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Guerre en Ukraine : ces Français qui se ruent vers les agences matrimoniales !
Ces hommes « pensent cyniquement qu’ils vont réussir à en faire des compagnes parce qu’elles sont perdues, mais mes compatriotes ne sont pas aussi vénales qu’ils le croient », s’insurge Irina Bourdin, qui a fondé l’agence Le Tunnel de l’amour, à Belfort, avec son mari français en 2016.
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Guerre en Ukraine : ces Français qui se ruent vers les agences matrimoniales !

Vautours

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Depuis le début de la guerre en Ukraine, les agences matrimoniales françaises spécialisées en femmes d’origine slave sont débordées de demandes d’hommes qui se voient déjà au bras d’une magnifique créature désespérée. Sans complexe.

C’est une conséquence peu glorieuse de la guerre en Ukraine. Dès les premiers bombardements, Kateryna Baratova, responsable depuis 2011 de l’agence matrimoniale marseillaise Au cœur de l’Est, a vu des hommes l’approcher « comme des vautours », appâtés par les photos léchées de son site internet. Elle reçoit « quasi vingt fois plus de messages que d’habitude par mail ou téléphone » depuis la fin de février, raconte-t-elle, alors que, ordinairement, elle enregistre une petite dizaine de demandes d’inscription par mois.

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Beaucoup se disent prêts à accueillir « gratuitement » une Ukrainienne célibataire en détresse. Certains vont, sans vergogne, jusqu’à préciser l’âge ou la couleur de la chevelure désirés. Sans surprise, les 18-30 ans ont la cote. « Lorsque j’ai répondu à l’un d’eux que s’il voulait rencontrer un jeune mannequin ça ne serait pas gratuite, il m’a quasi injuriée, m’expliquant que je gâchais l’occasion de sa vie, raconte-t-elle. Tous les célibataires désespérés pensent qu’ils vont pouvoir se marier avec l’équivalent d’Adriana Karembeu. » Il faut bien reconnaître que l’inscription (entre 1 600 et 2 500 €) n’est pas accessible à tout le monde…

Même constat pour Marina Fedorova, à la tête du site Inter-Mariage, dans le Var, qui reçoit des « demandes curieuses » d’hommes « prêts à sauver ces pauvres femmes ukrainiennes » et mentionnant les numéros des photos qui les intéressent, «les plus belles, évidemment ! ».

Franchir le pas

Ces hommes « pensent cyniquement qu’ils vont réussir à en faire des compagnes parce qu’elles sont perdues, mais mes compatriotes ne sont pas aussi vénales qu’ils le croient », s’insurge Irina Bourdin, qui a fondé l’agence Le Tunnel de l’amour, à Belfort, avec son mari français en 2016.

Les voyages «de présentation» organisés habituellement à Kharkiv, Odessa, Kiev ou Marioupol par la dizaine d’agences françaises « spécialisées » en femmes slaves ont été, de fait, annulés. Et une partie des Ukrainiennes «se sont désinscrites car elles n’ont pas franchement la tête aux rencontres» ou souhaitent rester sur place avec leur famille, estiment les agences. « Un de mes clients était prêt à aider une jeune femme à fuir l’Ukraine. Il est très inquiet, mais elle ne veut pas quitter ses grands-parents nonagénaires, alors qu’il y a quelques semaines elle était déterminée à venir s’installer en France », raconte Marina Fedorova.

Certaines femmes se sont réfugiées dans l’Hexagone, où plusieurs responsables d’agence comptent organiser désormais ces rencontres franco-ukrainiennes. La situation de guerre a aussi précipité la décision de celles qui hésitaient à franchir le pas : « L’une d’elles oscillait depuis des années. Elle vient de rejoindre son prétendant français à la frontière polonaise » relate Kateryna Baratova. Plus généreusement, d’anciens clients, désormais mariés, proposent leur aide sans condition, y compris à des familles entières.

L’ambassade d’Ukraine recensait environ 40 000 personnes d’origine ukrainienne installées en France avant le début de la guerre, en février. Une immigration qui a la particularité d’être à la fois « très féminisée et très diplômée», notaient les sociologues Ronan Hervouet et Claire Schiff dans une étude de 2017 sur les mariages transnationaux parue dans la revue Recherches familiales.

Motivations

La motivation première n’est vraisemblablement pas l’accès à un emploi. Ils, ou plutôt elles, viennent pour d’autres raisons dans un premier temps : des études, un stage, être jeune fille au pair ou rejoindre un conjoint. Sur 100 mariages franco-slaves, 95, en moyenne, réunissent un époux français et une épouse étrangère, notent les auteurs.

Côté hommes de l’Ouest, les profils et motivations sont toujours les mêmes : ils appartiennent à certains milieux sociaux où il est difficile de faire des rencontres (notamment dans le monde rural), sont souvent mal à l’aise face aux transformations des rôles masculin/féminin au sein du couple et aspirent à renouer avec des normes traditionnelles. De leur côté, les femmes de l’Est, elles, font valoir, pour expliquer leur venue, la dégradation des conditions socio-économiques, les violences conjugales et les difficultés à se remarier après un divorce.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne