"On va se régaler avec cette troisième dose": un Niçois de 20 ans condamné pour avoir vendu des centaines de pass sanitaires

Le tribunal correctionnel de Nice a maintenu en prison un Niçois de 20 ans, qui a vendu des centaines de faux documents. Cinq autres prévenus ont écopé de peines de prison avec sursis ou d’amendes.

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Christophe CIRONE Publié le 30/03/2022 à 08:00, mis à jour le 30/03/2022 à 08:00
Des centaines de faux pass ont été générés via l’identifiant d’un soignant piraté. Photo d’illustration Sébastien BOTELLA

Bye bye, pass vaccinal. Oublié, pass sanitaire. Telle est la situation sur le front épidémique en France, malgré le rebond des contaminations de Covid-19. La justice, elle, n’a pas oublié si vite le pass sanitaire. Encore moins ses contrefaçons.

Six prévenus ont comparu devant le tribunal correctionnel de Nice, ce lundi, jusqu’au cœur de la nuit. Tous étaient impliqués, à divers degrés, dans un trafic de faux pass. Un procès rare, sinon inédit sur la Côte d’Azur. Difficile de cerner le nombre de bénéficiaires ou le montant des profifs. Mais ce business de l’ombre a permis à des centaines de faux pass de circuler.

Août 2021. "C’était le moment où on avait besoin du pass sanitaire pour aller au resto, pour sortir", démarre Ilyas Oueslati, 20 ans, protagoniste de l’affaire. "J’en ai vu sur Snapchat. J’ai commencé à en faire pour moi. Et après avoir acheté le mien, j’ai continué..."

Près de 500 identités recensées

Ilyas Oueslati est le seul détenu dans le box. Il a eu à faire à la justice le 15 février, déjà. Trois ans de prison, dont deux avec sursis, pour avoir participé à l’agression crapuleuse d’un jeune client du casino de Beaulieu. C’est en explorant son iPhone 12 que les gendarmes berlugans découvrent l’affaire des faux pass.

Dans son téléphone, des centaines de photos de cartes d’identité et de cartes Vitale. 490 identités recensées. Et un profil Ameli pro. Celui d’un infirmier de la Sarthe, dont les identifiants ont été piratés. Près de 20.000 faux pass auraient ainsi été générés à travers la France. Dont 191 par le biais d’Ilyas Oueslati.

"Les gens me suppliaient"

Un Lyonnais, Rami D., lui a ouvert cette boîte de Pandore. Interpellé lui aussi, il sera jugé à Lyon. Les faux pass? "Il les vendait pas cher", justifie Ilyas Oueslati. "Au début, il les vendait cher, 250-300 euros. Mais à la fin, il vendait 20-30 euros. Moi, je les revendais 50 euros."

Pressé de questions par la présidente Marion Menot, le jeune prévenu livre des explications embrouillées sur sa comptabilité. Il finit par avouer 8 à 10.000 euros de recettes, entre août et janvier derniers. Il aurait en outre versé près de 20.000 euros à Rami D. "C’était de l’argent facile, finit-il par lâcher, en larmes. Les gens me suppliaient de les faire [les pass]. Grâce à moi, ils pouvaient aller travailler..."

"Acte militant"

À l’instar du protagoniste, les autres prévenus reconnaissent leur implication. A minima. Des intermédiaires, pour la plupart. Plus serviables qu’intéressés, assurent-ils.

Hakim, une connaissance de Oueslati, lui a transmis l’identité de 75 personnes pour générer de faux pass. Surtout pour des proches, et gratuitement, selon lui. "Les autres, je les faisais payer 100 euros." Mohamed H., 26 ans, un autre intermédiaire, aurait revendu "70 à 130 euros" des pass achetés 50 euros. "On va s’en mettre plein les poches!", lâche-t-il à Oueslati lors d’un échange à l’automne. "On va se régaler avec cette troisième dose", approuve son interlocuteur.

Un étudiant antibois aurait revendu une dizaine de faux pass dans un "acte plus militant qu’autre chose", selon son avocat, Me Franck Chouman. Un jeune Tchétchène, lui, a servi quelques compatriotes en faux pass, tout en profitant indûment de 19.500 euros d’aides Covid. Quant à la compagne d’Ilyas Oueslati, elle admet l’avoir laissé faire, mais guère profité.

L’impact sur la santé publique en débat

Au final? "Un préjudice aux organismes sociaux et envers la santé publique", fustige le procureur Marc Ruperd. Il requiert 3 ans de prison, dont 6 mois avec sursis probatoire pour Oueslati. Et des peines mixtes (ferme et sursis) d’un an de prison pour tous les autres, sauf sa compagne. Avec des amendes de 3000 à 10.000 euros pour chacun.

La nuit est tombée sur Nice, quand la défense sonne la contre-attaque. Certains avocats s’interrogent sur le bien-fondé du pass sanitaire, ou sur l’impact réel d’un tel trafic, à l’instar de Mes Adrien Verrier, Cathy Guittard, Jean-Pascal Padovani ou Franck Chouman. Ce dernier relève: "Ce sont des faits qui n’existaient pas dans notre droit pénal il y a un an et demi, et qui n’existeront plus demain..."

Au bout de la nuit

Me Thomas Duforestel, l’avocat de Oueslati, dénonce "un dossier fourre-tout, monté de toutes pièces". Une affaire jugée façon trafic de stups, qui aurait mérité une instruction en amont, et un autre timing. Quand le tribunal rend son délibéré après dix heures d’audience, il est... 1h30 du matin.

Les familles sont restées. Notamment la mère d’Ilyas Oueslati, en larmes quand son fils repart derrière les barreaux. Il écope de 2 ans de prison, dont moitié ferme. Trois prévenus sont condamnés à 15 mois avec sursis. Le tribunal a prononcé des relaxes partielles pour tout le monde, et inflige des amendes de 500 à 6000 euros. Le prix d’un délit symptomatique des années Covid.

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Nice-Matin

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