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Climat

Les émissions mondiales de CO₂ sont reparties beaucoup trop fortement pour le climat

Les émissions mondiales de dioxyde de carbone ont largement augmenté en 2021, après la baisse record de 2020 due aux confinements. Un rebond en partie dû à l’électricité, l’industrie et les transports terrestres.

Les émissions mondiales de CO2 ont plus que doublé ces cinquante dernières années. Elles sont même reparties de plus belle en 2021, malgré la baisse enregistrée pendant les confinements dus au Covid-19 (-5,7 %), a révélé une étude de Carbon Monitor, publiée le 21 mars dans Nature Review Earth & Environment.

34,9 milliards de tonnes de CO2 ont ainsi été relâchées dans l’atmosphère en 2021, soit un rebond de 4,8 % des émissions de dioxyde de carbone, a calculé ce programme chargé de fournir des informations en temps quasi réel sur les émissions mondiales. La multiplication des variants et l’explosion du nombre de cas positifs au Covid-19 l’an dernier n’auront donc pas eu l’impact des politiques restrictives de 2020, la vie « normale » ayant repris son cours.

© Stéphane Jungers/Reporterre

UE, Inde : les plus forts rebonds

Qui blâmer pour ce retour en fanfare ? Avec des sursauts respectifs de 5,0 %, 2,6 % et 8,9 % par rapport aux niveaux de 2020, les émissions provenant de l’électricité, de l’industrie et des transports terrestres sont responsables de 89 % du rebond mondial total. Le secteur de l’aviation intérieure signe également un retour fracassant dans l’élite des pollueurs, avec une augmentation de près d’un quart de ses émissions par rapport à 2020.

Les pays ayant connu un plus fort rebond, eux, sont l’Inde (+9,4 % des émissions) et les vingt-sept pays de l’Union européenne (6,7 %) — auxquels les chercheurs ont ajouté le Royaume-Uni. Ils sont suivis de près par les États-Unis (6,5 %), la Russie (6 %) et la Chine (5,7 %). Le Japon, lui, a conservé une dynamique de réduction de ses rejets de dioxyde de carbone.

Ces hausses ne sont pas inédites, précisent les auteurs de l’étude. Les chocs pétroliers de 1974 et 1980, ainsi que la crise financière de 2008 avaient déjà provoqué des croissances négatives temporaires des émissions. Toutes, sans exception, ont été suivies d’une hausse d’ampleur. « Alors qu’il y avait une baisse record de CO2 en 2020, le rebond de 2021 pourrait signaler que l’histoire se répète, réduisant la confiance dans les actions mondiales d’atténuation du changement climatique », déplorent les scientifiques.

Un trou dans le porte-monnaie

Pour faciliter la compréhension de l’impact de telles émissions, les climatologues ont inventé la notion de « budget carbone mondial » : il s’agit de la quantité de CO2 que l’on peut encore se permettre de rejeter dans l’atmosphère si l’on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C. À compter de 2020 et pour un réchauffement de 1,5 °C, ce budget se milite à 400 milliards de tonnes de CO2, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

En 2021, les rejets de dioxyde de carbone ont donc grignoté 8,7 % du budget. Résultat : début 2022, il ne restait à l’humanité qu’une réserve de 332 milliards de tonnes de CO2 pour les années à venir. À ce rythme, neuf années suffiront à vider les caisses du budget carbone mondial. Autrement dit, en 2031, la quantité maximale d’émissions mondiales de CO2 permettant de limiter le réchauffement au niveau de l’Accord de Paris pourrait être dépassée.

Le compte à rebours est de courte durée et traduit la nécessité immédiate d’actions contraignantes vers la neutralité carbone : « Même en ignorant les effets de rebond, la diminution temporaire [...] des émissions de CO2 [en 2020] est inférieure aux réductions requises de 8 % par an, nécessaires pour limiter le réchauffement anthropique à 1,5 °C d’ici 2100 », disent les auteurs de l’étude.

« Une nouvelle augmentation des émissions mondiales au début 2022 »

Aujourd’hui, l’Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis promettent d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. La Chine et la Russie visent l’année 2060. L’Inde, l’année 2070. Dans l’éventualité où ces pays atteignaient cet objectif, ils émettraient malgré tout à eux seuls plus de 400 milliards de tonnes de CO2 cumulés, entre 2020 et 2045... Asséchant ainsi le budget carbone restant de tous les autres pays.

« Les données préliminaires du Carbon Monitor suggèrent déjà une nouvelle augmentation des émissions mondiales au début de l’année 2022, écrivent les scientifiques. Des actions de réduction des émissions plus coûteuses et plus agressives sont donc nécessaires pour freiner la tendance à la croissance des émissions. »

Cette croissance concerne également les émissions de méthane (CH4), à la durée de vie plus courte, mais à l’impact comparatif plus important que le CO2. Après une chute de 5,7 % entre 2019 et 2020, elles ont enregistré une hausse de 3,7 % en 2021. La raison principale : la demande accrue de gaz naturel et d’autres combustibles fossiles, que devraient amplifier les conséquences de la guerre contre l’Ukraine.

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