VIH : les connaissances des jeunes sur sa prévention mises à mal par l’épidémie de COVID

A quelques jours du week-end du Sidaction, l’association publie les résultats de son sondage réalisé auprès des 15/24 pour connaître l’état actuel de leurs connaissances sur ce sujet. Non seulement la baisse de leur sentiment d’information s’accélère tant les indicateurs sont en alerte, mais l’association craint surtout une « invisibilisation » du VIH en raison de la crise du COVID-19.
Alexandra Bresson
VIH : les connaissances des jeunes sur sa prévention mises à mal par l’épidémie de COVID iStock/KatarzynaBialasiewicz

Si la crise sanitaire près sur le moral des jeunes, elle représente également un risque pour leur santé physique : le sentiment de désinformation sur le VIH/Sida se poursuit. Tel est le constat dressé par l’association Sidaction à quelques jours du week-end du Sidaction (du 25 au 27 mars prochain). Le sondage réalisé chaque année par l’Ifop auprès des jeunes âgés de 15 à 24 ans montre en premier lieu qu’en 2022, 69% des jeunes s’estiment bien informés sur la question du VIH/sida contre 74% en 2020, soit une chute de 5 points. « Le sentiment d’information chez les 15-24 ans a diminué depuis le début de pandémie et à ce jour, nous n’avons pas retrouvé le niveau de l’avant-covid. Comme si la pandémie avait occulté les connaissances sur le VIH/sida » s’inquiète Florence Thune, directrice générale de Sidaction.

A titre d’exemple, moins d’un sondé sur deux s’estime bien informé sur les lieux où aller se faire dépister pour le test du VIH/sida, n chiffre en chute libre depuis février 2019. Ces derniers sont pourtant nombreux, comme l’explique Sida Info Service à ce sujet : dans un CEGIDD (Centre Gratuit d’Information, de Dépistage et de Diagnostic), dans un laboratoire d'analyses médicales (avec ou sans ordonnance), dans des locaux associatifs ou des dispositifs mobiles habilités (TROD pour Test Rapide d’Orientation Diagnostique qui permet d’avoir un résultat en 30 minutes) et à l'endroit de son choix avec un autotest du VIH. « Malgré l’habitude du dépistage acquise avec la COVID, ce dernier ne semble pas être devenu un réflexe pour le VIH, alors qu’il constitue un outil indispensable de la prévention » poursuit-elle. », note Florence Thune.

Le traitement d’urgence post-exposition (TPE), qu’est-ce que c’est ?

Par ailleurs, seuls 48% des jeunes interrogés connaissent l’existence d’un traitement d’urgence (TPE, appelé aussi traitement post-exposition) si un risque est encouru et la moitié des sondés ne savent pas qu’une personne séropositive sous traitement ayant une charge virale indétectable ne transmet pas le virus. Le traitement post-exposition (TPE) consiste à prendre un traitement antirétroviral en urgence après un rapport sexuel non protégé ou un accident d’exposition virale, dans le but de prévenir la transmission du VIH. Le traitement doit être pris le plus vite possible, dans les 24 heures ou au maximum dans les 48 heures et dure 1 mois. Celui-ci peut être prescrit dans les centres de dépistage (CeGIDD) ou les services des maladies infectieuses durant les heures ouvrables, et dans les services d’urgences en dehors des heures ouvrables.

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Quant à la charge virale indétectable, c’est une situation bien possible comme l’affirme le Sida Info Service : la charge virale est indétectable lorsque le VIH est présent en trop faible quantité pour être détecté par les tests couramment utilisés (moins de 50 copies/ml de sang). « Quand une personne séropositive sous traitement a une charge virale indétectable depuis plus de six mois, et qu'elle n'a pas d'IST, les scientifiques considèrent aujourd'hui que le VIH ne peut plus se transmettre. », explique l’organisme. En outre, les fausses informations liées au VIH/sida continuent à prospérer chez les jeunes : il s’avère que 23% d’entre eux pensent que le virus du sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive et encore 19 % des personnes sondées pensent que la pilule contraceptive d’urgence protège du VIH.

Une application urgence des séances d’éducation sexuelle au collège et lycée

Mais comme l’estime l’ONU SIDA, aucune étude ne révèle une transmission du virus par le biais de la salive en embrassant. Même constat de la part de Sida Info Service, qui précise que la salive n'est pas un liquide qui permet la transmission du VIH. La pilule, quant à elle, est un moyen contraceptif qui permet d’éviter une grossesse. Mais celle-ci ne peut rien contre la transmission du VIH dans l'organisme lors d’un rapport sexuel non protégé tandis qu’un « préservatif masculin ou féminin, s’il ne craque pas et ne glisse pas, évite d'être contaminé par le VIH. », affirme l’organisme sur ce sujet. A noter que parmi les autres idées reçues à bannir, le fait que le virus peut se transmettre par les moustiques (des virus tels que le chikungunya ou la dengue mais pas le VIH) et par les WC publics plus ou moins propres.

Une des explications de cette dégradation des connaissances résiderait dans la saturation des espaces médiatiques et la monopolisation des sujets par le COVID-19. « Le VIH s’éloigne des préoccupations des jeunes car il est invisibilisé et ce, depuis plusieurs années. 16% des sondés déclarent d’ailleurs ne pas aller chercher d’information sur le virus du sida, soit une hausse de 7 points en 2 ans. », explique Frédéric Dabi, directeur général Opinion du Groupe Ifop. D’autre part, la banalisation de la question du VIH/sida se confirme puisque 37% des jeunes interrogés indiquent ne pas en avoir peur alors que leurs connaissances de l’épidémie semblent parfois faussées : 40% pensent que les contaminations baissent chez les jeunes et la moitié des sondés jugent que les personnes vivant avec le VIH ne subissent aucune discrimination.

Pour Florence Thune, il reste donc encore beaucoup à faire en termes d’information pour inverser la tendance, notamment en contexte scolaire. « Trois séances d’éducation à la sexualité par an sont obligatoires selon les textes, mais dans la pratique leur mise en place est insuffisante.», déplore-t-elle. Car d’après le sondage, un quart des sondés affirme n’avoir jamais bénéficié d’un enseignement en santé sexuelle au cours de leur scolarité et moins de la moitié ont pu en bénéficier une seule fois. Des chiffres qui ne cessent de se détériorer depuis 2009, c’est pourquoi Sidaction conclut sur l’urgence de « reprendre les actions de prévention et de sensibilisation au VIH/sida et à la santé sexuelle auprès des 15-24 ans. » Selon Santé Publique France, 4 900 personnes ont découvert leur séropositivité VIH en 2020, une baisse de 22% par rapport à 2019

le 22/03/2022