Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

« Mon fils est mort, je ne comprends pas comment il a été envoyé en Ukraine »

En moins d’un mois de guerre, près de 10 000 soldats russes auraient perdu la vie sur le territoire ukrainien, un rythme très supérieur aux pertes militaires soviétiques en Afghanistan après dix ans de guerre. Les désertions, elles aussi, sont nombreuses.

Par 

Publié le 23 mars 2022 à 13h35, modifié le 10 avril 2022 à 12h37

Temps de Lecture 8 min.

Article réservé aux abonnés

Irpine, Ukraine, le 11 mars 2022

Devant la position ukrainienne à l’extrême ouest de la ville, où des tanks et des transporteurs de troupes blindés ont été détruits lors de la tentative de l’entée des forces russes, deux corps de soldats russes gisent dans les décombres.

Photo Laurent Van der Stockt pour Le Monde

La voix est hachée. Jointe par téléphone dans la région de Khantys-Mansis, au centre de la Russie, Olga – le prénom a été changé pour des raisons de sécurité – s’étonne que son histoire « intéresse les Français » mais ne se dérobe pas. Son fils, Nikolaï, 22 ans, a été tué le 27 février, trois jours à peine après le déclenchement de la guerre, le 24 février, par Vladimir Poutine. « Je l’ai appris le 10 mars et son corps nous a été rendu le 15 mars. »

Si le mot « guerre », interdit par la législation russe, lui échappe, Olga se reprend. « Pourquoi a-t-il participé à la g…, l’opération spéciale ? Je ne le saurai sans doute jamais. Mais si j’avais su qu’il y avait une opération spéciale, j’aurais tout fait pour qu’il n’y aille pas. Je ne comprends même pas comment il a été envoyé là-bas. C’est une absurdité, vous comprenez ? »

Lorsque la terrible nouvelle lui est parvenue, cette mère a posé des questions : Comment ? Où ? « Le major m’a répondu : “A quoi bon le savoir ?” » Depuis, Olga, qui vit avec sa fille dans une localité de l’Oural, sur les rives de l’Ob, ne cesse de retourner dans sa tête les derniers mois, les dernières semaines, le dernier jour où elle a été en contact avec son fils. « C’était le 20 [février], il m’a dit : “Tout va bien, je suis en Biélorussie pour des exercices, le 27, je serai de retour à la maison.”  » Puis plus rien. Rien d’autre que des questions, encore et encore. « Après son service militaire, il a signé un contrat [avec l’armée] mais il ne me racontait rien, pas même ses difficultés. J’ai su bien plus tard qu’il n’avait rien ou presque à manger, ni où dormir. N’importe quel homme doit passer par l’armée, mais pourquoi a-t-il signé ? Quand je le lui ai demandé, il m’a répondu : “Parce qu’il le faut.” Il venait de se marier. »

« Je ne comprends pas ce qu’il se passe », répète Olga, qui dit s’être toujours tenue à l’écart de la politique. Cette femme meurtrie se demande aujourd’hui ce qu’est devenu l’ami de son fils, Yvan, qui était avec lui, avant de conclure par cette image : « Si on avait su que nous allions tomber si bas, on aurait mis du foin par terre. »

Partout, les listes de soldats tués s’allongent

Le nom et la photo de Nikolaï, crâne rasé et visage juvénile, membre du 104e régiment de la 76e division aéroportée, figure bien, avec d’autres, « tués dans la région de Kharkiv » – la deuxième plus grande ville d’Ukraine située tout près de la frontière russe –, sur le portail Internet de la région. Il faut éplucher les sites des villes russes et la presse locale, comme le fait le doctorant américain Rob Lee, pour se rendre compte de l’ampleur du désastre. Chaque jour, des dizaines d’annonces s’affichent, sans bruit.

Il vous reste 74.07% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.