En Chine, le gouvernement ne parvient pas à relancer la natalité

La nurserie du centre des soins maternels à Shanghai. Mars 2022. ©Radio France - Sébastien Berriot
La nurserie du centre des soins maternels à Shanghai. Mars 2022. ©Radio France - Sébastien Berriot
La nurserie du centre des soins maternels à Shanghai. Mars 2022. ©Radio France - Sébastien Berriot
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En Chine, malgré les mesures incitatives du gouvernement pour faire face au vieillissement de la population, les jeunes couples ne veulent pas avoir plusieurs enfants. Selon les prévisions de l’ONU, la Chine pourrait vite perdre son statut de première puissance démographique, au profit de l’Inde.

La Chine est confrontée au vieillissement de sa population. Ce phénomène inquiète beaucoup les autorités et pourrait à terme avoir un effet sur le développement économique du pays. Malgré les mesures incitatives mises en place par le gouvernement pour encourager les jeunes Chinois à faire davantage d’enfants, la natalité ne progresse pas.

Pour comprendre, notre correspondant en Chine Sébastien Berriot s’est rendu dans une maternité de Shanghaï.

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Avoir son premier enfant à 35 ans

Maternité de Shanghai. Mars 2022
Maternité de Shanghai. Mars 2022
© Radio France - Sébastien Berriot

C’est l’heure du bain dans ce centre des soins maternels de Shanghaï. Les infirmières s’occupent ce matin là d’une petite dizaine de bébés. Le plus jeune a seulement quelques heures et ces nourrissons, la Chine en prend le plus grand soin, car ils sont de moins en moins nombreux. Depuis quelques années, la natalité est en chute libre. Après des décennies de politique de l’enfant unique, les jeunes couples ont obtenu l’autorisation d’avoir deux enfants et même trois depuis l’année dernière. Mais ces mesures n’ont aucun effet sur les chiffres. La diminution de la natalité atteint des proportions inquiétantes dans le pays le plus peuplé du monde. L’an passé, le taux de natalité est arrivé à son plus bas niveau depuis 1978, avec 7,52 naissances pour 1 000 personnes. Pour comprendre cette évolution, il suffit de discuter avec l’une des mamans qui vient d’accoucher de son premier bébé à l’âge de 41 ans et c’est loin d’être un cas isolé : "J’ai pris le temps qu’il fallait pour terminer mes études. J’ai passé ma thèse. Je me suis mariée un peu tard. Et après le mariage, j’ai voulu vivre ma vie de couple. Je n’étais pas pressée d’avoir un enfant. En plus, avec le travail, il y a beaucoup de pression quotidienne. C’est pour cette raison que les femmes chinoises ont les enfants plus tard. Moi, je n’aurai pas de deuxième enfant, je ne suis pas suffisamment jeune et je n’ai pas assez d’énergie pour ça. Même si on bénéficie de bons congés de maternité, je n’ai pas la volonté d’élever un autre enfant. Autour de moi, c’est rare de trouver des amies qui ont un 2e ou un 3e enfant. Ce n’est pas possible avec la pression du travail et les problèmes de garde."

Tiantian, l’une des infirmières du centre maternel, est le témoin quotidien de ces évolutions de comportement des femmes chinoises : "Les nouvelles mères dont nous nous occupons ont en général environ 35 ans. C’est leur premier enfant. Quand on leur demande si elles envisagent un deuxième bébé, elles ne montrent pas une grande volonté. Seulement 20% des femmes que nous recevons accouchent pour la deuxième fois. Et pour le moment, je n’ai encore jamais vu de femme venir ici pour un 3e accouchement."

