Si vous ne trouvez pas le chemin entre le parking et le restaurant sans l’aide de Google [Maps], c’est gênant — mais peut-être n’est-ce pas de votre faute”, fait remarquer le site Fast Company. Vous pouvez au contraire blâmer l’environnement dans lequel vous avez passé votre enfance, suggère une étude parue le 30 mars dans Nature.

“Les personnes qui grandissent dans des villes prévisibles et quadrillées comme Chicago ou New York semblent avoir du mal à naviguer aussi facilement que celles qui viennent de zones plus rurales ou de villes plus complexes”, décrypte de son côté le New York Times, qui a interrogé des individus dont le sens de l’orientation semble les avoir abandonnés.

Par exemple, Stephanie de Silva ne parvient toujours pas à se repérer dans Londres, même six mois après y avoir emménagé. “Je ne pense pas que les directions cardinales existent ici”, témoigne, non sans ironie, cette jeune scientifique élevée à Chicago, où les rues portent le nom des directions comme “Nord” ou “Est”, et où le lac Michigan permet de ne jamais se sentir perdu.

Des millions de participants

Le laboratoire de neurosciences de l’University College London, où elle travaille, a collaboré avec une équipe internationale pour étudier ce qui influence la façon dont les adultes s’orientent dans l’espace. Les chercheurs se sont appuyés sur Sea Hero Quest, un jeu vidéo initialement développé pour étudier la maladie d’Alzheimer. Fast Company rapporte :

“L’intrigue du jeu oblige les joueurs à voyager à travers des mers virtuelles pour localiser des destinations cachées, mettant à l’épreuve leur sens de l’orientation.”

Pour leur étude, les chercheurs espéraient recruter un panel de 100 000 joueurs. Mais ce sont plus de 4 millions de personnes qui se sont jointes, permettant de constituer une gigantesque base de données mondiale d’indices sur la capacité des gens à se déplacer. “Nous avons sous-estimé le monde du jeu, déclare au New York Times Michael Hornberger, spécialiste de la démence à l’Université d’East Anglia, coauteur de l’étude. Cela a dépassé nos rêves les plus fous.”

Interface du jeu Sea Hero Quest
Interface du jeu Sea Hero Quest Glitchers LTD

Les chercheurs ont ainsi pu mesurer la capacité de navigation spatiale non verbale chez 397 162 personnes issues de 38 pays. “Dans l’ensemble, nous avons constaté que les personnes qui ont grandi en dehors des villes étaient meilleures en navigation. Plus précisément, les gens naviguaient mieux dans des environnements à la topologie similaire à celle des lieux où ils avaient grandi”, peut-on lire dans le résumé d’étude.

“Cellules-grille”

“L’équipe est parvenue à ces conclusions même après avoir contrôlé l’âge, le sexe, les compétences en jeux vidéo et le niveau d’éducation des volontaires”, précise New Scientist. Les scientifiques ont également mis en évidence que le lieu depuis lequel les personnes jouent n’a aucun effet sur leur capacité d’orientation.

Pour Marc Berman, chercheur en psychologie à l’université de Chicago, cette étude, à laquelle il n’a pas participé, est particulièrement bien faite. Auprès de New Scientist, il s’enthousiasme :

“La diversité et la taille de l’échantillon sont formidables, et les participants n’étaient pas au courant de ce qui était testé. Ils jouaient juste à un jeu.”

Hugo Spiers, de l’University College London, coauteur de l’étude, suppose que l’environnement dans lequel vous grandissez peut avoir un impact sur la façon dont certains neurones appelés “cellules-grille”, qui font partie du système de positionnement du cerveau, transmettent des signaux électriques au cours d’une étape critique du développement. Leur modèle d’activité demeurerait ainsi inchangé par la suite. Néanmoins, fait remarquer le chercheur à l’hebdomadaire scientifique :

“Nous devons tenir compte du fait que nous avons mesuré la navigation spatiale à l’aide d’un jeu vidéo, ce qui n’est pas la même chose que la navigation dans le monde réel.”