Selon le nouveau rapport “Banking on Climate Chaos” (résumé en français), le soutien des grandes banques canadiennes au secteur des énergies fossiles a augmenté de 70 % l’année dernière, bien qu’elles reconnaissent la nécessité de réduire les émissions. Il est alarmant de constater que les sables bitumineux (la source de pollution par le carbone qui connaît la croissance la plus rapide au Canada) ont vu leur financement augmenter de 51 % par rapport à l’année dernière, pour atteindre 23,3 milliards de dollars canadiens, le bond le plus important étant réalisé par RBC et TD.

Les cinq grandes banques canadiennes figurent toutes parmi les 20 premiers bailleurs de fonds mondiaux des combustibles fossiles.

La 13e édition du rapport “Banking on Climate Chaos” montre que la RBC, la Banque Scotia, la CIBC, la TD et la Banque de Montréal ont toutes augmenté leur financement des combustibles fossiles d’un montant combiné de 54 milliards de dollars américains (61 milliards de dollars canadiens avec les variations de taux de change) en 2021, soit une augmentation de 70 % par rapport à 2020. Entre 2016 et 2021, les banques canadiennes ont acheminé un montant alarmant de 911 milliards de dollars canadiens dans le charbon, le pétrole, le gaz et les sables bitumineux. L’année dernière encore, toutes les banques canadiennes ont promis de devenir  » net zéro  » d’ici 2050 – s’engageant à réduire à zéro les émissions financées, y compris les mesures de compensation – et pourtant, cette même année, elles ont fourni 165 milliards de dollars à des clients du secteur des combustibles fossiles.

Les données montrent que les banques canadiennes sont responsables de la plus forte augmentation des émissions financées au niveau mondial. Les chiffres ont été évalués par un consortium d‘organisations de la société civile comprenant Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, Reclaim Finance, Sierra Club et urgewald, appuyé par Greenpeace Canada. 

RBC reste en tête de liste comme la pire banque pour le financement des combustibles fossiles au Canada. La banque a augmenté son financement de 23 milliards de dollars l’année dernière, doublant ainsi son financement par rapport à l’année précédente. Elle est suivie par la Scotiabank, dont l’augmentation du financement des combustibles fossiles s’élève à 16 milliards de dollars, et par la CIBC, dont l’augmentation s’élève à 15 milliards de dollars. La TD et la Banque de Montréal affichent des augmentations respectives de 4 et 3 milliards de dollars.

Le rapport examine le financement que 60 banques mondiales accordent aux grandes entreprises et aux projets liés aux combustibles fossiles, qui sont la principale cause des changements climatiques. Les chercheurs ont constaté que le financement des combustibles fossiles par ces banques a dépassé 5 998 milliards de dollars au cours des six années qui ont suivi l’adoption de l’Accord de Paris, avec 939,67 milliards de dollars pour la seule année 2021. 

Les banques canadiennes continuent d’être surreprésentées surreprésentées dans la première douzaine la plus « sale » de banquiers fossiles depuis la signature de l’Accord de Paris, avec la RBC, la Banque Scotia et la TD parmis les douze premiers et les cinq grandes banques dans les vingt premiers. Cependant, les banques américaines continuent de constituer le pire groupe de banques fossiles, les quatre principaux bailleurs de fonds des combustibles fossiles dans le monde (JPMorgan Chase, Citi, Wells Fargo et Bank of America) ayant tous leur siège social aux États-Unis, rejoints par Morgan Stanley et Goldman Sachs dans le top 14. 