"Les questions financières, c’est l’une des raisons qui font que la natalité en Chine est le plus basse du monde"

Beaucoup de jeunes Chinoises ont changé de priorité. Les études et la carrière professionnelle sont désormais considérées comme plus importantes. Le mariage n’est plus forcément l’objectif premier. Et dans un pays où le coût de la vie est très élevé, notamment dans les grandes villes, les jeunes couples hésitent à passer le cap du premier enfant. L’aspect financier est un facteur essentiel, comme le confirme Liang Jianzhang, démographe et auteur d’une récente étude sur le coût de l’éducation en Chine : "Les coûts de l’éducation d’un enfant de zéro à 17 ans s’élève en moyenne à 70 000 euros, et dans les grandes villes comme Pékin et Shanghaï, ça atteint les 140 000 euros. Si on compte les études supérieures jusqu’à 21 ans, cela fait presque 150 000 euros en plus. Cela dépasse souvent les revenus des parents. Si on regarde le PIB moyen par habitant, le coût de l’éducation d’un enfant en Chine est presque le plus élevé au monde. Cela vient notamment du fait que les prix des appartements dans les grandes villes sont très élevés."

Le sujet a été évoqué la semaine dernière lors de la session annuelle du parlement chinois. Certains députés ont fait des propositions concrètes pour faire face à cet obstacle financier, comme Xie Wenmin, qui représente la province du Hubei au sein de la de conférence consultative politique du peuple chinois : "Je suggère que les autorités, à travers le système national de sécurité sociale, versent une allocation de 500 yuans par mois aux familles avec un enfant, 600 yuans pour deux enfants, et 1 000 yuans pour les familles avec 3 enfants. Et ça, depuis la naissance jusqu’à l’âge de 3 ans des enfants. Si le gouvernement accorde cette aide financière, cela incitera peut-être davantage de familles à avoir un deuxième ou un troisième enfant ? Et puis, il y a aussi une chose importante, les maris doivent également pouvoir avoir un mois de congé de paternité pour accompagner leur femme."

Le rôle indispensable des grands-parents

L’autre difficulté, c’est la garde des enfants, assurée la plupart du temps par les grands-parents. Leur rôle est essentiel en Chine. Il suffit de se rendre à la sortie d’une école pour constater leur présence en très grand nombre. Mais comme les femmes chinoises donnent naissance de plus en plus tard, les grands-parents vieillissent et ils ne sont plus toujours en mesure de s’occuper des enfants. La Chine n’a pas suffisamment anticipé. Il n’y a pas assez de places dans les écoles maternelles, très peu de crèches pour accueillir les enfants avant l’âge de 3 ans. La directrice de la maternité, Cheng BaoHui, sait que cette question préoccupe beaucoup les parents : "Quand les parents travaillent, qui garde leur enfant ? Beaucoup de couples sont originaires d’autres provinces et viennent travailler ici à Shanghaï. Leurs conditions de logement sont souvent très moyennes. Ils n’ont pas la possibilité de faire venir leurs parents avec eux pour garder les enfants. Je pense qu'il est vraiment temps d'aborder la question de la garde des enfants. En ce qui nous concerne dans notre centre de maternité, nous envisageons de mettre en place un service de soins pour les enfants de 0 à 3 ans, pour aider les parents à faire face."

Confirmation de ces inquiétudes, avec la maman de 41 ans qui vient d’accoucher : "J'espère que le gouvernement augmentera le nombre de garderies d'enfants. Il faut plus de crèches pour garder les enfants de zéro à 3 ans. Comme ça, les parents se sentiront beaucoup plus à l'aise. En plus, ce n’est pas facile de trouver une bonne baby-sitter , là aussi j’espère que le gouvernement renforcera son contrôle sur le marché du babysitting. Dans mon cas, je suis déjà stressée parce que mes parents deviennent âgés, ils n’ont pas la capacité de garder mon enfant, et j’ai peur de ne pas trouver une bonne baby-sitter".

Pour faire face, plusieurs régions ont fait passer dernièrement le congé maternité de trente à quatre-vingt-dix jours. Le planning familial a lancé un programme national pour essayer de limiter le plus possible les avortements. L’enjeu est primordial pour la Chine qui redoute de ne pas pouvoir renouveler sa population pour faire fonctionner son économie. Selon les prévisions de l’ONU, la Chine pourrait rapidement perdre son statut de première puissance démographique, au profit de l’Inde.

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