Appel

Crise alimentaire: 450 scientifiques demandent «moins de produits animaux, moins de gaspillage et une politique agricole européenne plus verte»

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Plus de 450 scientifiques viennent de publier un appel à changer notre système alimentaire mondial plutôt que de s’enfermer dans le productivisme pour répondre aux pénuries qui se dessinent à cause de la guerre en Ukraine.
par Margaux Lacroux
publié le 21 mars 2022 à 17h35
(mis à jour le 24 mars 2022 à 12h06)

La guerre en Ukraine pourrait mettre en péril la sécurité alimentaire de pays tels que le Liban. Mais, alors que le risque de pénurie plane, promouvoir une production à marche forcée n’est pas une solution tenable sur le long terme. Il faut aussi agir du côté de la demande. C’est ce que pointent ce lundi plus de 450 scientifiques. Dans un appel commun publié sur le site du le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK), ils rappellent la nécessité absolue de changer nos comportements pour construire un monde plus durable et plus résilient aux crises. Le manque de céréales et d’engrais provoqué par la guerre en Ukraine préfigure ce que nous devrons vivre dans un climat en surchauffe dans quelques décennies. Selon les scientifiques, une même solution s’applique à ces cas deux de figure : «moins de produits d’origine animale, moins de gaspillage et un verdissement de la politique agricole de l’UE».

«Les responsables de la politique agricole - comme les commissaires européens qui se réunissent mercredi - ne devraient pas abandonner les pratiques agricoles durables dans le seul but d’augmenter la production de céréales», écrivent-ils. Bruxelles planche en effet sur une réduction temporaire des jachères, pratique de repos des sols qui permet aux terres de se régénérer. Une partie des Etats exigent aussi de remettre en question la stratégie européenne «De la ferme à la fourchette», qui vise, d’ici à 2030, à réduire de moitié l’usage de pesticides, de 20% celui d’engrais, et à consacrer un quart des terres au bio. Alors que l’UE était enfin en passe de verdir son agriculture, on se dirige vers un rétropédalage et vers plus de productivisme.

«Inégalité dans la distribution»

«L’insécurité alimentaire mondiale n’est pas causée par une pénurie de l’offre alimentaire. Elle est causée par une inégalité dans la distribution. Il y a plus qu’assez de nourriture pour nourrir le monde, même maintenant pendant cette guerre. Cependant, les céréales sont utilisées pour l’alimentation animale ou comme biocarburants ou gaspillées au lieu de nourrir les personnes qui ont faim», explique Sabine Gabrysch du PIK, l’une des co-autrices.

Les scientifiques proposent donc trois pistes, loin d’être nouvelles, pour allier court et long terme. D’abord, l’Europe et les autres pays riches doivent «accélérer le passage à des régimes alimentaires plus sains et contenant moins de produits d’origine animale», ce qui permettrait d’économiser les céréales destinées à l’alimentation des bêtes. Ensuite, il faut accroître la production de légumineuses, riches en protéines, et réduire la dépendance aux engrais azotés ou au gaz naturel russe. Enfin, les scientifiques veulent s’attaquer au gros gaspillage, dans la mesure où «la quantité de blé gaspillée dans l’UE seule équivaut à peu près à la moitié de la quantité d’exportations de blé de l’Ukraine». Ils ajoutent que «les systèmes de sécurité sociale et les banques alimentaires devraient être renforcés dans toute l’UE afin d’éviter les effets néfastes de la hausse des prix des denrées alimentaires pour les ménages pauvres».

Mis à jour le 24 mars pour compléter le titre du Potsdam Institute.

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