants qui ont perdu leurs parents dans la catastrophe nucléaire. Au fil des années, 1 000 d’entre eux ont ainsi passé l’été dans des familles provençales. C’est à nouveau chez elles qu’ils ont été mis à l’abri. Depuis le début de la crise, « le téléphone sonne toute la journée avec des appels au secours », avance Nicole Cadenel, qui cherche à financer trois autres bus.