« Les banques canadiennes exposent les actionnaires et le public à des risques inacceptables, a déclaré Adam Scott, directeur de Shift Action for Pension Wealth Planet Health, Elles risquent la valeur à long terme de leur entreprise en raison de leur dangereuse dépendance excessive à l’égard des prêts accordés à une industrie des combustibles fossiles confrontée à des perturbations soudaines. Et elles mettent en danger notre avenir collectif en retardant activement la transition vers l’abandon des combustibles fossiles nécessaire pour mettre fin à la crise climatique. Les données montrent que les banques canadiennes sont responsables de la plus forte augmentation des émissions financées à l’échelle mondiale. »

Pendant ce temps, l’Europe va dans la bonne direction avec des banques comme La Banque Postale en France publiant un engagement en 2021 de mettre fin au financement de toutes les entreprises qui se développent dans le pétrole et le gaz et sortir complètement du secteur d’ici 2030. Des banques telles que le Crédit Agricole et Nordea ont pris des engagements similaires concernant le charbon. 

La guerre russo-ukrainienne a mis en lumière le rôle que jouent les combustibles fossiles dans la guerre. Le Kremlin tire 36 % du budget finançant cette guerre de la vente de pétrole et de gaz. Des recherches récentes ont révélé que plus de 110 millions de dollars US ont été investis par d’importantes institutions financières canadiennes dans les grandes compagnies russes du pétrole et du gaz Lukoil, Rosneft et Gazprom. Les banques qui continuent à financer l’expansion de l’ensemble de ce secteur sont complices des conflits et de la violence. Le Canada ne fait pas exception, avec des agressions bien documentées contre les résistants autochtones au gazoduc Coastal GasLink, principalement financées par RBC.

Ce mois-ci, plus de 65 célébrités, musiciens et acteurs, dont Mark Ruffalo, Scarlett Johansson et Leonardo DiCaprio, ont appelé RBC, la plus grande banque du Canada, à cesser de financer le gazoduc et à mettre fin une fois pour toutes au financement des combustibles fossiles.

«  Il est incroyablement alarmant qu’en 2022, au plus fort de la crise climatique, RBC redouble d’efforts pour financer les combustibles fossiles. J’ai pris la parole lors de l’assemblée des actionnaires de RBC en 2009 pour parler des impacts des investissements de RBC sur l’eau et le climat – pourtant, RBC continue de financer délibérément la destruction, y compris dans ma communauté par le biais des sables bitumineux, le combustible fossile le plus sale au monde, a déclaré Melina Laboucan-Massimo, directrice principale de Indigenous Climate Action. Ce rapport est le dernier exemple en date de la façon dont RBC dissimule son rôle dans l’aggravation de la crise climatique et viole les droits des peuples autochtones en ne respectant pas le principe du consentement préalable, libre et éclairé tel qu’il est défini dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP). Dans ma communauté, nous ne pouvons pas boire notre eau à cause des investissements de RBC. Nous voulons nous assurer que les communautés ailleurs puissent toujours le faire. »

« À la lumière de l’augmentation du financement des combustibles fossiles par RBC au cours de la dernière année, les engagements climatiques sans suivi réel ne sont que du vent. Nous sommes incroyablement déçus que RBC choisisse de mettre le feu à notre avenir au lieu d’être un champion du climat », a déclaré Sarah Beuhler, chargée de campagne principale pour le financement climatique de Stand.earth. 

Ce n’est que grâce au financement des banques et d’autres institutions financières que les entreprises de charbon, de pétrole et de gaz peuvent continuer à se développer et à augmenter leurs émissions. L’objectif de « réduire les émissions » à des niveaux sécuritaires et vivables sera inatteignable. Selon le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies, l’impact du réchauffement climatique s’est intensifié et le monde est déjà confronté à des dommages irréversibles aux écosystèmes, aux humains et aux animaux luttant pour leur survie. 

« Si l’argent parle, alors les cinq grandes banques canadiennes disent qu’elles veulent que la planète brûle, a déclaré Keith Stewart, stratège principal en matière d’énergie chez Greenpeace Canada. Leur financement des combustibles fossiles est revenu à des sommets pré-pandémiques, ce qui révèle que toutes leurs belles paroles sur l’action climatique ne sont que vent, ne signifient rien. »

Le rapport d’aujourd’hui survient avant les assemblées des actionnaires des banques fossiles, dont celle de RBC le 7 avril, où les communautés se préparent à agir.